Paolo Cognetti a deux passions : l'écriture et la montagne. Alors il réunit les deux et part se perdre dans les sommets pour y écrire de et sur sa passion. Dans ses autres livres, l'auteur nous raconte la montagne, sauvage par essence mais malgré tout urbanisée, occupée (ou abandonnée) par l'homme. Il veut connaître la Montagne, celle qui surpasse tout, la Montagne intègre comme il l'appelle. Alors il part pour l'Himalaya, dans le Dolpo. Il s'équipe d'une caravane d'hommes et de mulet et d'un livre «
le léopard des neiges » de
Peter Matthiessen.
J'étais tellement contente qu'un nouveau Cognetti paraisse et puis j'ai eu peur en lisant la 4e de couverture. Parce que je me réjouissais de retrouver les récits touchants et tendres de l'auteur. Il me semblait qu'il allait s'agir ici d'un exploit, d'un dépassement de soi et bien que j'adore cela chez
Sarah Marquis ou
Frison Roche, j'attends autre chose de Cognetti. Comme j'ai eu raison de passer mon préjugé et de plonger dans ces pages.
Paolo nous raconte la plénitude, l'essentiel, l'envoûtement et l'amitié. de son écriture intelligente il débarrasse le futile pour embrasser pleinement l'essentiel.
"Lever le camp tous les matins est la loi de la caravane, mais pour comprendre il faudrait pouvoir s'arrêter, rester".
"Marcher réduisait la vie à l'essentiel : manger, dormir, rencontrer, penser. Aucune invention de notre siècle ne nous servait à rien une fois que nous étions en route, mis à part une bonne paire de chaussures".
C'est un récit sobre et sans concession. Cognetti ne veut pas atteindre les sommets qu'il va rencontrer. Il ne veut pas d'ascension mythique pour planter un orgueil tout en haut. Il veut marcher, franchir des cols et les descendre pour devoir recommencer. Ce rythme particulier donne le ton à son carnet de voyage. C'est cela : un voyage plus qu'une expédition. Un conte plus qu'une aventure.
« Nous montions et descendions, gagnant cent ou deux cents mètres avant de les reperdre à nouveau. Je me rendis compte que déjà dans l'idée de gagner et de perdre, il y avait une conception économique typiquement occidentale de la montagne. Tu perdras tout ce que tu as cru gagner, dis-toi que le sentier est bien plus précieux que le sommet ».
L'auteur vous emmène dans ses bagages et partage avec vous le thé comme le mal des hauteurs, la solitude même quand on est accompagné, la beauté des paysages, des gens et avec lui on s'abandonne.
" Je savais qu'en montagne on marche seul même quand on marche avec quelqu'un, mais j'étais heureux de partager ma solitude avec ces compagnons de route. "
Petit à petit la lecture devient physique, le corps raconte autant que l'esprit. Revenir à l'essentiel c'est aussi laisser faire l'instinct. Les mots de Matthiessen se mêlent aux pensées du narrateur, le tout sous une plume épurée, intime et toujours aussi fabuleuse.