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Citations sur L'Espagne musulmane, VIIIe-XIe siècle (14)

Il n’y a rien de vrai dans cette jolie histoire, forgée longtemps après le débarquement arabe, mise à part l’existence, bien réelle, du comte Julien. La vérité est moins romantique. Tarik, qui commandait à Tanger de fortes unités berbères et connaissait l’état de faiblesse des Wisigoths, forma le projet de traverser le détroit avec le but bien arrêté de se tailler une principauté dans la Péninsule. Ses soldats savaient que l’Espagne était un pays riche et déchiré par les rivalités de ceux qui le gouvernaient. Une fois l’Afrique du Nord soumise, la conquête de l’Espagne, le « ventre mou de l’Europe occidentale », était alors, pensait Tarik, dans la nature des choses.
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Les Wisigoths avaient persécuté les Juifs au point d’édicter des lois antisémites dont le but était de supprimer toute présence juive. Le concile de Tolède avait décidé d’obliger tous les Juifs à se faire baptiser sous peine de lourds châtiments, y compris des tortures physiques. La circoncision était interdite, de même que l’absorption de nourritures rituelles. Il était interdit aux chrétiens de les fréquenter, jusqu’à ce qu’un concile décide de réduire tous les Juifs en esclavage et d’enlever tous les enfants juifs à leurs parents pour les élever dans la religion chrétienne. Une énorme vague d’antisémitisme déferla sur la Péninsule. Les synagogues furent détruites. On comprend que les Juifs aient facilité la conquête arabe et accueilli les envahisseurs comme des libérateurs.

Sous la domination arabe, tous les métiers sont permis aux Juifs, à plus forte raison quand ils se convertissent. On trouve des Juifs dans l’entourage des princes, à Badajoz, à Saragosse, à Valence notamment. Certains parviennent au rang de vizir. Du fait des relations qu’ils ont à l’étranger et de leurs connaissances des langues, les princes musulmans les utilisent comme diplomates. On cite parmi les plus connus Ibn Ishaq ibn Shadrut, un homme de grande culture qui traduisit en arabe le Traité de Médecine de Dioscoride, qu’Abdar Rahman III envoya comme ambassadeur auprès du roi Léon. (pp. 237-238)
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Le malékisme tenait son nom de Malik Ibn Anas, qui était mort récemment à Médine où il avait vécu et prêché son interprétation des lois de l’islam, fortement inspirée de son entourage local. Le malékisme a été, à juste titre, qualifié de fondamentaliste du fait que son interprétation du Coran est la plus littérale et la plus sévère. Adversaire de toute innovation et de toute discussion mettant en cause la doctrine la plus stricte de l’islam, Malik considère que les pensées religieuses et morales doivent pénétrer la totalité des prescriptions de Dieu. D’une intransigeance totale à l’égard des schismatiques, qu’ils qualifient de perturbateurs et d’agents de corruptions, c’est à des juges malékites que s’adressaient presque toujours les souverains qui voulaient faire condamner – à mort le plus souvent – les hérétiques ou ceux considérés comme tels.

En Espagne, après son adoption sous l’influence de Hisham, puis de Hakam, le malékisme demeurera la doctrine juridique officielle qu’appliqueront sans tolérance les juges devenus rapidement une véritable aristocratie cléricale dont le pouvoir perdurera jusqu’à la fin de la dynastie omeyyade. (pp. 58-59)
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Ce penchant [de Al-Hakam II, calife de Cordoue, 961-976] pour l’étude et le savoir, dont on trouve peu d’exemples chez les souverains de son temps – d’autres temps aussi –, avait laissé une trace avec l’immense bibliothèque qu’il réunit à Cordoue, à l’Alcazar même. Constituée, dit-on, de 400 000 volumes (chiffre probablement plus symbolique que réel), elle contenait tous les ouvrages qu’il était possible de réunir à cette époque, religieux et profanes. L’énorme Trésor dans lequel il pouvait puiser à pleines mains lui donnait toutes les possibilités d’acquérir des livres, fût-ce à l’extrémité du monde connu, ce qu’il faisait en envoyant à l’étranger des missions dont le seul objet était d’en acheter à n’importe quel prix. Arrivés à Cordoue, ces livres étaient remis à des équipes de savants qui les répertoriaient, les résumaient, les faisait copier et, bien sûr, les étudiaient. Le catalogue de sa bibliothèque, selon Dozy, formait à lui seul quarante-quatre cahiers dont chacun avait vint feuillets selon les uns, cinquante selon les autres… Et tous ces volumes, al-Hakam les avait lus et, qui plus est, en avait annoté la plupart. Les livres composés en Perse et en Syrie lui étaient souvent connus avant que personne ne les eût lus en Orient. En Andalousie, presque tout le monde savait lire et écrire tandis que dans l’Europe chrétienne les personnes les plus hauts placés, à moins qu’elles appartinssent au haut clergé, ne le savaient pas. Bien que les écoles fussent bonnes et nombreuses le calife fonda dans la capitale vingt-sept écoles pour les classes les plus pauvres.

A l’imitation du calife, les princes et les nobles, les grands commerçants rassemblaient de grandes bibliothèques. Dans Cordoue même, il existait une vingtaine de bibliothèques où chacun pouvait se rendre pour lui ou consulter des livres.

