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EAN : SIE27255_1174
Plon (30/11/-1)
4.67/5   3 notes
Résumé :
L'an 1525. Dans la forêt tropicale de la région maya, des mains blanches passent une corde autour du cou d'un jeune homme à la peau cuivrée. Les bourreaux sont espagnols. La victime est un Mexicain; son nom, Cuauhtemoc, signifie « l'aigle qui tombe, ou qui tomba »; il a été le onzième et dernier empereur du Mexique. En cette heure de lassitude et de crainte, la mort de Cuauhtemoc est voulue par Hernán Cortés, qui a abattu l'empire aztèque et l'aigle qui le personnif... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Dans cet épais volume paru chez Plon en 1964, Carlo Coccioli s'est attaché à expliquer "de l'intérieur" la tragédie aztèque (ou mexica, autre nom des Aztèques), cet écroulement d'une civilisation à la fois brillante et sanglante qui parvint, au début du XIVème siècle, à imposer sa loi pratiquement à toute l'Amérique centrale pré-colombienne, à l'exception notable des Tarasques. Pour ce faire, il choisit comme héros et comme narrateur le dernier empereur aztèque, Cuauhtemoc, neveu de Montezuma (ou Moctezuma), deuxième du nom. Celui de Cuauhtemoc signifie littéralement "Aigle-Qui-Tombe." Cela, ajouté aux présages néfastes qui auraient, dit-on, accompagné sa naissance, semblent l'avoir prédestiné au drame qu'il partagea avec son peuple : la défaite finale devant les conquérants espagnols, menés par Fernando Cortes.

Mais, plus que Montezuma II, trop anxieux, trop passif aussi devant les prétentions de Cortes, Cuauhtemoc représente la révolte devant l'envahisseur et la lutte désespérée des Aztèques pour conserver leur liberté et celle de leur pays. le roman de Coccioli donne une vision cohérente du processus qui devait amener le jeune prince à conspirer tout d'abord contre Montezuma - Coccioli adopte la version selon laquelle Cuauhtemoc aurait été le premier à lancer des pierres contre l'Empereur devenu la marionnette des Espagnols - puis contre Cortes et les siens. On assiste à la transformation d'un adolescent indécis, respectueux de l'opinion de ses aînés, en un chef aguerri et lucide, à qui sa foi atypique, si éloignée de celle de ses ancêtres, permettra de voir au-delà la mort de son Empire.

Car "L'Aigle Aztèque Est Tombé" est aussi une réflexion sur la foi et sur la nature des dieux. Réflexion dépourvue, il est important de le préciser, de toute mièvrerie superflue, réflexion même hérétique pour certains puisque l'auteur, sous le masque de Cuauhtemoc, en arrive à exprimer l'idée que, de Huitzlipotchli, le redoutable dieu de la Guerre si vénéré par les Aztèques (et désigné ici sous le nom de "Sorcier-Colibri") au Christ amené par les vassaux de Charles-Quint, la divinité n'est qu'Une. L'idée n'est certes pas neuve mais l'originalité de Coccioli réside dans le parallèle entre un dieu à qui l'on sacrifiait des milliers de prisonniers de guerre dont on arrachait le coeur et un autre qui, dit-on, envoya son fils sur terre pour que celui-ci s'offrît en sacrifice sur une croix. Lorsqu'il se dirige vers la Mort qui l'attend, à la fin du livre, Cuauhtemoc abandonne derrière lui et les dieux de ses ancêtres, et celui que Cortes tente de lui imposer : il va vers ce qu'il nomme "la lumière verte", laquelle n'est, pour lui, que "paix et joie."

Enfin, "L'Aigle Aztèque ..." constitue un admirable poème en prose, ample, généreux, fleuri de mille images barbares ou émouvantes, cruelles ou pleines de tendresse, un poème qui, ainsi que Coccioli l'indique dans sa préface, doit beaucoup aux codex indiens traduits dans leur langue par ceux qui, parmi les Espagnols, avaient été touchés par la magique beauté de cette civilisation à qui ils assenèrent le coup fatal. le texte français, d'une qualité exemplaire, a fidèlement respecté la volonté poétique et parfois archaïsante de l'auteur et grâces soient donc rendues pour cela au traducteur dont le nom, malheureusement, nous est encore inconnu.

Si vous ne redoutez pas les romans historiques détaillés, si la civilisation aztèque vous fascine, et si les questions spirituelles ne sont pas pour vous déplaire, vous auriez tort de passer à côté de "L'Aigle Aztèque Est Tombé", ce mémorial littéraire dressé par Carlo Coccioli en hommage au peuple qui a laissé son nom à Mexico et au Mexique. ;o)
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Un roman historique, sur le dernier empereur des aztèques, Cuauhtemoc, "L'aigle-qui-tombe" (ou L'aigle-qui-descend, selon la traduction). On a beaucoup de petits chapitres, alternant les moments où Cuauhtemoc médite dans sa tente, sur la mise à mort qui l'attend le lendemain, et les souvenirs de sa vie, depuis sa petite enfance jusqu'à son sacre et sa résistance désespérée contre l'envahisseur espagnol.

Pour un chef qui fut principalement militaire, c'est beaucoup plus mystique et philosophique, et beaucoup moins stratégique et guerrier, que j'attendais. La question de savoir quels sont les dieux, s'il faut les écouter, quel est la nature du dieu des blancs, sont fondamentales. Sinon, cela parle aussi beaucoup des différences culturelles, de la façon dont les blancs sont vus par les aztèques. Pas spécialement pour excuser les aztèques, d'ailleurs - l'auteur récupère même quelques parts de la légende noire - plutôt pour montrer de l'intérieur une diversité, un état d'esprit totalement autre.

