Une épouse presque parfaite n'est pas un roman trépidant. L'action, au sens de rebondissements, mouvements, est quasi inexistante. Pourtant de l'agitation il y en a, dans le cerveau de Polly, où toute l'intrigue se déroule sous la forme d'une tempête sous un crâne. Au fil des chapitres, la vie de Polly est décrite méticuleusement. Mais s'agissant de la vie d'une femme entièrement dévouée à son mari, à ses enfants, à l'entretien de sa maison, aux courses, à l'élaboration de ses menus, aux réceptions imposées par son statut social, et accessoirement à son boulot, certains esprits rétrogrades pourraient penser qu'elle est vide et inintéressante, et qu'il n'y a vraiment pas là matière à faire toute une histoire.
Pourtant, Polly est une héroïne qui se révèle progressivement, attachante, humaine, sincère et lucide dans tous les questionnements qui l'assaillent. le hasard d'une rencontre avec Lincoln, qui devient son amant, fait voler en éclats toutes ses certitudes. L'intensité de cette rencontre lui fait découvrir qu'une autre Polly, la vraie, sommeille sous la bien-pensance, le qu'en-dira-t-on, les apparences, le formatage imposé par sa famille et ses hypocrites convenances qui ont fait d'elle une femme, épouse et mère parfaite. Chez elle, dans son foyer, elle n'est pas davantage regardée qu'une chaise ou un meuble, chez son amant, elle trouve l'échange, elle vit, elle découvre ce qu'elle est et n'a jamais pu exprimer.
Ecartelée entre son devoir et son désir, elle se perd, elle souffre, fait des aller-retours mentaux constants entre l'amour des siens et l'attirance pour son amoureux. Sous l'effet de la passion, le masque est tombé pour dévoiler la personne mécontente, revêche et pas très aimable que les principes inculqués par la force l'ont empêchée d'être. Elle comprend tardivement que si elle arrêtait de cuisiner les plats préférés de son mari et de ses enfants, d'écouter patiemment leurs plaintes, personne n'aurait plus besoin d'elle. Un très beau portrait de femme, sensible et juste.