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EAN : 9782130466710
391 pages
Presses Universitaires de France (01/01/1995)
  Existe en édition audio
3.91/5   275 notes
Résumé :
Mieux vaut enseigner les vertus que condamner les vices. La morale n'est pas là pour nous culpabiliser, mais pour aider chacun à être son propre maître, son unique juge. Dans quel but ? Pour devenir plus humain, plus fort, plus doux.

De la politesse à l'Amour en passant par le Courage et la Tolérance, André Comte-Sponville, en s'appuyant sur les plus grands philosophes, nous fait découvrir dix-huit de ces vertus qui nous manquent et nous éclairent. A ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (28) Voir plus Ajouter une critique
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Que cela soit clair : le Petit traité des grandes vertus n'a aucune prétention à fonder un système novateur. André Comte-Sponville est honnête et en avertit son lecteur dès les premières pages en explicitant sa démarche :


« Comment ai-je procédé ? Je me suis demandé quelles étaient les dispositions de coeur, d'esprit ou de caractère dont la présence, chez un individu, augmentait l'estime morale que j'avais pour lui, et dont l'absence, au contraire, la diminuait. Cela donna une liste d'une trentaine de vertus. J'ai éliminé celles qui pouvaient faire double emploi avec telle autre […] et toutes celles en général qui ne m'a pas paru indispensable de traiter. Il en est resté dix-huit, ‘est-à-dire bien plus que ce que j'avais d'abord envisagé, sans que je parvienne pourtant à en supprimer davantage. »


Que la méthode soit aléatoire et généralement dépourvue d'intérêt (le livre aurait plus justement dû s'appeler Petit traités des grandes vertus selon André Comte-Sponville) ne devrait cependant pas nous dissuader de mettre d'emblée le livre de côté. C'est avec curiosité qu'on s'apprête à découvrir les choix effectués par l'auteur, et la justification de l'élection de ses vertus. L'arnaque n'apparaît pas immédiatement. Pourtant, peu à peu, on sent qu'André Comte-Sponville nous fait tourner en bourrique. Les chapitres passent, les vertus défilent, et le lecteur, qui n'a que faire de cette messe philosophique et de bondieuseries moralisatrices poursuit davantage sa lecture, davantage dans le but d'élucider le mystère de la mauvaise foi de l'écrivain que dans l'espoir de s'instruire un peu.


La progression du Petit traité des grandes vertus est rythmée en apparence par le cheminement effectué de la vertu de moindre valeur à celle de plus grande valeur (André Comte-Sponville a aussi écrit, rappelons-le, le capitalisme est-il moral ? –dans le cas des vertus, il semblerait que oui). En filigrane toutefois, il sera possible de relever un système de progression moins explicite rythmé par les commandements ci-dessous :


1- Les pensées de tes prédécesseurs tu t'accapareras : On avait bien compris qu'André Comte-Sponville n'avait pas pour prétention de dresser un système général et qu'il souhaitait se contenter de faire partager à ses lecteurs une réflexion personnelle. En revanche, nous n'avions pas imaginé qu'André Comte-Sponville était incapable de réfléchir par lui-même : aucun de ses propos ne découle d'une réflexion qui semble personnelle. Tout n'est que paraphrase d'écrivains ou de philosophes, Spinoza et Kant en tête. Lire le Petit traité des grandes vertus, c'est lire un abrégé barbant de L'éthique ou de la Critique de la raison pure qui aurait la prétention de se faire passer pour synergie de ses références. La philosophie devient aussi intéressante qu'un match de foot décrit du point de vue d'un supporter hystérique :


« Je reconnais que j'ai Aristophane et l'eau de rose contre moi. Mais Platon avec, qui détestait Aristophane, mais Lucrèce avec (et Pascal, et Spinoza, et Nietzsche, et toute la philosophie…), mais Freud, Rilke ou Proust avec… » (bravo !)