La passion du calife de Cordoue faisait des émules. Le roi de Saragosse, Muktadir, par exemple, était un excellent mathématicien et astronome. Celui de Badajoz écrivit une encyclopédie de cent volumes rassemblant toutes les connaissances de son époque. A l’imitation du calife, des intellectuels chrétiens écrivirent aussi. A la demande de Hakam l’évêque de Gérone écrivit une Histoire des Francs et celui de Cordoue lui dédia son livre Sur la division du Temps et la résurrection des Corps. (pp. 136-137)
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Le pays et les hommes qu’Abdar Rahman [émir de Cordoue, 822-852] va gouverner sont bien différents de ceux des premières années du règne de son père. En peu d’années les conversions à l’islam se sont multipliées, et, surtout, l’assimilation se fait maintenant très rapidement, au point que beaucoup de chrétiens ne s’expriment plus que dans la langue des vainqueurs (…) cette rapide assimilation, cette adoption des goûts et des habitudes des musulmans n’étaient pas du goût des autorités chrétiennes, loin de là. L’ignorance du latin, la langue de l’Église, était telle que l’archevêque de Séville fit traduire la Bible en arabe afin que les chrétiens puissent la lire.
(…)
Cette arabisation des chrétiens ne pouvait manquer de provoquer des réactions chez les chrétiens les plus attachés à leur religion. Voyant leur troupeau s’amenuiser, la culture et les meurs arabes remplacer celles de leurs héritage chrétien et romain : les évêques mettaient souvent en garde leurs ouailles contre cette croyance et cette morale inspirée par Satan. Leur colère était d’autant plus grande que leurs connaissances de l’islam étaient inexistantes. Ils se bornaient à répéter les fables colportées dans les milieux populaires chrétiens sur Mohammed et la religion musulmane, sans prendre la peine d’aller aux sources, qu’ils avaient à portée de main. « Cet ennemi de notre Sauveur, disait Alvaro en parlant de Mohammed, a consacré le sixième jour de la semaine à la bonne chère et à la débauche… Le Christ a prêché le mariage, lui le divorce ; le Christ a recommandé la sobriété et le jeûne, lui les festins et les plaisirs de la table… » Et ainsi de suite.

L’émotion suscitée chez les chrétiens par cette propagande eut pour principale résultat, outre de violentes querelles entre musulmans et chrétiens, d’inspirer aux plus fanatiques des chrétiens mozarabes le désir de montrer qu’ils étaient prêts à donner leur vie pour prouver la grandeur de leur religion et l’infamie de l’islam. Sous l’influence de vieux chrétiens exaltés, en tête le prêtre Euloge et Alvaro, un laïc, des chrétiens insultaient volontairement le Prophète et l’islam, faisaient irruption avec fracas dans les mosquées uniquement pour être dénoncés, arrêtés et suppliciés. « Ceux-là entreront dans la béatitude des élus qui s’offrent volontairement au martyre », répétait Euloge. (pp. 71-74)
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Cette opposition à fondement religieux entre les musulmans installés en Andalus et les envahisseurs traduisait le profond malaise social qui existait en les uns et les autres. Les Almohades ne réussirent jamais à obtenir l'adhésion des populations. Considérés à la fois comme des occupants militaires étrangers et comme porteurs d'une doctrine religieuse qui ne répondait pas aux besoins spirituels de la majorité des musulmans d'Andalus, le désaccord était total. Il ne pouvait conduire qu'à l'éviction de ceux considérés comme de simples envahisseurs.
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Empreinte de l'Islam et décor emprunté aux civilisations orientales mis à part, rien ne ressemblait autant, dans son plan général, à une ville chrétienne d'Occident qu'une ville musulman d'Orient - ou d'Occident - au Moyen-Âge.
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Aucune ville d'Espagne, sauf Cordoue avec son fleuve et sa mosquée, ne reflète autant que Tolède, "la Rome espagnole", les civilisations qui l'ont modelée, "miroir de tous les âges qui porte l'empreinte de l'Occident et de l'Orient".
Capitale des Wisigoths jusqu'en 708, centre intellectuel et religieux de première importance, elle ne cessa de tenir en Espagne une place à part. C'est elle qui mérite le mieux le surnom de "Capitale des Trois Religions". Musulmans, chrétiens et Juifs occupent des quartiers entiers, collaborant à l'embellissement de leur ville et lui donnant son éclat intellectuel.
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Les mukarbas, par exemple, seront un élément essentiel et somptueux de la décoration de la Cour des Lions, à l'Alhambra de Grenade. Ils ne tiendront cependant jamais en Espagne la place qui est la leur dans l'architecture d'Egypte et de l'Asie centrale où ils font partie intégrante de la culture et de la mentalité islamiques.
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Tous les exemples montrent que jamais, dans l’histoire des pays d’islam, les rivaux d’un chef ne se considèrent comme battus tant qu’il est en vie. Tout au long de son règne il aura à combattre les siens. Il aura la chance que jamais ils ne parviennent à s’unir, la chance aussi d’être doté d’un courage indomptable et que soient arrivés peu de temps auparavant du Proche-Orient de nombreux partisans des Omeyyades, membres des djund (groupes armés) syriens révoltés par les méthodes brutales qu’utilisaient les Abbassides de Bagdad.
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