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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
De toutes les adaptations de "1984" de George Orwell, c'est celle de Xavier Coste qui est (selon moi) la plus réussie, tant sur le fond que sur la forme. Alors revenir vers cet auteur et illustrateur de bande dessinée était comme une évidence. Il y a maintenant un petit moment que j'ai repéré "L'homme à la tête de lion", mais il me fallait attendre mon tour car il n'est que rarement disponible à la bibliothèque. J'ai eu la chance ce mois-ci de pouvoir enfin l'emprunter et maintenant que je l'ai terminé, je peux assurément affirmer qu'il valait la peine d'attendre. J'ai retrouvé en la "patte" de l'auteur tout ce qui m'avait tant plu dans son précédent ouvrage.

L'homme à la tête de lion, ou l'homme-lion, c'est Hector Bibrowski, né avec une pilosité excessive qui le fait ressembler à un lion. En ce début de XXe siècle, les "bêtes de foire" sont à la mode et sont l'objet de toutes les curiosités. C'est ainsi qu'il est démarché par un homme d'affaire, directeur d'un grand cirque new-yorkais. Appâté par le succès promis, Hector quitte alors le petit cirque dans lequel il est né et embarque pour l'Amérique, là où tous les rêves sont permis. Arrivé sur place, il fait la connaissance de ses collègues, tous aux difformités toutes plus étranges les unes que les autres. Là où il devrait se sentir moins seul, au milieu de ces personnes qui sont comme lui, uniques en leur genre, il n'en est pourtant rien. Hector, l'homme-lion érudit et peintre amateur, qui gagne désormais bien sa vie et ne manque plus de rien, se sent pourtant désespérément seul...

Au-delà du phénomène de foire qui est présenté au public, on découvre un homme (et non pas une bête) au tempérament sauvage, mais un homme avec des sentiments, qui peine à trouver sa place, amoureux de la littérature et sensible à toutes formes d'art. L'auteur nous dépeint un personnage dont je n'ai eu aucun mal à m'attacher, un personnage à la personnalité propre, souffrant de solitude, déterminé malgré ses doutes et ses peurs. Un personnage comme j'aime à suivre, hors du commun, qui se démarque, et ce pas uniquement physiquement parlant.

Les dessins de Xavier Coste le rendent encore plus charismatique. Pas toujours très nets ou très précis, aux couleurs soft, avec un jeu d'ombres et de lumières à couper le souffle, l'auteur sait jouer de métaphores, d'analogies et de subjectivité pour représenter Hector, son histoire et ses ressentis. Ses coups de crayon (pinceau) brutaux sont en totale corrélation avec le tempérament sauvage, voire bestial, d'Hector. le rendu est superbe, je n'ai pas d'autres mots.

Avec une intrigue appétente joliment implantée dans son contexte historique (début du XXe avec l'apparition du cinéma, de la télé et de la radio), un personnage principal soigneusement fouillé et un superbe graphisme, je ne pouvais ressortir de cette lecture qu'enchantée et totalement conquise.
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Le lion est un animal assez majestueux. Un homme à la tête de lion, c'est quand même autre chose. Fort heureusement, ce dernier a vécu une époque où l'originalité peut rapporter de l'argent notamment dans un cirque.

C'est une bien triste histoire d'un homme qui est né avec une difformité à savoir une pilosité pratiquement animale qui le fait ressembler à un lion. En même temps, on se dit que s'il se rasait tous les jours, cela ferait sans doute disparaître le problème mais cela ne sera pas l'option choisie. Mais bon, c'est une véritable maladie qui provoque une croissance anormale des poils.

Son père, qui était comme lui, est malheureusement décédé alors qu'il n'avait que 5 ans. Sa mère l'a abandonné auprès d'un responsable de cirque. La troupe est devenue en quelque sorte sa famille. Pour autant, la solidarité ne sera pas vraiment de mise dans un monde concurrentiel où chacun pense d'abord à soi. Les amitiés ne sont que de circonstances.

Il est quand même assez difficile de vivre sans amour. Hector tentera bien de trouver une femme mais la belle ne se mettra pas avec la bête car on est dans la réalité et non un conte de fée.

