J'avoue que un peu froide devant les films romanesques, j'ai peine à contenir les "oh !" et les "ah !" quand il s'agit de la microphotographie, du ralenti et de l'accéléré... Regardez le travail des pattes et de la bouche de l'abeille, voyez cette grande reine au long ventre, et son isolement de créature unique parmi la foule des ouvrières, regardez sa tâche fatale et glorieuse.
Nous ne regardons jamais assez, jamais assez juste, jamais assez passionnément.
Tâchons d'en sourire. L'humour est une forme de courage.
Ces femmes-là sont des survivances obstinées d'un type féminin quasi millénaire sur lequel l'orgueil, la fièvre urbaine, la soif de parvenir et le problème de vivre s'acharnent sans arriver à le faire disparaître... Gardiennes des foyers jamais désertés !
C'est vous, jeune femme... qui m'avez dit un jour "Une des meilleurs choses de l'amour, c'est tout de même le pas d'un homme qu'on reconnaît quand il monte l'escalier..."
Qu'ils lisent donc n'importe quoi... Livres défendus, livres trop graves, livres trop légers aussi, livres assez ennuyeux, livres éblouissants, qui au hasard s'illuminent, et referment sur l'enfant enchanté leurs portes de temple... Le désordre de la lecture lui-même est noble. Chaque livre, mal annexé d'abord, est une conquête. Sa jungle d'idées et de mots s'ouvrira, quelque jour, sur un calme paysage ami.
Lire est, selon le livre et le lecteur, une griserie, un honneur, le service rendu à un culte, une patiente prospection à travers l'écrivain et nous-mêmes. Ce ne sera pas chose facile que d'enseigner le respect du tome périssable, du papier sans durée.
Il paraît que la "bricole" était une machine de guerre, avant que nous ne nommions ainsi une activité qui s'emploie à pallier l'infortune de la paix, à faire de presque rien quelque chose.
Un chaud automne enrichit notre faune. Avec les asters mauves paraissent les dernières générations de papillons. Cette année le Paon-de-jour foisonne, sensiblement plus petit qu'en juillet, mais resplendissant de couleur, fleur sur fleur, marqué de singes en forme d'yeux, grenat, mordoré, presque noir au verso, ensemble actif et paresseux, puisqu'il parcourt " à pied ", sur ses sombres petites pattes nerveuses, un buisson de fleurs plutôt que de le survoler.
Samedi, par grande chaleur de midi, sur chaque bouquet d'asters violet clair, ils étaient bien vingt, tant Paon-de-jour que petite Écailles à coloris vifs, que Vulcains imprimés de rouge, de noir et de blanc. La fausse abeille, reconnaissable à son postérieur arrondi qui n'a point d'arme, pullulait. Un coup de brise, le passage brusque d'un enfant soulevait sur les fleurs toutes les ailes, qui s'y reposaient l'instant d'après. Reste-t-il donc si peu d'amants de la beauté gratuite, pour que devant les balisiers rouges dont chaque calice est assez large pour avaler l'oiseau qui y cueille une goutte sucrée, devant les papillons qui effeuillent puis recomposent un bouquet, je sois si souvent le seul regard attentif ?
Quand un garçonnet pressé de questions se résout à dire : "je voudrais pour mes étrennes un décamètre, de la toile cirée verte et un fil à couper le beurre...", j'aimerais, parents, que vous n'écrasiez pas sous des railleries défleurissantes un rêve qui a sa pudeur et son romantisme. Donnez la toile cirée, le décamètre et le fil à couper le beurre -- aussi bien votre crémier ne s'en sert plus guère -- par-dessus le marché, tâchez en les donnant d'avoir l'air fin et compréhensif. ça vous changera. (p. 59-60)
J'ai encore sur le cœur un mot de femme : “Je leur apprends des jeux tranquilles: quand ils courent, ils ont trop faim.”
Comme beaucoup d'enfants, elle possède un admirable empire sur elle-même. Elle boucle la ceinture de son imperméable, empoche ses feuillets de tickets, laisse geindre sa mère et s'en va conquérir une lamelle de fromage, un kilo de châtaignes et des choux de Bruxelles. Le tout, convenablement cuisiné, compose d'ailleurs un plat excellent.