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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Librairie Chantelivre- Issy- Les-Moulineaux- 30 septembre 2023

Double Coup de coeur et coup de poing, dans un même tourbillon !...

Cet écrivain - photographe qui nous avait déjà raconté son abandon de la photographie dans " La Dernière photo", après l'avoir pratiquée passionnément plus de 20 ans, cette fois, nous relate son véritable " parcours du combattant" lorsqu' il décide de tout laisser pour se consacrer à son rêve, désormais : celui d'ÉCRIRE....

Et pour pouvoir ÉCRIRE à plus de cinquante ans il faut que " notre écrivain en devenir" trouve un boulot alimentaire pour pouvoir réaliser son objectif...Et cela va se révéler bien plus compliqué que prévu !!

" L'apprenti écrivain " va en faire les frais...en devant faire tous les petits boulots possibles et imaginables !

Le tour de force de ce récit, c'est que partant d'un rêve personnel, individuel d'ÉCRITURE, Frank Courtès nous fait toucher du doigt AUTRE CHOSE !

Confronté à un quotidien jamais imaginé, le narrateur, après avoir reçu une honorable éducation classique et privilégiée, puis gagné très confortablement sa vie comme " photographe
indépendant " pendant de très nombreuses années, il se voit, en renonçant à " la grimpette sociale" normale, attendue, relégué dans les marges, intégrant malgré lui cette drôle de "hors- catégorie " des " Nouveaux pauvres "!...

Mais rien ne va le rebuter...Quelques heures de liberté durement gagnée pour ÉCRIRE...et cela le console de presque tout !

Je choisis de transcrire un très bel extrait sur ce besoin d' ÉCRIRE :

"Dans un bureau tu serais à l'abri.

C'est simple: j'écris en partie contre le silence.Les vieux laissent la radio allumée toute la journée, certains parlent à leur téléviseur. Cela fait une présence. Les églises n'y suffisent plus.Moi, j'écris. J'écris à des amis absents, imaginaires et que je ne sais pas me faire dans la vie réelle. Beaucoup s'imaginent un Dieu à qui parler, moi juste quelques amis.Ce qu'il y a de beau, c'est la sincérité avec laquelle on croit à ce qu'on imagine. Même ceux qui prétendent ne croire en rien, dans le noir ils ont peur de quelque chose qu'ils ne peuvent pas s'empêcher d'imaginer. On imagine beaucoup au fond.Tant qu'il y aura de la place pour l'imagination, il y aura des dieux, des artistes et des monstres dans le noir. "

Je reviens au récit des petits boulots, ces fameuses " missions" comme celles des
" pauvres journaliers " d'antan, après la guerre !

Ce descriptif nous fait toucher du doigt les tragiques transformations du monde du travail, ces immondes applications, " plateformes" de
" Marché d' Humains"...Les 6 premières personnes répondant à une demande vont, pour se rendre plus attractives, et obtenir " la mission du jour", baisser au maximum le prix horaire de leurs services !

Envolés, disparus la protection sociale, le droit du travail, le droit des salariés à se défendre, etc.
Juste la Loi de la Jungle !!

Frank Courtès, en nous décrivant tous ces petits boulots invraisemblables, sous-payés au-delà de l'acceptable, nous dévoile les dérapages monstrueux de notre société " libérale " et faussement démocratique, montrant du doigt les hypocrisies, les mensonges par la cupidité de quelques uns et les politiques d'autruche des uns et des autres, en train de rendre ce monde
" inhabitable" !!?

Cela m'a évoqué plusieurs fois le souvenir tenace d'une autre lecture, celle du " Quai de Ouystreham" de Florence Aubenas; récit d'un monde parallèle du travail dévalué créé par un système économique injuste: un sous- prolétariat devenant un no man's land invisible d' INVISIBLES !!

Ce récit désespérant est " sauvé " par l'énergie incroyable de l'auteur, son humour grinçant, sa faculté jubilatoire d'autodérision...qui , dans un même temps, nous en met plein la figure, et l'air de rien, nous interpelle sur notre monde qui
" déconne grave" !!!

Sans parler des aléas plus personnels concernant la sphère privée, familiale, amicale: le mépris, l' incompréhension des proches, la honte du déclassement ...!

Heureusement subsistent le Bonheur, la Joie de l' Imaginaire, de l'Écriture, de la littérature...d'un objectif " noble" que notre " Apprenti - écrivain" va atteindre au bout de ce chemin de
" Manoeuvre" aux multiples " humiliations !