C'est très bien écrit, bien pensé, et pour cela on lit avec beaucoup de plaisir, malheureusement cette version de Cuauhtemoc, quoique intéressante, ne m'est pas vraiment sympathique, et aucun des personnages secondaires non plus. Pareil pour les relations humaines : elles sont frappantes et humaines dans leurs descriptions, mais pas spécialement touchantes.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
[...] ... La certitude du vieux Citatlcoatl [maître spirituel de Cuauhtemoc], fondée sur son expérience des dieux, ne fit que renforcer mon hypothèse, seulement fondée, elle, sur l'instinct : [les Espagnols] n'étaient pas des dieux. Probablement n'étaient-ils pas des hommes non plus ; c'étaient des créatures mystérieuses, descendues peut-être d'une étoile, ou de la lune ; enfantés par les vagues de la mer, qui eût pu le dire ? mais étant les serviteurs d'un dieu, ils n'étaient pas plus dieux que ne l'étaient les prêtres de nos dieux, qui s'appelaient parfois comme les dieux qu'ils servaient ; partant, on pouvait les combattre, on en avait la faculté et le droit ; et l'on pouvait, pourquoi pas ? combattre leur dieu. On pouvait les "vulnérer." Cette idée - les "vulnérer" - proposée déjà par le seigneur d'Ixtapalapa comme un élément essentiel de la politique à suivre, se fraya un chemin dans mon esprit : elle ne me laissa plus en paix. En même temps, elle me donna une certaine paix : elle m'arracha à la douloureuse insatisfaction qui était mienne depuis hélas ! trop de jours ou de mois. Elle me remplit d'enthousiasme, d'ardeur. Dans le corps des Etres, il fallait plonger une arme ; il le fallait ! Il fallait voir leur sang. Il fallait étudier la nature de leur sang, de leur chair. Il fallait ne pas douter, et faire en sorte que personne n'en doutât, que, blessés à mort dans leur corps, les Etres ne souffraient pas moins que nous, ne mouraient pas moins que nous.

On ne tarda pas à savoir qu'ils n'avaient pas qu'un seul dieu ; ils en avaient plusieurs ; ils avaient une déesse. On disait qu'elle était vierge. Vierge, elle était pourtant mère. Mère du dieu Croix. Elle se nommait Marie. J'entendis quelqu'un soutenir qu'il s'agissait de la femme de Serpent-A-Plumes [le dieu Quetzalcoatl, parti jadis vers l'Ouest et qui, selon la tradition, devait revenir un jour, avec des êtres à la peau blanche]. Quelqu'un souffla à l'oreille de madame ma mère qu'elle était peut-être Jupe-de-Serpents [la Grande Déesse Coatlicue], déesse de la Terre et mère de Sorcier-Colibri [autre nom du dieu du Soleil et de la Guerre Huitzilopochtli]. Un vieux maître de l'endroit-où-les-maisons-sont-alignées [école et temple où étaient élevés les garçons à partir de onze ans] prétendait pouvoir l'identifier avec Notre-Dame-de-la-Subsistance [autre déesse favorable aux bonnes récoltes]. Le fait est que, dans le temple profané [par les Espagnols] de Cempoala, à côté du dieu Croix, on avait placé l'image de cette dame, de cette Marie. Elle était jeune, elle était belle, mais non aussi belle, aux dires de nos espions, que la déesse du Maïs par exemple. Ce qui d'ailleurs n'avait pas la moindre importance : on n'exige pas d'un dieu qu'il soit beau. ... [...]
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... Moi, Cuauhtemoc, fils d'Ahuizotl, moi Aigle-Qui-Tombe, celui-qui-parle, roi de Tenochtitlan, chef de la Triple Alliance, empereur, onzième et dernier seigneur du Mexique, chef des hommes [les Aztèques se désignaient comme "les hommes" et nommaient les Espagnols "les Etres"], je suis de nouveau entouré d'une couleur verte qui est plus vive, plus rayonnante, plus harmonieuse, oh ! mille fois plus vive ! et plus totale, que celle qui s'étale sur les plumes de l'oiseau quetzat, oiseau vert-bleu, dont sont faites les parures des rois. Cette couleur verte, fleur et chant, m'a saisi à l'instant où le silence, succédant au dernier cri du dernier des Etres aujourd'hui ivres, s'est emparé de la forêt et de mon coeur. Vite, la couleur verte, fleur et chant, enfantée du ciel et de la terre, ou peut-être du sommeil de messeigneurs mes camarades, ou peut-être de moi - qui le sait ? - vite cette couleur qui est paix et joie, couleur ou lumière, s'est mise à palpiter dans mon sang. Je suis cette couleur resplendissante et à la fois intime, et je suis ma paix, ma joie, et ce silence surhumain, et tout cela est dans mon sang, est mon sang ; mon sang vert, neuf ; je comprends à présent pourquoi les dieux aiment le précieux liquide qui coule dans les veines des hommes et palpite dans leurs tempes, je comprends pourquoi les dieux en raffolent : je crois que le sang est vert, plus vert que l'oiseau quetzal vert-bleu, et je crois que cette verdeur est silence et paix, silence et joie. ... [...]
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