Brillant exercice de style !
L'auteure nous décortique les méthodes tyranniques des grands pourvoyeurs des jeux du stade avec un joli pas glissé vers la litérature.
Dés la première page, le cadre de ce petit roman est clairement défini :
" Nous étions des chiffres, des performances. Nos capacités étaient mesurées lors de test trimestriels imposés par le Service National : prises de sang, examens psychologiques, mises en situations, contrôles d'aptitudes physiques. le rêve devenait réalité : la ville nous attendait, elle offrait LA vie, à nous qui n'avions connu que la survie...Nos proches s'éloignaient : c'était le prix à payer....l'argent n'était pas un problème..Conquérir l'uniforme : notre unique échappatoire."
Petit livre bourré de références au sport de haut niveau. A croire que l'auteur a fait un pari d'introduire un maximum de mots appropriés à cette activité !
Nous voila projétés, sans que rien ne soit clairement dit, dans une société que nous cotoyons tous les jours ou presque, celle du sport professionnel. Comment ne pas penser au foot, élevé au poste de grande religion nationale. L'auteur ne nous projette pas dans un monde anticipé, elle nous parle d'aujourd'hui. Et oui, la "dictature" s'exerce de nos jours, comme de tout temps et même pas à notre insu.
"Conquérir l'uniforme", ou plutôt conquérir le maillot, le national, celui qui projettera l'heureux détenteur dans un monde de paillettes et de fric. Et pour y accéder , il faudra, dés le plus jeune âge se soumettre à un entraînement journalier draconnien, stérile et rude, se carapaçonner contre toute faiblesse, séparer l'adolescent de sa famille, l'isoler pour mieux le conditionner. On a beau me raconter de jolies histoires, mais je ne crois pas que ces jeunes ont beaucoup de temps pour pratiquer...la lecture.
Les "Manipulations à Haut Risque" avec leurs services d'ordre et leurs dangers, rien que des matches avec ses hooligans.
C'est une excellente idée de scénario et un sacré pied de nez !
J'ai pris énormément de plaisir à la lecture de ce petit conte philosophique, qui nous fait délicieusement trembler devant l'angoise de perdre nos précieux livres, mais j'ai plutôt entendu un bel hommage au sens critique, pas seulement le livresque, mais ausi celui qui permet de distancier, de prendre du recul par rapport à nos jeux du cirque et à tout ce qui constitue notre environnement sociétal. D'autant plus difficile de distancier que nous sommes tous autant englués dans le miel des discours médiatiques. Les Dieux du stade, avec leur "aides chimiques" à la performance, à leurx voix baillonnés par l'appât de plus d'argent, plus de couverture médiatique, sont les nouveaux analphabêtes du decryptage de notre société à facettes.
Et puis qui est le véritable manipulateur de cette petite saga ? Un médecin, complétement au service, pour son plus grand et aliénant bénéfice, à une autorité fantomatique.
Heureusement, tout se finit bien : le champion, quand il aura gagné tous les lauriers, trouvera son repos du sportif quand enfin, il s'apercevra que tout ce bas peuple qui venait l'applaudir et l'envier, incapable d'accéder aux arcanes des stades, a des plaisirs et des émois dont il ne soupçonnait ni l'existence, ni l'intensité. Et oui, on peu frémir, s'émouvoir, pour autre chose qu'un beau but !
C'est presque attendrissant de voir sa maladresse à décrypter des textes. Mais nous savons bien, nous lecteurs aguerris, que le plaisir de la lecture c'est aussi le résultat plein de bonheurs d'un long entraînement. Et qui est son guide, son grand initiateur ?
Quant à l'écriture, je la trouve très prometteuse. de très belles images comme " des larmes de joie s'échappaient, dévalaient les pommettes aussi vite que les coureurs s'étaient lancés sur la piste".
Un style qui m'a fait penser, par moment au livre "
Les Saisons" de
Maurice Pons.
Et puis, moi aussi j'adôre avoir peur de chimères.