2- Tes arguments tu n'expliqueras pas : André Comte-Sponville devrait troquer son titre de philosophe contre celui de sophiste. Ce qu'il écrit semble raisonnablement fondé ; pourtant, il ne convainc jamais et la moindre de ses affirmations pourrait être ébranlée si nous lui demandions seulement de justifier ses axiomes. Parmi ceux-ci, se bousculent des petites phrases péremptoires du style : « La matière est l'oubli même : il n'est mémoire que de l'esprit » ; « L'eau pure, c'est l'eau sans mélange, l'eau qui n'est que de l'eau. On remarquera que c'est donc une eau morte, et cela en dit long sur la vie et sur une certaine nostalgie de la pureté » ; « La douceur est une vertu féminine. C'est pourquoi peut-être elle plait surtout chez les hommes. »


3- le manichéisme tu pratiqueras : Même si André Comte-Sponville utilise parfois des mots compliqués (l'être-en-soi-pour-soi !), il veut donner à son lecteur l'impression d'être intelligent et de tout comprendre, au-delà du jargon philosophique. Pour cela, rien de plus simple : non seulement il faut recourir aux images d'Epinal mais, mieux encore, il faut les opposer les unes aux autres comme si Lucky Luke et les frères Dalton s'opposaient dans un duel :


« L'ironie blesse ; l'humour guérit. L'ironie peut tuer ; l'humour aide à vivre. L'ironie veut dominer ; l'humour libère. L'ironie est impitoyable ; l'humour est miséricordieux. L'ironie est humiliante ; l'humour est humble. »

« Quel physicien relit Newton ? Quel philosophe qui ne relise Aristote ? La science progresse et oublie ; la philosophie médite et se souvient. Qu'est-ce d'ailleurs que la philosophie, sinon une fidélité extrême à la pensée ? »


4- le point Godwin tu atteindras : Une autre façon de soumettre sans discussion le lecteur réticent ? Evoquer les nazis, l'holocauste et Hitler ! Qui oserait résister à de tels arguments ? Dans un livre évoquant les vertus, on ne saurait tolérer le fascisme, les génocides ni les petites moustaches :


« Comme le sang se voit davantage sur les gants blancs, l'horreur se montre mieux quand elle est policée. Les nazis, à ce qu'on rapporte, du moins certains d'entre eux, excellaient dans ce rôle. »

« Un nazi de bonne foi est un nazi : que nous fait sa sincérité ? »


5- Les exemples bidons tu multiplieras : André Comte-Sponville croit que son lecteur est un ignare et ça l'embête un peu, parce qu'il ne faudrait pas le décourager à suivre l'exemple vertueux qu'il s'épuise à démontrer. Ainsi, après une citation d'autorité mêlant les propos les plus obscurs d'un Emmanuel Kant sous amphétamines ou d'un Sartre dopé à l'existentialisme, André Comte-Sponville nous sauve des griffes de l'abstraction pour nous plonger aussitôt dans le gouffre du pragmatique :


« Pour ma part, je proposerai la définition suivante, qui me paraît à la fois plus simple (en compréhension) et plus vaste (en extension) que celle de Stendhal, qu'elle recoupe et prolonge : aimer, c'est pouvoir jouir ou se réjouir de quelque chose. Ainsi celui qui aime les huîtres, par opposition à qui ne les aime pas. »

« S'agissant des impôts, par exemple, ce peut être un acte de générosité, quand on fait partie des classes moyennes ou aisées, que de voter pour un parti politique qui a annoncé sa ferme intention de les augmenter. »

« Vous vendez une maison, après l'avoir habitée pendant des années : vous la connaissez forcément mieux que tout acheteur possible. Mais la justice est alors d'informer l'acquéreur éventuel de tout vice, apparent ou non, qui pourrait s'y trouver, de tel ou tel désagrément du voisinage. »


6- D'envolées lyriques, point tu ne priveras ton coeur : André Comte-Sponville est un homme VIVANT avant tout, ce qui signifie qu'il a des potes, une épouse aimante, fidèle et souriante, et des enfants respectueux et épanouis. Ainsi, la philosophie peut être amour (car le lecteur ignare croit fermement le contraire) et c'est ce qui justifie l'avalanche de sentimentalité qui parsème les paraphrases. La philosophie et la poésie fait rarement bon ménage.


