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Sophie Mayoux (Traducteur)
EAN : 9782020404563
256 pages
Seuil (17/03/2000)
4.04/5   295 notes
Résumé :
Dans un désert sans nom, dans un temps incertain, un homme juste et bon, le Magistrat, veille sur une cité paisible. Mais le pouvoir central s’inquiète d’une invasion barbare et dépêche sur les lieux un tortionnaire de la pire espèce. Parmi les prisonniers, une jeune femme blessée attire l’attention du magistrat...

Une parabole qui s’incarne dans un récit d’une rare intensité, par le prix Nobel de littérature 2003.

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Critiques, Analyses et Avis (38) Voir plus Ajouter une critique
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En ces temps de peur et de stigmatisation de l'Etranger, de l'Autre, j'avais besoin de m'offrir un antidote littéraire et le roman de J.M Coetzee : En attendant les barbares m'a paru correspondre en tous points à ce que je cherchais.Dire que je suis déçue serait injuste mais au début de ma lecture ce roman m'a surprise et déroutée.
Cette fable dystopique nous emmène dans un Empire situé hors de l'espace et du temps, avec une omniprésence du militaire et de tout ce qui va avec : obéissance aveugle aux ordres, exactions commises auprès des populations indigènes, ces fameux "barbares" dont on se sait pas grand chose mais que la rumeur populaire présente comme menaçants. le décor est planté et dès le début du récit, on sait que si barbarie il y a, ce sera celle de l'homme civilisé contre les populations autochtones, celles qui vivent aux confins de cette ville de garnison dont on ne connaîtra jamais le nom.
Mais tout cela constitue - du moins à mes yeux - une toile de fond pour un récit plutôt centré sur un personnage, celui du narrateur, un magistrat vieillissant et fatigué, n'aspirant plus qu'au repos et la quiétude. Et c'est bien malgré lui qu'il va se trouver confronté à une situation qu'il ne pourra accepter au nom de ses valeurs. C'est un personnage complexe, à mi-chemin entre l'anti-héros et le héros tragique, qui au début du roman va se boucher les oreilles plutôt que d'entendre le cri des suppliciés. Sa lucidité désespérée n'a d'égale que le dégoût qu'il éprouve pour son propre corps vieillissant. Cette thématique du délitement, qu'il s'agisse du corps ou du paysage désertique qui entoure la ville est d'ailleurs omniprésente dans tout le première partie du récit duquel se dégage une ambiance délétère et oppressante qui n'est pas démentie par le caractère très répétitif de certaines scènes à l'érotisme éthéré entre le Magistrat et la jeune nomade qu'il a enlevée aux griffes de la soldatesque.
Heureusement que la deuxième partie change de tonalité et donne à voir aussi à travers la révolte du magistrat contre les tortionnaires que sont devenus les soldats, une autre facette du personnage : celle de son refus de la torture et des sévices infligés aux victimes. Là encore le corps est omniprésent et l'on suit le Magistrat devenu lui aussi ennemi et supplicié dans tout le long parcours qui va le faire passer du paroxysme de la douleur à sa domestication. J'ai beaucoup aimé certaines scènes très fortes où la plume de Coetzee s'envole, s'enflamme et cerne au plus près les ressentis et les émotions liés à la souffrance physique et morale.
Pour conclure, je dirais que même si cette thématique des difficultés liées à l'engagement personnel n'est pas celle à laquelle je m'attendais, j'ai été conquise par le traitement littéraire qu'en fait Coetzee. Mais j'aurais aimé qu'elle survienne plus rapidement et qu'elle prenne aussi plus vite le pas sur cette thématique du corps vieillissant en proie aux tourments d'une sexualité dans laquelle il ne se reconnaît plus.
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JM Coetzee nous propose une histoire bien étrange, avec son roman En attendant les barbares. On ne sait pas trop où ni quand elle se déroule et ce n'est pas vraiment important. le narrateur est le magistrat d'une ville frontalière repliée sur elle-même. Au-delà des murailles, dans le désert montagneux, aride et froid, se cachent des barbares. On ne sait pas beaucoup de choses sur eux, sinon que tout ce territoire leur appartenait autrefois, il y a très longtemps. On les craint mais on ne sait pas trop pourquoi. Sans doute parce que l'Empire en a décidé ainsi, il faut un ennemi commun alors on invente cette menace. Pourtant, les rares barbares qu'on a vus vivaient misérablement dans des huttes près du lac et de la rivière. Quoiqu'il en soit, le lecteur assiste surtout au malaise croissant dans la petite communauté puis à l'arrivée réjouissante d'une compagnie armée envoyée en renfort. Mais le narrateur, lui, voit cette arrivée d'un mauvais oeil…