Vous aurez compris pourquoi, en début de ce ressenti, je parlais de cette lecture comme d'un double " coup de coeur- coup de massue", dévoré, ceci dit, en une nuit...

Bravo et MERCI à Frank Courtès pour son talent, son opiniâtreté et sa faculté à nous " déciller" les yeux devant les dérives de notre système....

Un dernier mot et extrait pour parachever mon enthousiasme sans réserve pour ce livre de qualité : une Tendresse certaine de l'écrivain pour les gens, et toute cette part de la population, marginalisée et fragilisée qu'il a côtoyée...et avec laquelle, il compatit sincèrement...

"La valeur de ce café sinistre tient au fait qu'il ne ment pas.La vérité éclate, crue.La vie se livre nue, avoue ses crimes, ne dissimule pas ses victimes.Dans un café lugubre, on ne nous la fait pas.
Aux heures de vie perdues entre ces quatre murs répond le temps gagné sur la mélancolie. Celle qui tombe sur la tête des pauvres gens, comme on dit, dès qu'ils mettent la clef dans la porte de chez eux..
Ici, dans ce café miteux, le répit allège de quelque chose. Je croque dans mon sandwich et j'essaye de mâcher lentement. Je n'ai plus envie de partir.Plus besoin d'être poli avec le monde de dehors, le conducteur de bus ou la boulangère. Ici on ne vous regarde pas de travers, personne ne vous domine.Les yeux éteints des vieux clients ne sont pas signe d'indifférence, ce sont des yeux au repos.Dans cette niche nauséabonde, personne ne juge, aucune médecin ne condamne, la famille n'entre pas, la société n'entre pas, parfois, la littérature, un peu."





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Franck Courtès était photographe. Il décida un jour d'abandonner la photo pour se consacrer à l'écriture. Mais bientôt il n'a plus d'économies et de moyens de subsistance.Il découvre alors la pauvreté, la difficulté de se loger, de se nourrir. Il entreprend alors d'effectuer des travaux de bricolage, de déblaiement, de jardinage pour gagner sa vie.
Il dresse dans son livre, le récit lucide de sa nouvelle situation, l'on découvre un monde brutal, hypocrite, injuste, incarné par « La plateforme ». En effet certaines plateformes proposent dans un système de marché parallèle, des chercheurs d'emploi, sans qualification, qui acceptent de rendre quelques services chez vous pour pas grand chose .
On est écoeuré par cette économie invisible, qui exploite et esquinte le corps de celui d'hommes corvéables pour quelques euros.
Le narrateur vit seul, il devient de plus en plus solitaire et a du mal à entretenir des relations sociales sans se sentir vaguement honteux ou coupable.
C'est un récit qui dérange, qui vous met en colère. C'est aussi terriblement émouvant avec des passages tristes à pleurer... Bravo à Frank Courtès pour ce récit courageux, bouleversant et si fort.

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Connaissez vous Franck Courtès ? Cet homme a, dans sa première vie professionnelle, été un photographe assez connu du milieu, à défaut du grand public. Il a immortalisé les plus grandes stars, il a travaillé pour les Inrocks et Libération, il a probablement mis les pieds dans les plus beaux hôtels et a voyagé aux quatre coins du monde.

Et puis un jour, son métier de photographe ne lui a plus apporté l'étincelle, il s'est senti piégé à l'intérieur d'un système qu'il ne cautionnait pas, tout étant produit de consommation y compris ses photos …ou en tous cas c'est de plus en plus cette image qui se reflétait dans son objectif. le côté artistique de son métier s'éloignant au profit du côté commercial.

Alors il a troqué ses appareils photo contre un stylo ou un ordinateur si on veut éviter le cliché. Écrivain il l'est et écrivain il le resterait désormais.

Il ne s'est pas posé toutes questions liées à une reconversion : vais-je en vivre ? Était-il conscient que seule une poignée d'auteurs vendent beaucoup ? J'ai l'impression que même s'il le savait, cela n'aurait rien changé, comme si écrire était soudainement si vital, si indiscutable que cela effaçait toutes les questions concrètes et matérielles.