« D'abord la caresse qui apaise ou console, d'abord le geste qui protège ou nourrit, d'abord la voix qui rassure, d'abord cette évidence ; une mère qui allaite ; et puis cette surprise : un homme sans violence, qui veille sur un enfant qui dort. »

« Quelle délicatesse au contraire, quelle douceur, quelle pureté, dans la caresse de l'amante ! Toute la violence de l'homme vient y mourir, toute la brutalité de l'homme, toute l'obscénité de l'homme… »


7- le lecteur tu épuiseras, sa volonté tu amoindriras, sa faculté de juger tu émousseras, par le langage pompeux que tu déploieras : Tout le monde le sait, la paraphrase nécessite de savoir broder. André Comte-Sponville excelle en ce domaine et recourt à deux petites astuces : la discussion intarissable sur la nuance qui sépare deux termes voisins et la gradation lyrique de ses tentatives de définition.


« […] la gratitude, qui est la joie elle-même en tant qu'elle est reçue, en tant qu'elle est imméritée (oui, même pour les meilleurs !), en tant qu'elle est grâce, et prise toujours (et partie prenante pourtant) dans une grâce plus haute, qui est d'exister, que dis-je, qui est l'existence même, qui est l'être même, et le principe de toute existence, et le principe de tout être, et de toute joie, et de tout amour… » (citation coupée par mesure de décence)

« Remarquons pour finir que la générosité, comme toutes les vertus, est plurielle, dans son contenu comme dans les noms qu'on lui prête ou qui servent à la désigner. Jointe au courage, elle peut être héroïsme. Jointe à la justice, elle se fait équité. Jointe à la compassion, elle devient bienveillance. Mais son plus beau nom est son secret, que chacun connaît : jointe à la douceur, elle s'appelle la bonté. »


Le Petit traité des grandes vertus aurait presque la malice de nous rendre aussi vicieux qu'un Flaubert rédigeant Bouvard et Pécuchet, passant des heures à recopier les pires remarques péremptoires des ouvrages les plus prétentieux. A lui tout seul, ce traité d'André Comte-Sponville pourrait rivaliser avec le Dictionnaire des idées reçues. Il ne suffit pas à son auteur de faire passer toute personne émettant un jugement négatif comme modèle du mal absolu pour se parer des critiques que son livre nécessite de recevoir. Mais laissons-là André Comte-Sponville et ses chimères vertueuses qui lui ébouriffent l'ego. Lui-même le dit (et relevons là la phrase la plus pertinente de son ouvrage) :


« Il se pourrait pourtant que ce ne fût qu'une question de mots. »


Et puisque c'en est une, en effet –car André Comte-Sponville parle des mots de la vertu et non pas de la vertu en elle-même- cessons de faire comme s'il en allait différemment.
Lien : http://colimasson.over-blog...
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Mieux développé que 'Le monde de Sophie" de J.Gaarder -que j'avais trouvé long à cause de son déroulement chronologique- le livre d'André Comte Sponville m'a fait découvrir un monde que je ne connaissais pas bien. Celui des mots précis, celui des vertus et celui de la réflexion sur ces thèmes.

La philosophie: je fais partie des anciens réfractaires à cette discipline pourtant essentielle, pas seulement au bac, mais aussi dans la vie de tous les jours. Découragé depuis l'enseignement de terminale qui a laissé tant d'élèves à la porte de ces savoirs avec notamment"La pensée et le mouvement" de H. Bergson...

Dans ce petit traité des vertus, tout m'a paru relativement clair. Relativement parce qu'il faut un temps d'assimilation assez long avec des retours fréquents.
Les dix-huit thèmes, comme autant des vertus choisies par l'auteur, suivent un développement accessible tout en épargnant aux novices un vocabulaire de spécialistes, si décourageant pour moi, grâce à un réel engagement de se faire comprendre par le plus grand nombre. le style d'écriture oralisé aide sûrement.