Beaucoup comparent En attendant les barbares avec le désert des Tartares, de Dino Buzzati. Oui, il y a des ressemblances. Parr exemple, cette forteresse, ce bastion de la civilisation aux frontières de nulle part. Mais, alors que le héros de Buzzati perd la raison en croyant accomplir son devoir absurde de tenir tête à un ennemi invisible (peut-être même disparu ?), celui de Coetzee doit faire la guerre aux siens. C'est que l'Empire redoute ces barbares qui sont à ses portes. D'ailleurs, la nouvelle compagnie armée tout droit de la capitale disperse quelques groupuscules de ces barbares, en fait quelques uns prisonniers et les torture. le magistrat s'y oppose, les prend en pitié, surtout leur vient en aide. D'ailleurs, il recueille l'une d'entre eux chez lui. Ce geste lui vaut l'animosité des soldats et l'incompréhension des civils, qui se détachent de lui. Pourquoi les aime-t-il ? Est-il en ligue avec eux ? » La peur, toujours la peur gouverne les esprits, alors on s'acharne davantage sur les barbares, on les provoque.

Coetzee nous propose une réflexion sur la condition humaine. Au nom de la civilisation, plusieurs protagonistes commettent les pires atrocités. C'est beaucoup dire. Mais, finalement, la compagnie armée est défaite et éparpillée, les rares soldats à revenir laissent tomber les armes. Les civils sont maintenant sans défense. Et le magistrat est maintenant trop vieux et isolé pour y faire quoi que ce soit. Il ne reste plus qu'à attendre les barbares. Alors que leur avancée menace la ville, les passions se déchainent, on s'entre-déchire. Les civils qui le peuvent s'enfuient, pour les autres, c'est la déchéance. On se rend compte à quel point la civilisation est fragile… C'est tout un retournement : les barbares, les indigènes reprennent leurs droits sur leurs terres ancestrales. Beaucoup y voient une allégorie, on peut en effet comparer cette situation avec le régime ségrégationnsite qui sévissait en Afrique du Sud, assurant la suprémacie des Afrikaans sur les Noirs. On peut dire que, avec En attendant les barbares, l'auteur avait vu juste car l'Apartheid fut abolie onze ans plus tard…
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La pire crainte et la plus longue attente sont bien celles du danger imaginé auquel on se prépare et qui ne vient pas. Dans une ville au milieu de nulle part, des hommes s'attendent à l'attaque des Barbares, en réalité des nomades chassés de leur territoire.

L'armée du colonel Joll, envoyée en renfort pour lutter contre cette menace inventée par le pouvoir, procède à l'arrestation et à la torture de certains de ces malheureux capturés dans le désert proche. le seul à réagir face à cette injustice est le magistrat de la ville, un homme intègre qui subira le même sort que ceux qu'il défend.

Un roman dont l'attente, longue et oppressante, n'est pas sans rappeler celle du héros de Buzzati dans le désert des Tartares, à la différence que celui-ci, devenu trop vieux, n'agira pas le moment venu. Une oeuvre remarquable, écrite par un descendant d'afrikaners, qui dénonce les dérives de la colonisation en Afrique du sud, et plus généralement du colonialisme à l'origine de la soumission ou de l'anéantissement de populations indigènes.