Mais le bassement matériel, le quotidien il va se le prendre en pleine face en tant que « nouveau pauvre » car quand on n'a pas un rond, se loger, se chauffer, se nourrir, conserver une vie sociale, tout devient compliqué. Alors pour pouvoir continuer à écrire, il teste tous les petits boulots invisibles et très mal payés, de livreur à laveur de vitres, de manoeuvre à serveur. Son corps morfle mais il écrit la joie inédite du travail physique terminé à une heure précise comparé à un travail artistique jamais vraiment achevé.

A travers ses expériences et son quotidien, Franck Courtès dit la dureté de notre société quand on ne peut pas consommer -(tout est appel permanent autour de soi) et la perversité d'un système de plus en plus « uberisé ». Inscrit à une plateforme sur laquelle il trouve ses missions, il souligne que pour travailler, il faut être bien noté et que pour être bien noté, il faut être prêt à tout accepter.
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Baz'art : Des films, des livres... > Lectures > A pied d'oeuvre; FRANCK COURTÈS : échange appareil photo contre stylo
dimanche 05 novembre
A pied d'oeuvre; FRANCK COURTÈS : échange appareil photo contre stylo


G07742

Connaissez vous Franck Courtès ? Cet homme a, dans sa première vie professionnelle, été un photographe assez connu du milieu, à défaut du grand public. Il a immortalisé les plus grandes stars, il a travaillé pour les Inrocks et Libération, il a probablement mis les pieds dans les plus beaux hôtels et a voyagé aux quatre coins du monde.

Et puis un jour, son métier de photographe ne lui a plus apporté l'étincelle, il s'est senti piégé à l'intérieur d'un système qu'il ne cautionnait pas, tout étant produit de consommation y compris ses photos …ou en tous cas c'est de plus en plus cette image qui se reflétait dans son objectif. le côté artistique de son métier s'éloignant au profit du côté commercial.

Alors il a troqué ses appareils photo contre un stylo ou un ordinateur si on veut éviter le cliché. Écrivain il l'est et écrivain il le resterait désormais.

Il ne s'est pas posé toutes questions liées à une reconversion : vais-je en vivre ? Était-il conscient que seule une poignée d'auteurs vendent beaucoup ? J'ai l'impression que même s'il le savait, cela n'aurait rien changé, comme si écrire était soudainement si vital, si indiscutable que cela effaçait toutes les questions concrètes et matérielles.

Mais le bassement matériel, le quotidien il va se le prendre en pleine face en tant que « nouveau pauvre » car quand on n'a pas un rond, se loger, se chauffer, se nourrir, conserver une vie sociale, tout devient compliqué. Alors pour pouvoir continuer à écrire, il teste tous les petits boulots invisibles et très mal payés, de livreur à laveur de vitres, de manoeuvre à serveur. Son corps morfle mais il écrit la joie inédite du travail physique terminé à une heure précise comparé à un travail artistique jamais vraiment achevé.

A travers ses expériences et son quotidien, Franck Courtès dit la dureté de notre société quand on ne peut pas consommer -(tout est appel permanent autour de soi) et la perversité d'un système de plus en plus « uberisé ». Inscrit à une plateforme sur laquelle il trouve ses missions, il souligne que pour travailler, il faut être bien noté et que pour être bien noté, il faut être prêt à tout accepter.

« Avec l'explosion des statuts de travailleurs indépendants, on se dirige moins vers une société idéale d'ouvriers libres et indépendants que vers une société de serviteurs précarisés ».



Franck Courtès, grandeur et misère du métier d'écrivain

En lisant ces lignes, j'ai tout de suite pensé à deux fictions britanniques d'une grande puissance, que ce soit le film très dur mais si juste de Ken Loach, Sorry we missed you (l'histoire d'un homme qui pense devenir libre en ayant sa propre camionnette et qui se rend compte que seul, il n'a plus la force du groupe, des collègues ou d'un syndicat pour le protéger contre les dérives d'un monde ultra libéral) ou à la série Years and Years dans laquelle un des personnages se retrouve livreur pour l'équivalent de Deliveroo.

J'ai aimé le ton à la fois très lucide et mordant de Franck Courtès, j'ai aimé la musicalité de sa plume et je lui souhaite de tout coeur plein de ventes pour ce livre !


Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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De certains livres on entend trop peu parler, noyés qu'ils sont dans la déferlante de la rentrée littéraire. Celui-ci a surnagé, nommé sur la première liste du Femina, mais il a été trop peu vu et défendu en regard de sa qualité.
Ce titre, c'est celui de Franck Courtes. Un récit où il raconte son parcours. Celui d'un photographe de renom qui, lassé par la vacuité du monde dans lequel il travaille, décide de mettre un terme à sa carrière pour se consacrer à l'écriture. Ecrivain, voilà bien un métier qui fait rêver, auquel on appose tous les attributs de la respectabilité, mais un métier qui ne nourrit pas son homme. Un choix de vie radical qu'il paiera au prix fort, puisqu'il perdra ses revenus, son statut social et même sa famille. Une dégringolade qui le conduira, pour survivre, à louer ses services sur une plateforme de main d'oeuvre, application esclavagiste de tous les laissés pour compte du salariat. *il y sera tour à tour manoeuvre, laveur de vitre, déménageur, livreur ou encore serveur. Un déclassement social choisi, mais néanmoins violent que l'auteur décrit avec franchise mais sans aucun apitoiement.
Dans le tableau de cette nouvelle vie, il ne tait rien de la faim, du découragement, des douleurs que ces emplois miséreux provoquent sur son corps peu aguerri aux travaux pénibles. de la honte et de ce sentiment d'angoisse qui ne le quitte plus, inquiet chaque jour du lendemain, de la crainte qu'il soit pire encore. Et en dépit de cette survie chaotique, l'envie d'écrire, plus forte que tout, le besoin de coucher des mots qui reste essentiel pour contrer le vide et le silence, le plaisir de chaque séance d'écriture apaisante et consolatrice
Et dieu que c'est touchant ! Plusieurs fois dans ma lecture, j'ai refermé mon livre, bouleversée par le courage de cet homme, le coeur broyé par sa mélancolie, émue aux larmes par les vexations qu'il ne cesse de subir, en colère contre notre société qui permet de tels abus et les invisibilise. Mais surtout terriblement touchée par sa détermination à écrire, par sa foi sans faille dans la littérature.
Pour finir je vous invite à découvrir ses mots d'une justesse implacable sur l'ubérisation du travail. Elles sont glaçantes et percutantes, notamment quand il dénonce sa déshumanisation, en particulier en gommant les noms de ces nouveaux esclaves, les réduisant à leur prénom, et à quelques étoiles. J'ai trouvé éclairant son analyse de la place des pauvres dans nos sociétés. Et comment ne pas trouver révoltant le système du RSA, aide censée permettre « une pauvreté décente, de quoi se noyer moins vite» dont les contrôleurs s'acharnent sur ceux qui n'ont rien, les enfonçant plus encore dans la précarité.
Ce livre devrait être lu par tous nos politiques, mais je doute en le refermant qu'ils aient la même dignité que Franck Courtés.
Pour ma part, je vous conseille d'acheter ce livre, plus encore je vous le demande, pour découvrir cet homme intègre et discret, cet auteur à l'humilité poignante.
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A pied d'oeuvre de Franck Courtès

S'il y a un livre à lire en cette rentrée, c'est bien celui-ci.

Il n'aura pas le Goncourt ni aucun prix des professionnels.
Donnons-lui le prix du public en achetant et lisant son bouquin. Faisons de Franck Courtès un grand écrivain. Il en a l'étoffe. Ce qu'il a vécu pour devenir et être écrivain est l'objet de ce livre passionnant. Son expérience rare en fait un livre rare. Qui a eu la force et la détermination pour endurer ce qu'il a enduré ? Personne et personne d'autres que lui ne pouvait décrire aussi méticuleusement et analyser aussi finement ce monde des sous-hommes et les effets délétères du libéralisme uberisé, plateformisé et finalement totalement déshumanisé.
J'ai lu plusieurs fois en commentaire su Babelio « autofiction ». Ben non ! C'est tout sauf une autofiction. C'est au contraire une autoréalité vraie. Considérer ainsi la vérité et la sincérité de l'auteur est une insulte.