C'est un ouvrage très riche que l'on peut consulter à l'occasion, le temps d'un chapitre, en fonction de l'actualité ou de sa vie personnelle.
J'ai été particulièrement attiré par la tolérance. Une vertu que l'on ressert à toutes les situations sans que personne ne conteste l'usage de ce mot.
Concernant les religions, celles qui détiennent "la vérité", j'ai pu trouver un certain réconfort en lisant A. Comte-Sponville , lequel décortique leurs raisonnements point par point. Sans surprise, mais il fallait le démontrer, les détenteurs de la vérité révélée portent invariablement les germes de ...l'intolérance.

Dorénavant au comptoir de la philosophie, je ne dirai plus: "il n'y a Bergson, je vais prendre une Chopine-ailleurs"*, je dirai qu'il existe des ouvrages de vulgarisation, comme celui-ci: mon livre de chevet.

(*) Shopenhauer
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André Comte-Sponville est pour moi un grand philosophe qui a su souvent être clair dans sa pensée et abordable. C'est un excellent communiquant et un réel plaisir d'écouter cette voix chaude au phrasé facilement reconnaissable. Ces particularités se retrouvent dans ses écrits, avec un rythme chantant, une musique qui fait vivre ce qui se dit. Et puis sa pensée puise abondamment dans Epicure, Lucrèce, Montaigne, Spinoza... Et ça, ce n'est que du bonheur pour moi...
Très présent sur les plateaux télé et les radios, il a pu être l'objet de nombreuses critiques car on a fini par lui demandé un avis sur tout et le reste et il a peut-être fini par s'y perdre un peu. Mais comment influencer le réel sans chercher à en passer par les grands médias ?

Ce petit traité est bien sympathique et dresse une suite de valeurs qui concernent chacun de nous. Et c'est bien dans le thème de clés bibliofeel que ce philosophe érudit et talentueux à la recherche de valeurs sincères et utiles pour mieux vivre. N'a-t-il pas déclaré : « Je me suis découvert peu doué pour la vie, peu porté au bonheur, davantage doué pour l'angoisse, la mélancolie : raison pour laquelle j'ai (eu) besoin de philosopher. »
Beaucoup d'entre nous ont aussi besoin de la philosophie d'une manière ou d'une autre afin d'être plus doués pour la vie.

Ces vertus concernent chacun de nous au quotidien, voici comment les aborde cet auteur talentueux :
La politesse n'est pas une vertu mais une qualité et l'auteur dit que pour élever des enfants il faut de l'amour mais ça ne suffit pas, il faut aussi de la politesse. Mais la politesse peut être un semblant de morale… « La politesse, dans une vie bien conduite, a de moins en moins d'importance, quand la morale en a de plus en plus. »

La fidélité : l'oubli et l'improvisation sont faits de nature. le réel d'instant en instant est toujours neuf. L'homme est homme avant tout parce qu'il est capable de créer du neuf. Hors toute invention vraie, toute création vraie suppose la mémoire. C'est ce que saint Augustin appelait « le présent du passé », et c'est la mémoire. Epicure en fit une sagesse : dans la tempête du temps, le port profond de la mémoire…et le port encore plus profond de l'oubli… Toute morale, comme toute culture, vient du passé. Il n'est de morale que fidèle.

Dans le couple, « la fidélité est l'amour maintenu de ce qui a eu lieu, amour de l'amour, en l'occurrence, amour présent (et volontaire, et volontairement entretenu) de l'amour passé ». Fidélité à l'amour qui peut être, que l'on se sépare ou non...

La prudence ou l'art, selon Epicure, de refuser de nombreux plaisirs lorsqu'ils doivent entraîner un désagrément plus grand. Il s'agit de jouir le plus possible, de souffrir le moins possible, mais en tenant compte des contraintes et de l'incertitude du réel.