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J. M. Coetzee dénonce de façon brutale les dérives coloniales et dictatoriales de son pays, même si celui-ci n'est jamais cité explicitement. Cette oeuvre se veut une critique virulente de la répression et de la torture exercées par l'Etat sud-africain contre ceux qu'il désignait comme étant les «barbares».
L'histoire se déroule dans une petite ville perdue dans le désert, aux confins d'un empire imaginaire. Cette cité est dirigée par un homme épris de justice, le magistrat. La vie semble à première vue paisible mais la menace est là, personnifiée par le pouvoir central qui cherche à attiser les peurs de la population en lui faisant croire qu'une invasion de «barbares» est imminente.
Comme dans « le désert des tartares » de Dino Buzzati, il ne se passe pas vraiment grand-chose. L'attente et l'ennui sont de rigueur. Cependant, à travers cette menace illusoire, on assiste progressivement à la chute du magistrat, seule personne sensée dans cette ville.
Un livre formidable, dont le message est universel, dénonçant la manière dont chaque société crée ses propres « barbares » pour aiguiser la crainte de ses citoyens et les maintenir ainsi dans un état de soumission envers le pouvoir en place. Résolument militant et salvateur !
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Coetzee a décidément une écriture très singulière, à la fois sobre et profonde, froide mais puissante, à l'image de ce qu'il reflète lui-même. Au coeur d'un paysage de bout du monde, aride en été, glacial et venteux en hiver, avec le désert pour horizon et dans ce désert, la présence de ce peuple autochtone que l'on appelle les Barbares, parce qu'ils nous sont étrangers et forcément dangereux. le magistrat de cette petite ville qui semble avoir été oubliée, vieil homme se bat entre ses désirs charnels qu'il peut difficilement dissimuler aux yeux des habitants, et sa lutte pour la justice et la raison, est confronté à l'arrivée de tortionnaires décidés à éliminer ces Barbares qui menacent leur civilisation.
En nous plongeant dans le coeur et le corps de ce vieil homme, Coetzee nous invite à nous interroger, d'un point de vue intime, sur la place que prend le corps vieillissant dans la société et les relations conjugales, et d'un point de vue plus politique, sur les limites d'une justice qui se montre inique. C'est un roman aux questionnements mouvants, relatifs aux événements, à ce qui est imposé au corps, tour à tour torturé et soigné, repus ou affamé. Finalement, sous un premier aspect plutôt froid et sec, c'est un roman brûlant, passionné par la vie, coûte que coûte, intense et qui remue bien des choses au niveau moral.
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Citations et extraits (42) Voir plus Ajouter une citation
Ils lui ont montré la nudité de son père et l'ont fait balbutier de douleur devant elle ; ils ont blessé la fille devant le père, et il n'a pas pu les en empêcher [...] Dès lors, elle a cessé d'être pleinement humaine, d'être notre soeur à tous. En elle, certaines compassions sont mortes, certains mouvements de coeur ne lui ont plu été possibles. Moi aussi, si je passe assez de temps dans cette cellule hantée par des fantômes - non seulement ceux du père et de la fille, mais aussi celui de l'homme qui, même à la lumière des lampes, n'enlevait pas les disques noirs qui couvraient ses yeux, et celui du subalterne qui avait pour tâche d'entretenir le feu dans le brasero - touché à mon tour par la contagion, je deviendrai un être incapable de toute croyance.
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"Et si votre prisonnier dit la vérité, mais s'aperçoit qu'on ne le croit pas? N'est-ce pas une situation terrible? Imaginez : être prêt à céder, céder, n'avoir plus rien à céder, être brisé, et subir pourtant de nouvelles pressions, parce qu'on exige que vous cédiez davantage! Et quelle responsabilité pour l'interrogateur!"
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Le matin, l'air est plein de battements d'ailes : les oiseaux reviennent du sud, et dessinent des cercles au-dessus du lac avant de se poser dans les anses saumâtres des marais. Quand le vent se calme, on les entends crier, cancaner, cacarder, croasser, et cette cacophonie nous paraît la rumeur d'une cité rivale, d'une ville lacustre : oies cendrées, râles, canards filets, canards siffleurs, mulards, sarcelles, harles.
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Comment déracine-t-on le mépris, surtout quand ce mépris n'est fondé sur rien de plus substantiel que des façons différentes de se tenir à table, des variations dans la structure de la paupière ? Vous dirai-je ce qu'il m'arrive de souhaiter ? Je souhaite que ces barbares se soulèvent et nous donnent une bonne leçon, pour que nous apprenions à les respecter. A nos yeux, ce pays est à nous, il fait partie de l'Empire - notre avant-poste, notre établissement, notre centre marchand. Mais ces gens, ces barbares ne le voient pas du tout sous ce jour. Il y a plus de cent ans que nous sommes ici ; nous avons gagné des terres sur le désert, bâti des ouvrages d'irrigation, cultivé les champs, construit des maisons solides, dressé une muraille autour de notre ville, mais, à leurs yeux, nous sommes toujours des hôtes de passage.
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Je ne peux pas sauver les prisonniers : que je me sauve donc moi-même. Que du moins l'on dise, si l'on en vient un jour à le dire, s'il existe un jour, dans un lointain avenir, quelqu'un que notre façon de vivre intéresse : dans cet avant-poste extrême de l'Empire de la lumière, il y avait un homme qui, dans son cœur, n'était pas un barbare.
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Quel écrivain sud-africain a reçu le prix Nobel de littérature en 2003 mais fait partie du club très fermé de ceux qui ne donnent jamais d'interview ? Dommage car c'est un génie !
« Disgrâce » de J. M. Coetzee, c'est à lire en poche chez Points.
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