Il va passer dans un cirque bien plus grand qui le conduira outre-Atlantique. Dans son malheur, l'originalité présentait l'avantage d'attirer les dollars sous la forme d'une exposition publique. Plus la difformité est monstrueuse, plus l'attraction du public était grande. C'est un peu immoral comme approche mais cela reflète la triste réalité du monde des freaks entre les soeurs siamoises et l'homme tronc. Oui, la curiosité est un vilain défaut.

Cependant, la mode change au fil des époques. le cinéma va faire une grande concurrence au monde du cirque qui n'arrivera pas à attirer plus de spectateurs. A un moment donné, la ménagerie humaine des monstres ne fera plus recettes. Ils perdront progressivement leur travail qui leur assurait un toit et à manger dans une période de forte intolérance.

J'ai été touché par ce récit car on essaye de s'identifier à ce pauvre homme qui n'était pas accepté par ses semblables. Pour autant, dans son coeur, c'était un homme plutôt bienveillant. Il va s'accepter et s'identifier à un félin majestueux au risque de se perdre dans une espèce de folie. C'est la recherche de la liberté qui va primer tout à la fin avec un retour à la nature.

Le format est à l'italienne. Il y a de grandes cases qui occupent tout l'espace avec un dessin plutôt flamboyant qui fera dans la grandeur. J'ai bien aimé les couleurs ainsi que la mise en page assez dynamique qui rend la lecture assez agréable. On voit bien qu'un effort particulier a été fourni sur la forme et l'édition. C'est impeccable.

Au final, c'est une très belle oeuvre que j'ai beaucoup apprécié. Dernièrement, j'avais lu
« Tête d'épingle » qui était la biographie de l'un de ces monstrueux personnages à savoir Schlitzie qu'on va d'ailleurs également rencontrer au fil de ce récit. Je trouve que ce traitement par l'auteur est beaucoup plus convaincant et original avec un côté plus introspectif.

C'est un parcours non seulement captivant mais émouvant dans l'univers du cirque ambulant aux USA de la fin du XIXème siècle au début du XXème siècle. Bref, l'homme à la tête de lion est parti dans une quête de véritable identité.
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De Xavier Coste, J'avais vraiment trouvé l'adaptation de “1984” de George Orwell de très haut niveau. Il y avait une maturité graphique et narrative qui n'existait pas dans ses oeuvres antérieures. Je suis heureux de retrouver cette qualité dans “L'Homme à la tête de lion”. Il y a une agressivité sauvage dans le coup de crayon, tout en gardant un certain réalisme, la palette de couleurs joue sur les tons naturels, elle est très limité, une gamme d'ocres, quelques bleus, posée en couleur diluée ou en trames grossières pour accentuer le côté rétro. le blanc reste prédominant, pas de cadre pour les vignettes, les illustrations semblent libres de sortir de leurs cases… Ce qu'elle font de temps en temps, pour nous proposer des illustrations pleine page, ucomme une sorte de blast où les blanc disparaissent pour nous embarquer dans un lyrisme sauvage et brutal, avec l'animal, son emblême qui se confond alors avec le personnage lui-même. Pour moi, la beauté, c'est ça, du caractère qui ressort de l'image.


L'histoire se passe au début du XXe siècle, à une époque ou les “freaks” étaient à la mode dans les cirques, ces êtres aux malformations ou caractéristiques physiques très particulières. Hector est pourvu d'une pilosité qui le fait ressembler à un lion. On ne peut que penser au film de Tod Browning, “Freaks” (1932). On y retrouve d'ailleurs quelques membres du casting du film de Tod Browning, Schlitzie à la tête d'épingle, Johnny Eyck l'homme tronc, les soeurs Hilton, siamoises, et encore d'autres "freaks" réels. Ensuite, dans l'évolution du personnage, il y a un lien évident avec le film “Elephant Man” de David Lynch (1980). Hector Bribovski n'est pas non plus entièrement un personnage de fiction, il s'inspire d'un certain Stephen Bribovski ayant réellement existé. L'auteur en a changé le nom pour se permettre plus de liberté avec la réalité, et un destin encore différent.