La prudence est nécessaire pour se protéger du fanatisme toujours imprudent à force d'enthousiasme. Il faut se méfier de ceux trop attachés aux principes pour considérer les individus, trop sûrs de leurs intentions pour se soucier des conséquences…

La tempérance est une régulation volontaire de la pulsion de vie. La tempérance c'est savoir manger peu mais savourer une bonne nourriture qui vient satisfaire une vraie faim, chercher tous les plaisirs mais sans aller jusqu'au dégoût. Montaigne : « L'intempérance est peste de la volupté et la tempérance n'est pas son fléau : c'est son assaisonnement ».

Le courage, le courage relève de la volonté, en cela il se distingue de l'espérance. Il est surtout nécessaire d'être courageux quand l'espérance fait défaut. Rabelais : « selon la discipline militaire, jamais ne faut mettre son ennemi en lieu de désespoir, parce que telle nécessité lui multiplie sa force et accroît son courage ».
Citation du taciturne Guillaume d'Orange : « Il n'est pas besoin d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer. » Il n'y a pas que les optimistes qui s'y connaissent en courage !
Pour tout homme, il y a ce qu'il peut ou ne peut pas supporter : qu'il rencontre ou non, avant de mourir…c'est affaire de chance autant que de mérite. Les héros le savent, quand ils sont lucides : c'est ce qui les rend humbles, vis-à-vis d'eux-mêmes, et miséricordieux, vis-à-vis des autres. Toutes les vertus se tiennent, et toutes tiennent au courage.

La justice : Alain : « La justice n'existe point ; la justice appartient à l'ordre des choses qu'il faut faire justement parce qu'elles ne sont point. » « La justice sera si on la fait. Voilà le problème humain. » le commerce est juste s'il s'exerce entre égaux, sans contraintes et avec des règles établies par tous et respectant les droits et les intérêts de chacun. L'équité c'est la justice appliquée, concrète, c'est la justice véritable. Elle nécessite courage fidélité, générosité, tolérance…c'est la vertu qui contient toutes les autres vertus.
Pour ma part et en illustration, je note que dans le film Atanarjuat, la petite communauté inuit n'a pas de police et seule la force d'Atanarjuat avec l'aide des anciens peut faire la justice. Dans ce film on comprend bien qu'une société sans justice ne peut être viable bien longtemps, surtout dans des conditions de vie très difficiles. Il y va de la survie du groupe de régler les conflits autrement que par la mort d'hommes, chacun apportant les moyens de survivre à femmes, enfants, vieillards. Ainsi ces sociétés primitives ne le sont pas autant qu'on le dit. Dans nos sociétés modernes, l'intérêt de tous n'est pas lié au bon rendu de la justice. de nécessaire absolument, la justice devient nécessaire d'un point de vue moral seulement. Est-ce pour cela qu'on a assisté aux plus grandes injustices dans ce dernier siècle ?
Face à cela faut-il se donner les moyens au niveau international pour faire la justice entre les Etats ? Des questions d'actualité…

La générosité : «bien faire et se tenir en joie », disait Spinoza : l'amour est le but ; la générosité le chemin. Elle s'oppose à la haine, au mépris, à l'envie, et à la colère.
Quant à suivre André C.S. quand il s'interroge sur ceux qui donnent 10% de leurs revenus à des dépenses de générosité ? Et à critiquer les syndicats, incapables de se préoccuper des sans emplois ? Les 35h c'était quoi alors, pour les vacances supplémentaires ? Seulement ? Où l'auteur se prend un peu pour Zeus sur le mont Olympe pour dire ses vérités au monde. Il manque par là de politesse, de prudence, de tempérance, de courage et de bonne foi… Où la philosophie peut tomber dans le politiquement admis.

