Je viens de relire certaines de ces nouvelles. On y retrouve la Chine rurale des années 30 et 40, juste avant la venue de Mao, dans une ambiance parfois bucolique et poétique où l'organisation traditionnelle de la société peut sembler parfois immuable. La nature est omniprésente. On y suit la vie quotienne des paysans, des bâteliers, des prostituées... au grès des caprices de la nature.
A la deuxième lecture, j'ai été un peu déçu. J'aurais souhaité plus de passion, d'émotion... En fait, pour apprécier ces nouvelles, il faut se laisser aller, comme dans celle qui donne son titre au recueil, aux longues descriptions des mouvements des bateaux sur le fleuve, au rythme de la nature.
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A cette heure, toute lumière et tout murmure avaient cessé, cédant la place aux ténèbres calmes et apaisantes. Seul persistait le rougeoiement sur l'étendue des eaux accompagné de son roulement sonore. Ce bruit et cette lueur étaient ceux du corps à corps que poissons et pêcheurs se livraient pour subsister dans le lit de la rivière. Ils existaient depuis tant d'années et dureraient encore toutes les nuits à venir. J'en pris conscience en regardant la cabine où ce son monocorde résonnait dans le silence. La scène que j'avais vue figurait le combat de l'être primordial avec la nature ; ce fracas et ce feu originels m'avaient conduit vers un passé vieux de quatre ou cing mille ans.
Quand nous nous arrêtâmes, tout était tranquille. Les sons semblaient figés dans l'atmosphère glacée qui précède une grande neige. On n'entendait que le clapotis des vagues contre la coque - ce bruit donnait l'impression de ne pas être perçu par l'ouïe, mais par l'imaginaire. Après le repas du soir, les mariniers s'installèrent dans la cabine autour du poêle pour se réchauffer et sécher leur linge.