Avec son graphisme rude et radical, on parvient à entrer dans ce monde cruel et ostracisant, dans cette époque difficile. Xavier Coste a créé un personnage au caractère en adéquation avec le thème, torturé entre l'envie de gagner convenablement sa vie financièrement, et la violence impudique et hypocrite de ce métier, et en conflit entre sa nature humaine, son envie de culture, face à son aspect sauvage et son caractère explosif.


L'histoire est bouleversante, d'une forte intensité, à l'image des deux films cités précédemment, Xavier Coste a su rythmer parfaitement son récit, y instaurer une tension dramatique et romanesque, pour nous troubler, nous toucher, nous émouvoir. Cette bande dessinée est dans la continuité de sa version de 1984, d'une grande force, magistrale. Bravo Monsieur Xavier Coste.
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J'ai emprunté cette B.D à la bibli sans rien en connaître. C'est d'abord le graphisme qui m'a attirée. L'univers, aussi. Depuis longtemps, je suis attirée par l'univers des freaks. Il y a sans doute une petite part de voyeurisme là-dedans mais mon intérêt vient plutôt du fait que je me suis toujours sentie une sorte de proximité avec eux. Non pas que je sois affligée d'une difformité physique mais je me suis toujours sentie un peu en marge, pas tout à fait dans la même normalité que la plupart des gens. La B.D de Xavier Coste a été une très bonne surprise, tant visuellement que narrativement.

« L'homme à la tête de lion » puise son inspiration dans la vie de Stephan Bibrowski, dit Lionel l'homme à la tête de lion. Mais Coste a la bonne idée de ne pas proposer une banale biographie. Il ne propose pas un récit factuel, d'ailleurs il modifie nombre d'éléments de la vie du vrai Bibrowski, à commencer par son prénom qui devient ici Hector. Ainsi, il place clairement son ouvrage dans le registre de la fiction, lui permettant ainsi de proposer un récit très introspectif. La psychologie d'Hector est fouillée et profonde, son arc transformationnel est remarquablement amené, de façon subtile et pertinente. Les autres personnages sont plutôt réussis, même s'ils sont, pour la plupart, très en retrait. Coste offre une galerie de protagonistes très touchante. L'univers du cirque reste à l'état d'esquisse mais on sent bien qu'il s'agit là d'une volonté d'épure de la part de l'auteur. Si le réalisme n'y est pas, l'atmosphère est saisissante. Cela tient à la narration mais aussi à l'aspect visuel. le sens de l'épure se retrouve dans les illustrations. Peu de couleurs, peu de détails, des grands traits presque flous qui donnent une forte impression de mouvement, des décors réduits au minimum pour se centrer sur les personnages… C'est vraiment une belle B.D.

« L'homme à la tête de lion » est une très belle B.D, riche, profonde et émouvante. Si vous n'êtes pas rebutés par le monde des freaks, je vous en conseille la lecture.
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L'homme à la tête de lion s'inspire de l'existence de Stephan Bibrowski,un artiste polonais mort en 1932 et qui souffrait à priori " d'hypertrichose",à savoir une pilosité hors du commun qui lui donnait l'apparence d'un lion.
Parce que son père est mort,sa mère abandonne Hector dans un cirque. Après plusieurs années, le directeur d'un cirque américain, bien plus prestigieux, vient lui proposer d'intégrer la troupe pour une tournée en Amérique. Pour la première fois, il rencontre d'autres " freaks". C'est la célébrité ,quant au bonheur...
Avec les tableaux de Chagall, le cirque c'est le rêve, la magie,la douceur,avec Xavier Coste, le cirque c'est la réalité violente de la marchandisation d'êtres en souffrance. Un univers de solitude où chaque artiste n'est qu'un produit du cirque ,périssable et dont les aspirations personnelles n'ont pas lieu d'être.
La fin de cette histoire est surprenante et fait réfléchir. Est-elle à interprèter sous un angle psychologique ou philosophique ? Être prise en tant que telle? Chacun peut se l'approprier.
Le travail de Xavier Coste est considérable. Je ne suis pas suffisamment initiée en matière de graphisme pour en parler en terme technique mais le résultat est magnifique. Certaines planches n'ont justement rien à envier à Chagall pour leurs couleurs, leur luminosité. Différents styles se côtoient et laisse une forte impression.
C'est un album émotion, non pas par la sympathie que m'aurait inspiré Hector,mais par la force violente d'une réalité que certains Hommes ont vécue, aussi incroyable et cruel que cela puisse être.
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Votre attention mesdames et messieurs
Le rideau va s'ouvrir
Et le spectacle de monstres va commencer