La compassion : sentiment de sympathie pour tout ce qui souffre. Elle s'éprouve horizontalement, entre égaux, ce n'est pas la pitié qui s'exerce-elle de haut en bas. « Aime et fait ce que tu veux » selon saint Augustin où bien compatis, et fait ce que tu dois de Bouddha.
La miséricorde, la vertu du pardon…mais sans oubli. La joie de la miséricorde comme une victoire sur la tristesse de la haine. Miséricorde envers soi-même, il faut bien se pardonner de n'être que soi.
Cela me fait penser à Fernando Passoa qui a dit « le marché est efficace, soit, mais il n'a ni compassion, ni miséricorde »

La gratitude : Bach, Mozart bouleversants de gratitude heureuse dans la grâce d'exister. Gratitude de tout ce que l'on a vécu…La gratitude n'a rien à donner, que ce plaisir d'avoir reçu.

L'humilité : toute pensée digne de ce nom suppose l'humilité : la pensée humble, c'est à dire la pensée, s'oppose en cela à la vanité, qui ne pense pas mais qui croit.

La simplicité consiste à ne pas faire semblant, à ne pas calculer, à ne pas faire attention à soi, à son image, à sa réputation. La simplicité est oubli de soi, de son orgueil et de sa peur.

La tolérance : quand on ne peut pas aller jusqu'au respect et à l'amour, il y a la tolérance. C'est une petite vertu mais nécessaire en attendant mieux. Intolérance de l'Eglise catholique, Jean-paul II parlant de « la certitude réconfortante de la foi chrétienne » interdisant pilules, préservatifs, homosexualité…Je ne suis pas totalement d'accord lorsque André C.S. parle de notre heureuse époque où même les Eglises ont cessé d'être dangereuses…alors que Bush part en guerre contre le mal, la bible à la main. le pouvoir se sert de l'Eglise et l'Eglise se sert du pouvoir.

La pureté : le pur c'est celui qui fait preuve de désintéressement, qui se donne tout entier à sa cause, sans y chercher ni l'argent ni la gloire, celui « qui s'oublie et qui se compte pour rien », comme disait Fénelon, et cela confirme que la pureté, dans tout les cas, est le contraire de l'intérêt, de l'égoïsme, de la convoitise, de tout le sordide de soi.
André C .S. remarque qu'on ne peut aimer purement l'argent et que cela en dit long sur l'argent et sur la pureté.

La douceur, vertu féminine… Ce n'est pas un hasard et cela ne tiens pas seulement de la culture si la quasi intégralité des crimes de sang sont accomplis par des hommes. La douceur se soumet au réel, à la vie, au devenir, à l'à-peu-près du quotidien : vertu de souplesse, de patience, de dévouement, d'adaptabilité… le contraire du « mâle prétentieux et impatient », comme dit Rilke, le contraire de la rigidité, de la précipitation, de la force butée ou obstinée. L'effort et l'action ne suffissent pas à tout...
L'Orient est femme où moins dupe des valeurs de la virilité (Lévi-Strauss)
La bonne foi comme amour de la vérité, vertu philosophique par excellence car le philosophe se doit de mettre la vérité plus haut que tout, honneur ou pouvoir, bonheur ou système et même plus haut que la vertu, que l'amour.

L'humour : La tradition oppose les deux philosophes Démocrite et Héraclite qui trouvaient vaine et ridicule l'humaine condition. le premier ne sortait en public qu'avec un visage moqueur et riant alors que le second portait un visage attristé, et chargé de larmes. Les raisons de rire et de pleurer ne manquent pas mais qu'elle attitude vaut le mieux ? L'ironie blesse, est dominatrice, humiliante, impitoyable et peut tuer quand l'humour aide à vivre, guérit, libère. L'humour est miséricordieux et humble. Humour d'André C.S. qui remarque qu'il y a peu d'humour chez les philosophes…
« Couteau sans lame auquel il manque le manche »de Lichtenberg…implosion de la pensée.
« Bien que je n'ai pas peur de la mort, j'aime mieux être ailleurs quand ça se produira. » de Woody Allen…angoisse qui s'exprime dans l'absurde, la mise à distance.
« Plus cancéreux que moi, tu meurs ! » par Pierre Desproges annonçant son cancer.