Lisez et faites lire A pied d'oeuvre.
C'est un acte salutaire et militant.
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Histoire largement autobiographique, le narrateur est un ancien photographe reconnu qui décide de tout quitter pour écrire. Son premier métier lui assurait de confortables revenus, le nouveau l'oblige à gagner sa vie au coup par coup. Les petits jobs s'enchainent mais ne suffisent pas au minimum vital et il s'inscrit sur une plateforme en ligne où les gens bradent leurs prestations pour remporter les courses et autres services. Un livre bien écrit, plein autodérision et de recul sur la vie, un bon moment de lecture!
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Il a choisi. Il a arrêté son activité de photographe pour devenir écrivain…. Après il a fallu pérenniser ce nouveau métier…. Ça c'est une autre histoire ou plutôt, c'est la même… Celle qu'il nous conte aujourd'hui…. Sera-t-il alors nécessaire de classer ce roman dans les autobiographies ?
Une chose est sûre, ce livre est particulièrement réussi.
Pourquoi Franck Courtès a-t-il abandonné un métier qui lui donnait une aisance matérielle, une certaine notoriété ? Vingt-six ans d'une vie… Mais il ne s'y retrouvait plus, il était arrivé au bout, plus d'inspiration, l'impression d'avoir fait le tour, plus le goût, plus l'envie et des valeurs qui n'étaient plus les siennes. Alors il a écrit. Rencontré un peu de succès mais avec des droits d'auteur minimes bien loin de ce qu'il gagnait avant….
Sa famille n'a pas compris, ses amis non plus mais lui il est resté ferme. Bien sûr, il a déménagé, il ne pouvait plus assumer un grand logement. Certains lui ont tourné le dos, ses fréquentations n'étaient plus les mêmes, la reconnaissance n'est plus là.
Alors, comme il faut bien manger, il fait des petits boulots, il est à pied d'oeuvre, prêt à travailler, disponible pour faire ce qu'on lui demande. Il nous présente son quotidien, avec beaucoup d'intelligence et de dérision. Les surprises, quand il croit avoir fini et qu'il en reste, ceux qui paient mal, ceux qui le traitent de haut….Le manque d'expérience pour certaines tâches qui lui prennent des heures… Les prix qu'il faut ajuster en permanence… Il partage ses difficultés, ses petites réussites et surtout ce sentiment d'être utile lorsque quelqu'un vous dit merci pour un service rendu.
Ce récit se lit comme un documentaire sur la vie d'une personne qui a fait un choix fort et risqué.
L'écriture est réaliste, excellente. le style très vivant. Je me suis régalée à lire ce recueil, même si en réfléchissant, c'est un peu triste de voir ce qu'il s'est passé. La fin est absolument géniale !

Lien : https://wcassiopee.blogspot...
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Lorsque l'on est « À pied d'oeuvre », c'est que l'on est prêt à travailler ou à entamer une tâche, mais l'expression désigne aussi les écrits d'un auteur et prend alors le sens de production artistique. « À pied d'oeuvre », un titre parfaitement trouvé pour ce texte singulier, qui en dit autant sur l'écrivain Franck Courtès, que sur notre société.

Franck a été photographe de renom durant de nombreuses années. Il a photographié les plus grandes stars, a été invité au coeur de leur intimité et s'est employé à photographier leurs âmes. Mais un jour, Franck ne veut plus toucher un appareil photo. La montée en puissance du numérique et l'utilisation de Photoshop le confortent dans ce choix. C'est assez naturellement qu'il se tourne alors vers l'écriture. Son premier livre « Autorisation de pratiquer la course à pied » fonctionne plutôt bien. Suivront d'autres ouvrages, par exemple « La dernière photo », « Les liens sacrés du mariage » durant lesquels son matelas financier diminue drastiquement jusqu'à le faire disparaître. Il se retrouve alors totalement désargenté. Or, pour continuer à écrire, cette passion dévorante qu'il entretient avec la littérature, il lui faut trouver une solution. Il s'inscrit alors sur la Plateforme, une application qui propose de petits jobs pour hommes à tout faire. C'est précisément cela que Franck Courtès raconte dans « À pied d'oeuvre ». Cela et la pauvreté à laquelle il fait face.

« Entre mon métier d'écrivain et celui de manoeuvre, je ne suis socialement plus rien de précis. Je suis à la misère ce que cinq heures du soir en hiver sont à l'obscurité : il fait noir mais ce n'est pas encore la nuit »