Coloré, vivant, croqué comme sur le vif,
Xavier Coste conte de façon flamboyante et mélancolique l''histoire de cet homme-lion, bête de foire et rêveur le reste du temps. le cirque également est le personnage de cet album, ses transformations, son grand spectacle, son déclin.

J'ai adoré perdre quelques heures dans ces planches.
Adoré terminer ainsi la trêve de l'été.
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Après le fulgurant succès de « 1984 » récompensé par le prix Uderzo « de la meilleure contribution au 9e art » et le prix BD FNAC-France INTER 2022, nous attendions avec impatience le huitième album de Xavier Coste d'autant qu'il était cette fois à la réalisation complète : dessins et couleurs mais aussi scénario. En effet, il n'effectuait ni biographie, ni adaptation et était seul aux commandes. Et puis les premiers visuels ont fleuri sur les réseaux, le titre aussi : … « L'Homme à la tête de lion » publié comme le précédent aux éditions Sarbacane. Allons bon ! Xavier Coste crée un album sur le cirque ? Mais que pouvait-on dire ou écrire après le « Freaks » de Tod Browning ou l'«Elephant Man » de David Lynch ou la trop méconnue bande dessinée « Freak Parade » de Joelle Jolivet et Fabrice Colin? Et qu'en serait-il des paysages urbains dans la peinture desquels l'auteur excellait ? Cette chronique serait-elle donc, in fine, La chronique d'une déception annoncée ?

« SOUS LE PLUS GRAND CHAPITEAU DU MONDE » …

Tadadam, roulements de tambours, « Xavier Coste présente » comme il s'amuse à l'inscrire sur les affiches d'époque dont il parsème les murs que parcourent les différents cirques où se produit son héros.
Hector Bibrowski, souffre d'hypertrichose. Mais qu'est-ce donc ? Une pilosité excessive qui fait apparaitre des poils longs d'une trentaine de centimètres sur le haut du corps et plus particulièrement sur le visage lui conférant l'apparence d'un lion. Il nous conte lui-même son histoire dans la voix off des récitatifs. Effectuant le même métier que son père puisque « quand [il] est né les gens comme [lui] étaient à la mode » déclare-t-il, il s'accommode tant bien que mal de sa vie de bête de foire dans le petit cirque étriqué où il est né, trouvant du réconfort dans la littérature et la peinture, jusqu'au jour où il est démarché par un grand Cirque américain -inspiré de Barnum- et tente le rêve américain…

L'album est très documenté sur les ménageries humaines ou « sideshows » de l'époque. Il montre parfaitement l'engouement suscité par les Freaks : leurs conditions de vie, les coups marketing (mariages arrangés), l'argent qui coule à flot et leur position de star avec le personnage de Lobster boy par exemple. Coste évite d'ailleurs à ce propos la tendance à la cancel culture et montre comment ce destin de bête de foire pouvait être pour la plupart une chance paradoxale en leur permettant d'être adulés.