L'amour selon Platon, rêve de fusion (discours d'Aristophane dans « le banquet »), puis expérience du manque (discours de Socrate). L'auteur : « le manque est une souffrance, la passion est une souffrance, et c'est la même, ou celle-ci n'est qu'une exacerbation hallucinatoire ou obsessionnelle de celle-là (l'amour, disait le Dr Allendy, est un syndrome obsessionnel normal), par concentration sur un objet défini qui se trouve dès lors… indéfiniment valorisé ».
L'amour comme joie selon Spinoza : « il y a un amour qui est comme une faim, un autre qui résonne comme un éclat de rire ». C'est se réjouir de l'existence de l'autre, célébrer sa présence, c'est la liberté, le bonheur de ne rien demander à l'autre, c'est remercier… C'est jouir et se réjouir. Ce n'est pas manque, c'est gratitude. L'amour nourrit l'amour, et le redouble, d'autant plus fort, d'autant plus léger, d'autant plus actif, qu'il est sans manque.
Thucydide : « Toujours, par une nécessité de nature, tout être exerce tout le pouvoir dont il dispose. » et l'auteur d'ajouter que les enfants sont comme l'eau : ils occupent toujours tout l'espace disponible. Par amour on peut laisser la place aux autres.

Enfin il y a la charité « la charité ressemblerait plutôt à un sourire, quand ce n'est pas, cela lui arrive, à une envie de pleurer ». Alain : « aimer, c'est trouver sa richesse hors de soi. » Amour comme le contraire de la violence.

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Si la patience était une vertu aux yeux d'André Comte-Sponville, je pourrais cocher présente car je mets le nez dans ce livre depuis des lunes, qui se comptent en années. J'ai eu une grande période où l'éthique et la philosophie ont pris beaucoup de place, pour mes études et pour mon travail.
Je dois avouer que ce livre peut être présent sur la table de chevet pour la réflexion et la morale mais également comme soporifique. J'en ai cogné des clous en lambinant entre la politesse et la fidélité; entre la prudence et la tempérance, virevoltant entre Kant et Spinoza.

J'ai beaucoup aimé ces lectures « intellectuelles », qui poussent à l'introspection et à la remise à niveau du cerveau. On s'intéresse beaucoup à la forme physique en négligeant parfois la forme mentale, tout aussi importante.
Pour Comte-Sponville, une vertu est une force qui agit, ou qui peut agir. Je note donc qu'avec mon bagage de connaissance et mon vieillissement, mes vertus changent en intensité. J'ai un regain de compassion et de simplicité alors que ma tolérance diminue à vue d'oeil. Je ne vous parle pas de ma tempérance, pas de temps à perdre avec cela. Mon sens de la justice s'aiguise à tous les jours mais ma bonne foi est souvent mise à l'épreuve. L'amour et l'humour, au beau fixe. Mon courage dépend des jours et ma pureté, d'une autre époque.
Comte-Sponville en dénombre dix-huit et les décrit longuement avec exemples et appuis des textes des grands philosophes.

Dans son avant-propos, il est exprimé que ce traité des vertus ne sera utile qu'à ceux qui en manquent. Je me permets d'ajouter qu'il est surtout pertinent d'en revoir les significations et valeurs pour retrouver sa propre liberté de pensée. Avec l'inondation des pensées médiatiques, redevenir son propre maître et son unique juge, rend plus doux et plus humain.
Je viens de terminer le dernier chapitre sur l'amour et je croyais déposer ce livre jauni dans la boîte à livres. Je vais plutôt en reprendre la lecture depuis le début, pour encore quelques années de gratitude et d'humilité!
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« Des vertus, on ne parle plus guère. Cela ne signifie pas que nous n'en ayons plus besoin, ni ne nous autorise à y renoncer » ou « Il n'y a pas de Bien en soi : le bien n'existe pas, il est à faire et c'est ce qu'on appelle les vertus. »
Voilà ce déclare André Comte-Sponville en quatrième de couverture de cet essai paru dans les années 90 finissantes…
Une bonne occasion pour lui de reprendre une à une, de « la politesse » à « l'amour », en passant par « la fidélité », « la prudence », « la tempérance », « le courage », « la justice », « la générosité », « la compassion », « la miséricorde », « la gratitude », l'humilité », « la simplicité », « la tolérence », la pureté », « la douceur », « la bonne foi » et « l'humour », une série de notions élevées au rang de vertus …

