Début du 19è siècle, en plein romantisme naissant, avec sa cohorte de sentiments exacerbés,
le jeune
Adolphe traîne son ennui, on pourrait dire sa Sehnsucht ou bien sa Saudade, dans une ville provinciale, au sein d'une petite principauté allemande, comme il y en avait tant au 18è et 19è siècle.
Alors, envieux de l'élan amoureux de l'un de ses amis, il se découvre (s'invente) une passion pour la maîtresse du Comte de P ..., de dix ans son aînée, jeune femme éblouissante et inaccessible, digne, à ses yeux, d'accueillir ses transports amoureux.
Pour lui, Ellenore devient l'inaccessible idole, placée sur un piédestal et devant laquelle on se prosterne .... jusqu'au moment où, ayant cédé aux instances de l'amoureux, elle devient une femme comme toutes les autres ! .... certes avec son charme, mais, aux yeux d'
Adolphe, avec aussi ses humeurs, sa jalousie, ses caprices ....
Alors cette liaison, au début ardente, va peu à peu se consumer et les transports de la passion vont dériver vers la tiédeur des sentiments. "Je me plaignis de ma vie contrainte, de ma jeunesse consumée dans l'inaction, du despotisme qu'elle exerçait sur toutes mes démarches." gémit
Adolphe.
Enfin arrive le désamour et puis l'ennui et Ellenore n'inspire plus "qu'une pitié mêlée de fatigue".
Benjamin Constant scrute avec précision les émois de ce jeune homme assez antipathique, tourmenté, indécis, excessivement imbu de lui-même, égoïste, alors même qu'il se croit altruiste.
Il décortique les humeurs et les sentiments d'
Adolphe et détaille avec finesse les déchirements, les disputes, les incompréhensions mutuelles séparant peu à peu ces êtres qui n'osent pas ou ne savent pas exprimer le fonds exact de leurs sentiments.
Ellenore, quant à elle, se jette à corps perdu dans cet amour qui illumine sa maturité et n'hésite pas à tout sacrifier à
Adolphe, son protecteur, ses enfants, et sa position sociale pour vivre intensément les feux de ce qu'elle sait être le dernier grand amour de sa vie.
Entre errements et égarements de l'âme, tout cela finement conté, remarquablement disséqué, le lecteur se prend d'affection pour Ellénore, cette femme si mal aimée, et prend en grippe
Adolphe, dont les atermoiements finissent non seulement par le lasser, mais lui font détester ce lamentable héros, qui, comme il le dit lui-même : "Nous sommes des créatures tellement mobiles que les sentiments que nous feignons, nous finissons par les éprouver."
Le lecteur, quant à lui, tout ébloui qu'il soit par le talent de
Benjamin Constant à décrypter et transcrire si parfaitement les tourments du jeune
Adolphe, finit par être exaspéré par ce jeune homme et referme ces confessions avec soulagement !