On remarque une précision quasi photographique du dessin inspiré des photos et affiches d'époque et la présence de « monstres » ayant réellement existé au premier rang desquels Bibrowski lui-même, Jojo l'homme chien qu'il remplace, Schnitzlie « tête d'épingle », Mirin l'avaleur de sabres, général Tom Pouce , Lobster boy ou Annie Jones la femme à barbe…Pourtant, il ne s'agit pas d'une bd historique ou de reportage, ce que signale d'ailleurs le changement de prénom du héros : Xavier Coste le baptise Hector et non plus Stephan (ou Lionel de son nom de scène) car il fait oeuvre de fiction. de plus, toutes ces attractions humaines ont existé mais pas à la même époque. Aussi peut-on dire que leur rôle est symbolique et que l'auteur se livre davantage à une réflexion-sans le voyeurisme que je craignais- sur la différence et le sens de la vie. le cirque n'est donc finalement qu'un prétexte !
« ASPHALT JUNGLE »

Avec le départ du héros vers le nouveau monde, l'on retrouve avec joie les paysages urbains ! Paf, ça claque dès les pages 6-7 qui présentent une première double page sur la statue de la liberté. Scène classique et inévitable (au bons sens du terme) de l'arrivée à Ellis Island où pour une fois, Hector n'est pas stigmatisé en tant que bête de foire mais en tant qu'immigrant.

« L'homme à la tête de lion » constitue une véritable ode à la ville des années trente également. Doté d'une pagination généreuse, il permet à Xavier Coste - qui reprend son format carré de « 1984 » - de déployer ses talents dans la peinture de la ville moderne. On y retrouve des références au « Metropolis » de Lang et même à Céline avec l'arrivée de Bardamu à New York dans « Voyage au bout de la nuit» : « New-York est une ville debout » dans son travail graphique. La mégalopole y apparaît de la même façon inquiétante et menaçante dans une focalisation interne qui adopte le point de vue du personnage. Les cadrages adoptés et en particulier la contre-plongée en mettent en valeur la monstruosité et insistent sur la déshumanisation de ses habitants. Hector, homme fin et cultivé, se livre d'ailleurs à une savoureuse typologie de ceux-ci et montrent comment ils se mettent eux-mêmes dans des cases/cages avec leur habillement et leur comportement. L'auteur nous délivre ainsi dans une subtile écriture métaphorique une vision pessimiste et claustrophobique de la société : finalement tous sont condamnés à « l'ultra moderne solitude ».

« PORTRAIT DE L'ARTISTE EN JEUNE… LION »

Le regard acerbe et son humour noir d'Hector masquent cependant une souffrance qui en fait un personnage très complexe. Et finalement, le personnage c'est le sujet principal de l'oeuvre. Influencé par le cinéma de Truffaut, Coste a aimé se perdre dans les pérégrinations de l'homme lion mais cependant grâce à l'éditeur Frédéric Lavabre et à son scénariste d' « A comme Eiffel », Martin Trystram qu'il remercie au début du livre, il ne nous propose pas un livre seulement contemplatif ou onirique (même si les 215 pages permettent des respirations dans des pages muettes nocturnes de toute beauté) mais une vraie histoire avec du suspense.

Il y a un grand travail d'approfondissement du caractère d'Hector qui, tout monstre qu'il est, est avant tout humain trop humain. L'auteur en fait un héros désabusé et alcoolique drôle toujours, arrogant et antipathique parfois, et souvent touchant à la recherche de la liberté et de son identité.
On notera également toute une réflexion méta-artistique (encore plus présent dans l'épilogue inédit de l'édition limitée de la librairie Bulle) qui permettrait presque à Xavier Coste de déclarer « Hector Bibrowski c'est moi ! ».
Dans la vraie vie Bibrowski était bien un érudit qui parlait cinq langues mais il aspirait à devenir dentiste et non artiste ! A travers lui et la relégation du cirque au second plan au profit du 7e art, le dessinateur stigmatise la société de consommation et s'interroge tout particulièrement sur le devenir de la BD et le dilemme du succès.

Sans être aussi radical que son héros, il se défait lui aussi de ses oripeaux : après « 1984, » il se renouvelle dans les thèmes mais aussi le graphisme. Il utilise une chromie réduite comme dans le précédent mais apporte quelque chose de plus grâce à l'utilisation d'une nouvelle palette - rouge et jaune pour les scènes de cirque, bleu et saumoné pour d'autres plus intimes- et à l'utilisation de trames constituant un clin d'oeil aux techniques d'impression de l'époque et donnant un aspect suranné à l'album. Il se libère du gaufrier, propose de grandes vignettes , des pleines pages ou des doubles, joue avec la mise en page, les blancs, les contours… Il se livre à des expérimentations permanentes et à une mise en abyme : les toiles de l'un sont les illustrations de l'autre … Enfin, le dessinateur ainsi que son éditeur nous offrent un beau livre-objet qui s'inscrit ainsi de façon militante contre la tendance actuelle à la fast-littérature : on en peut qu'admirer l'épais papier, le soin apporté à l'impression et le soucis du détail (même la reliure est aux couleurs du cirque !). On a envie de le relire et de le conserver et non de le jeter!