Ici, point de théorie fumeuse à ériger en système. Non, « seulement » dix-huit textes comme de petits essais. Certes, on est souvent dans le commentaire des grands du passé, comme Kant et Spinoza, Montaigne…, façon dissertation. Qu'importe !
La prose d'André Comte-Sponville a ceci d'agréable qu'elle n'est pas ou peu jargonnante, tout juste peut-on signaler l'utilisation un peu exagérée du renversement de formules qui n'amène rien si ce n'est une certaine élégance dans le propos…

Une lecture agréable, si l'on procède avec parcimonie sous peine qu'il ne vous en reste rien : un vrai livre de chevet… et je parle là d'autorité, moi qui ai mis deux ans à le lire !
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Citations et extraits (136) Voir plus Ajouter une citation
Comme la politesse est un semblant de vertu (être poli, c’est se conduire comme si l’on était vertueux), toute vertu sans doute –en tout cas toute vertu morale- est un semblant d’amour : être vertueux, c’est agir comme si l’on aimait. Faute d’être vertueux, nous faisons semblant, et c’est ce qu’on appelle la politesse. Faute de savoir aimer nous faisons semblant, et c’est ce qu’on appelle la morale.
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Comment serions-nous heureux, puisque nous sommes insatisfaits? Et comment serions-nous satisfaits puisque nos désirs sont sans limites?
Dans une société point trop misérable, l'eau et le pain ne manquent presque jamais. Dans la société la plus riche, l'or et le luxe manquent toujours.

LA TEMPERANCE
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Comment te jurerais-je de t'aimer toujours ou de n'aimer personne d'autre?
Qui peut jurer de ses sentiments ?
Et à quoi bon, quand il n'y a plus d'amour, en maintenir la fiction, les
charges et les exigences ?

Mais ce n'est pas une raison pour renier ou désavouer ce qui fut.

Qu'avons-nous besoin, pour aimer le présent, de trahir le passé ?

Je te jure, non de t'aimer toujours, mais de rester fidèle toujours à cet
amour que nous vivons.

Aime-moi tant que tu le désires, mon amour ; mais ne nous oublie pas.
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Remarquons pour finir que la générosité, comme toutes les vertus, est plurielle, dans son contenu comme dans les noms qu’on lui prête ou qui servent à la désigner. Jointe au courage, elle peut être héroïsme. Jointe à la justice, elle se fait équité. Jointe à la compassion, elle devient bienveillance. Mais son plus beau nom est son secret, que chacun connaît : jointe à la douceur, elle s’appelle la bonté.
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« Le contrat social, autrement dit, « est la règle, et non pas l’origine, de la constitution de l’Etat : il n’est pas le principe de sa fondation, mais celui de son administration » ; il n’explique pas un devenir, il éclaire un idéal –en l’occurrence « l’idéal de la législation, du gouvernement et de la justice publique ». » (Kant)
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Videos de André Comte-Sponville (67) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de André Comte-Sponville
Lundi 18 décembre a eu lieu la première "Fabrique des idées", la série de masterclass philosophiques que nous avons initiée dans le cadre de la nouvelle formule de Philosophie magazine.
Pour cette première édition, André Comte-Sponville s'est entretenu avec Martin Legros pendant 2 heures au Club de l'Étoile, à Paris, et a également répondu aux questions des participants. L'événement, qui était accessible en présentiel ou par visioconférence, était gratuit pour les abonnés.
Pour voir ou revoir la masterclass d'André Comte-Sponville, cliquez sur ce lien :
https://www.philomag.com/articles/replay-revivez-la-masterclass-dandre-comte-sponville-pour-philosophie-magazine
Bon visionnage !
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