Dans « À pied d'oeuvre », Franck Courtès raconte le commencement de tout : sa passion dévorante pour la littérature, le besoin impérieux d'écrire, la nécessité absolue de coucher les mots sur le papier et les difficultés qui surgissent à cause de ce choix. « Le métier d'écrivain consiste à entretenir un feu qui ne demande qu'à s'éteindre. Un feu dans la neige. (…) Achever un texte ne veut pas dire être publié, être publié ne veut pas dire être lu, être lu ne veut pas dire être aimé, être aimé ne veut pas dire avoir du succès, avoir du succès n'augure aucune fortune. » Chaque matin, Franck écrit, une routine immuable qui ne saurait tolérer la moindre variation. Chaque matin, Franck écrit, et « Tout commence par un silence à bâtir. » Malgré le sacerdoce que cela engendre, les sacrifices, la rigueur, Franck ne conçoit plus sa vie sans l'écriture. C'est devenu un besoin vital. Alors, quand l'argent vient à manquer, et qu'il n'y a plus rien à vendre parce qu'il a déjà vendu tout ce à quoi il tenait, Franck décide de trouver « un travail alimentaire ». La cinquantaine dépassée, sans diplôme particulier, Franck se heurte à la difficulté du monde de l'emploi : trop vieux, pas assez qualifié, trop qualifié… Dans l'impossibilité de trouver un emploi « classique », il est alors obligé de se tourner vers la Plateforme « une application qui met en relation des clients et des travailleurs », une cour des miracles où des « crève-la-faim » se démènent et se déchaînent pour décrocher des petits boulots très mal payés. « Un marché aux esclaves moderne »

« À pied d'oeuvre » raconte cette plongée au coeur d'un système où aucune qualification réelle n'est requise, aucune compétence vérifiée ni exigée. « La méthode rappelle le recrutement hâtif d'hommes d'un pays en guerre. » La plateforme fonctionne selon un modèle fascinant : les algorithmes. Être le premier à répondre tout en proposant le prix le plus bas possible pour décrocher le petit boulot proposé. Un piège très bien huilé où « les pauvres » se livrent une guerre sans merci. Un « génie patronal, exploitant non plus le travail mais l'accès au travail ». Plusieurs anecdotes se succèdent alors, des boulots extrêmement physiques payés des clopinettes aux des tentatives désespérées pour obtenir quelques euros de pourboire, des jardiniers improvisés à la communauté des livreurs à vélo, des gravats à transporter aux rideaux à accrocher, tout y passe. « L'argent n'a pas toujours la même valeur. Il ne vaut pas la même chose en regard de ce qu'il a fallu faire pour l'obtenir. » Pour travailler, il faudra toujours baisser le coût des prestations « jusqu'à atteindre des prix indignes. »

Malgré ses journées harassantes, le corps qui ne tient plus qu'à un fil, l'annihilation des soirées, des week-ends puisqu'il faut toujours être connecté pour trouver le boulot suivant, Franck Courtès y oppose son amour de la littérature. Car, « À pied d'oeuvre », c'est aussi se souvenir du pourquoi il fait les choses, de cet amour inaltérable pour l'écriture, ce besoin de mots qui palpite. « La souffrance du manoeuvre accroît la jouissance de l'écrivain. » Cet « appétit terrible » ressurgit toujours face aux douleurs physiques du quotidien.

Franck Courtès interroge la valeur du travail et de l'argent dans notre société, le statut d'écrivain qui ne peut pas vivre de sa plume, la place de l'homme désargenté dans sa famille et vis-à-vis de la communauté. Il expose un système, l'ubérisation, où l'esclavagisme moderne est en marche. « La Plateforme et la réalisation fourbe et géniale d'une logique industrielle : utiliser une masse ouvrière réduite au silence, dont on n'exploite plus le produit du travail mais le droit de travailler lui-même. » Pour ces travailleurs de l'ombre, vidés de leur humanité par nécessité, ceux qui se voient attribuer « des miettes de travail », vivent avec une peur panique des lendemains, « À pied d'oeuvre » prend des allures d'hommage : pour raconter il faut avoir vécu.

J'ai été sidérée par la force de ce roman, pétrie de compassion et d'empathie, et d'une énorme culpabilité aussi… Car, ce système en vigueur, ce cercle vicieux, nous l'avons tous créé, vous et moi. Nous y contribuons chaque jour : déléguer l'entretien de son jardin, de son ménage, de l'amélioration de sa résidence principale, du montage de ses meubles, la livraison de ses courses, de son plateau de sushis, et j'en passe ! Voit-on la misère qui se cache derrière les visages de ces manoeuvres, ce qu'il leur faut de volonté, d'abnégation et de résistance pour affronter chaque nouvelle journée ? Imagine-t-on les blessures du corps, l'épuisement, les douleurs qui empêchent un repos chèrement mérité ? Comment regardons-nous la pauvreté ? « On les tolère, on les autorise même, ces silhouettes en file indienne sous le pont. Si cet échec est acceptable, alors qu'est donc l'inacceptable ? On s'indigne de travers : il devrait tout de même y avoir un moyen d'empêcher ça ! dit-on. Et puis le train repart comme avant, on continue d'acheter ce qu'on peut s'offrir, de voyager dès qu'on en a le temps, de bouffer ce qu'il reste d'énergie, de matières, de planète. On ne va pas s'arrêter de vivre tout de même ! »