« L'homme à la tête de lion » est donc un album surprenant, exigeant aussi, qui s'inscrit finalement dans la rupture mais également dans la continuité de « 1984 ». On y trouve la même vision pessimiste du monde et des relations humaines, la quête impossible d'un paradis perdu … On comprend alors pourquoi Xavier Coste avait en projet d'adapter « La Route » de Cormack McCarthy . Pour des raisons de droit cela ne se fera pas … quel dommage ou peut-être au contraire quel bonheur si ce contretemps débouche sur un album au scénario original aussi réussi que celui-ci !

Chronique augmentée ( documents iconographiques, extraits de la présentation de la rentrée graphique de juin 2022 et dossier pour aller plus loin) sur le blog www.bulles2dupondt.fr

Lien : https://bulles2dupondt.fr/20..
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Une splendide plongée dans l'univers des "freaks" montrés dans les cirques! On suit l'histoire d'un homme lion au sein d'un cirque américain, son succès puis le déclin de l'intérêt du public pour c'est exhibitions de "monstres". Au delà de l'histoire, j'ai ADORÉ les dessins, l'utilisation des couleurs, l'art de montrer l'homme et le lion... Une réussite !
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Librement inspirée de la vie de Stephan Bibrowski, cette bande dessinée nous pousse à cran en dévoilant les méandres cruels des freaks show du XXe siècle. L'Homme à la tête de lion était un artiste circassien atteint d'hypertrichose et n'aura gravité sa vie durant qu'avec d'autres ostracisés de la société. Camaraderie, esprit de famille, mais aussi rivalités grotesques et sans pitié, son existence ne fut qu'une longue et lancinante blessure d'abandon. Quel autre destin pour ces individus atteints de difformités que d'être exhibés devant une horde de guignoles inconscients? Et quel sort attend le milieu du cirque lorsque la radio et le cinéma accaparent goulument les foules éprises de nouveautés et de loisirs? Après son admirable adaptation de 1984, Xavier Coste marque encore une fois le monde de la bd et présente une oeuvre qui éclate brillamment dans le ciel du 9e art.
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Après sa brillante adaptation de « 1984 », c'est peu de dire qu'on attendait avec impatience ce nouvel album de Xavier Coste qui parait demain chez Sarbacane.

Le voilà de retour avec un scénario original qui nous plonge fin XIXème siècle dans l'univers des freaks et l'âge d'or du cirque.

On y suit Hector Bibrowski, très velu de père en fils, né dans un cirque, né pour y parader parmi d'autres personnages plus étranges les uns que les autres… L'Amérique lui fait les yeux doux, le voilà parti pour New-York et le Hoffmann Circus où son rôle de lion érudit – car il aime lire et dessiner – fait fureur.

Mais le succès est éphémère car la société évolue vite, le cinématographe fait son apparition, et il n'évite pas les doutes, les questionnements sur sa condition d'humain observé, rejeté, un être à part … des doutes qui habiteront Hector tout au long de l'album.

Le sujet est passionnant et comme d'habitude avec Xavier Coste, l'impressionnant travail graphique magnifie le récit. Choix restreint de couleurs, bleu-saumon pour la vie quotidienne , flamboyance dans les moments de spectacle, place importante de l'architecture (les buildings new-yorkais rappelleront 1984 !), tout est superbe et immerge le lecteur dans un univers puissant.

Encore un coup de maître donc, « L'homme à la tête de lion » est un beau livre (format carré 25x25 !) qui sert une histoire originale et prenante. Xavier Coste en parle mieux que moi, son interview est à suivre sur ma page insta !
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