Trop souvent, la spiritualité est comprise comme la compagne exclusive sinon de la religion, du moins d'une forme de religiosité.
L'intérêt principal à mes yeux de «L'esprit de l'athéisme » d'
André Comte-Sponville est précisément d'élargir le débat, sans agressivité aucune à l'égard des croyants mais sans non plus cette espèce de regret métaphysique qu'ont certains de ne pas croire tout en s'excusant presque de ne pas y parvenir.
Si l'on peut se passer de religion – pourquoi dès lors que l'on croit »en quelque chose » faudrait-il obligatoirement faire sien les dogmes d'une religion quelconque - on ne peut en revanche se passer de spiritualité. « Ne pas croire en Dieu n'est pas une raison pour s'amputer d'une partie de son humanité ». Pour
Comte-Sponville, la spiritualité désigne cette pointe extrême de l'esprit qui est en même temps son amplitude la plus grande : cette partie de notre vie intérieure, ouverte sur l'illimité et qui a rapport avec notre sens de l'absolu, l'infini ou l éternité. Cette ouverture, c'est l'esprit même. La religion n'est qu'une de ses formes et certainement pas la seule.
Le matérialisme de Comte Sponvile affirme l'existence de l'esprit mais en nie radicalement « l'indépendance ontologique » Dans la vision immanentiste du philosophe, la nature est le tout du réel et elle existe indépendamment de l'esprit (qu'elle produit, qu'il ne produit pas).
Concevant l'athéisme comme une forme d'humilité- nous sommes fils de la terre –
Comte-Sponville ne conteste pas qu'il puisse en résulter une forme de désespoir. Mais il s'agit d'un désespoir fécond qui fondé sur le refus des illusions, donne accès à une sagesse qui comme chez Épicure ou Lucrèce accorde à l'homme de se servir des choses qui existent dans le monde tout en lui permettant d'acquérir à son égard « l'indépendance sereine où il trouve à la fois sa dignité et son bonheur ».
Même si par endroits « L'esprit de l'athéisme » n'évite pas les relents un peu trop à la mode de « l'art de vivre » et du « coaching » il demeure d'une lecture très intéressante et constitue une bonne introduction à ce sujet si mal connu qu'est l'athéisme.
Athée ou croyant, en fin de compte, comme le rappelle ces vers d'
Aragon, c'est toujours à l‘origine une même souffrance qui nous taraude :
« L'homme crie où son fer le ronge,
Et sa plaie engendre un soleil »