Jamais moralisateur, souvent caustique, « À pied d'oeuvre » raconte un chemin de vie emprunté par amour : celui de la littérature. Brillant, magistral et divinement bien écrit !

Lien : https://aude-bouquine.com/20..
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C'est avec cette autofiction que je découvre pour la première fois la plume de Franck Courtès. Invité de la Grande Librairie, nominé pour le Prix Goncourt de la Nouvelle... Courtès est remarqué et très certainement remarquable.
Avant l'écriture, il était photographe. Il gagnait bien sa vie, il n'avait pas de problème à décrocher des reportages. Et puis un jour, il a quitté ce travail auquel il ne croyait plus pour devenir écrivain. Dans ce livre, il nous raconte ce chemin difficile.

Vivre de l'écriture, peut y parviennent.
Nous lecteurs, nous plongeons dans ces lignes sans réellement prendre conscience du travail colossal qu'est l'écriture.
Au début du récit, Courtès l'explique très bien. Tout d'abord il faut une idée, et puis il faut la façonner, lui donner vie à l'écrit. Ecrire une page peut prendre des heures. Lorsque le manuscrit est terminé, il faut courir après les maisons d'éditions, attendre les réponses, et si la réponse est positive, si le livre est édité (après moultes allers-retours, corrections, modifications), il faut encore qu'il soit mis en lumière. Et même après tout ça, on est même pas sur d'être lu. Pendant tout ce temps, l'auteur ne gagne rien. Pourtant un besoin est là quotidiennement : celui de manger.

Lorsque Courtès prend sa décision, beaucoup le jugent ou restent dans l'incompréhension.
L'auteur va mettre son égo de côté, accepter de ne plus être le père nourricier de ses enfants pour se vouer à corps perdu dans l'écriture. Il nous raconte ses petits boulots, l'ingratitude des employeurs et des clients, la difficulté de monétiser justement ses services.
« Je suis à la misère ce que cinq heures du soir en hiver sont à l'obscurité : il fait noir mais ce n'est pas encore la nuit »
Il entre dans le monde d'en bas, il intègre la France qui galère, qui est sous-payé, trop rapidement abimée à force de tâches épuisantes que quelqu'un doit bien se charger. Courtès en a conscience, il n'est plus tout jeune, et malgré sa volonté, il admet rapidement que les jeunes sont plus souvent choisis et assurément plus performants.

C'est un récit courageux, qui lève le voile sur la précarité que peut amener certains choix de vie.
Le plus beau cadeau que l'on puisse faire à cet auteur, c'est de le lire, et de le remercier d'avoir été si transparent sur tant de situations peu flatteuses.
J'ai aimé ce livre pas parce qu'il m'a fait pitié. J'ai aimé ce livre parce qu'il transpire de vérité, parce qu'il est rempli d'humilité et qu'il confirme que Courtès a fait le bon choix. C'est un auteur. Un auteur de talent.
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Ce livre est une très belle découverte . le narrateur , photographe à succès , pris de désamour pour d'un art devenu trop mercantile , décide de se lancer en littérature, son autre passion .Cela entraîne une réduction drastique de ses revenus et le voilà contraint d'accepter des « petits boulots » alimentaires sous-payés . C'est cette aventure qu'il conte sans jamais tomber dans le pathos :sa perception personnelle de son déclassement, les effets sur son entourage , la comédie humaine des clients , des compagnons de galère et des employeurs tout est rapporté avec finesse , sensibilité et humour. Sans oublier une analyse politique (au sens le plus noble du terme) de ce système d'esclavage moderne de l'auto-entreprenariat dernier avatar de l'exploitation de l'homme par l'homme .
« Ce qu'on fait de vous hommes femmes
O pierre tendre tôt usée
Et vos apparences brisées
Vous regarder m'arrache l'âme » Aragon
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