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EAN : 9782377292905
200 pages
Libertalia (26/05/2023)
4.47/5   43 notes
Résumé :
Les Penn Sardin, Douarnenez 1924.

Douarnenez (Finistère), l’hiver 1924.
Dans les vingt conserveries de sardines, deux mille « filles d’usine » œuvrent nuit et jour, au gré des arrivages, à emboîter au plus vite ce poisson fragile. Elles sont là entre dix et quatorze heures d’affilée pour une paye minuscule versée par des industriels – dont même le ministre du Travail dit qu’ils sont « des brutes et des sauvages ».
Le 21 novembre, un pat... >Voir plus
Que lire après Une belle grève de femmes: Retour sur la lutte des « Penn Sardin », Douarnenez, 1924.Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Hiver 1924. Pendant plus de six semaines, deux milles ouvrières des conserveries de sardines de Douarnenez vont battre le pavé en sabot, réclamant une augmentation de salaire. Anne Crignon raconte « cette épopée sociale et victorieuse ».
(...)
Pour nourrir son récit, Anne Crignon a puisé dans tous les ouvrages (épuisés) évoquant ce mouvement. Elle rapporte nombre d'anecdotes, comme la venue de Zola dans le Finistère qui cherchait un décor pour un tome des Rougon-Macquart, avant de se décider pour les terrils du Nord et d'écrire Germinal. Beaucoup de paroles d'ouvrières sont reprises. Autant que possible, elle donne des noms et des visages à ces femmes anonymes, épluchant également la presse de l'époque.
Anne Crignon montre comment les expériences sociales sont le terreau de toute culture politique. En relatant cet épisode oublié de l'histoire sociale, elle souligne son caractère profondément féministe et nourrit les luttes d'aujourd'hui, mission essentiel. Sans l'attendre, la chanson Penn Sardin, écrite par Claude Michel, fut d'ailleurs reprise et actualisée pendant le mouvement des Gilets jaunes.

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Dans ce passionnant documentaire, Anne CRIGNON fait revivre une fameuse grève de la Bretagne d'antan, dont le lieu exact et la date nous sont donnés dans le sous-titre, « Les Penn sardin – Douarnenez, 1924 ». Les Penn sardin, c'étaient ces sardinières du Finistère s'exténuant à mettre en boîtes les poissons. Leurs revendications sont diverses, mais juste une curiosité pour amorcer le sujet : les ouvrières de la vingtaine des usines de sardines de Douarnenez étaient les moins bien payées de tout le pays. L'autrice pose les jalons historiques et sociaux qui menèrent à cette grève massive de novembre 1924, sorte de deuxième round d'une grève de 1905 où des avancées sociales avaient déjà été enregistrées, pour stagner ensuite. Ici aussi, les revendications sont les cadences infernales, le salaire ridicule et les mauvaises conditions de travail. L'étincelle se produit lorsqu'un patron refuse de recevoir des ouvrières éreintées.

Anne CRIGNON dépeint à merveille l'atmosphère générale, avec des femmes salariées qui, sans le savoir, ont fondé une micro société matriarcale au sein de leurs minuscules maisons sans confort, où les maris ne sont plus ni dominants ni autoritaires. Ainsi leur révolte découle d'un penchant naturel, ainsi que d'une solidarité à toute épreuve.

Anne CRIGNON nous guide au coeur de ce climat bien particulier dans les ateliers de sardines où le lieu de travail est comme héréditaire, avec parfois de jeunes fillettes de 8 à 10 ans qui sont embauchées sous un nom d'emprunt dans un pays où la mixité sociale scolaire n'existe pas, tout comme celle réservée sur les bancs des églises de cette région très pieuse. Cet ouvrage est d'ailleurs riche en détails sur les moeurs et le quotidien rural de la Bretagne des débuts du XXe siècle.

Un féminisme ouvrier se met en place presque naturellement, alors que les ouvrières chantent, et que certaines paroles peuvent irriter les oreilles des patrons, dont ce refrain « :

« Saluez, riches heureux

Ces pauvres en haillons

Saluez, ce sont eux

Qui gagnent vos millions ».

Petits riens qui rendent ce témoignage précieux, par son folklore, sa situation historique (quelques années après la première guerre mondiale) comme par cette organisation d'abord fébrile des femmes grévistes ou encore ces brèves biographies d'actrices et acteurs de cet épisode majeure de la grève en Bretagne.

Le portrait du maire d'alors, Daniel LE FLANCHEC, est dressé. Homme de conviction, communiste pacifiste ayant fait ses classes dans l'anarchisme, LE FLANCHEC reçoit les grévistes, les écoute et les soutient immédiatement dans la grève. Il sera pour un temps suspendu de ses fonctions. Quelques jours plus tard, ce sont 3000 manifestantes qui défilent dans les rues de Douarnenez. Un certain Charles TILLON (qui plus tard fera beaucoup parler de lui), un jeunot de 27 ans, alors secrétaire de la CGTU Bretagne, rejoint aussi le mouvement et crée des crèches pour accueillir les enfants des grévistes, alors que des fonds sont levés pour leur venir en aide et que la tension monte d'un cran avec les autorités nationales. Marcel CACHIN, directeur du journal L'humanité, se rend sur place.

ANNE CRIGNON insiste sur le caractère anonyme des femmes grévistes. Elles ont à peine un visage, mais pas d'identité, elles n'existent que collectivement, derrière un drapeau rouge vestige de la grève de 1905. Seule semble survivre dans l'histoire cette Joséphine PENCALET (prononcer Penn Kalett), que l'autrice portraitise grâce aux informations qu'elle a pu dénicher.

La journée du 1er janvier 1925 est particulièrement violente, cela aussi Anne CRIGNON le détaille, dans une écriture vivace, dynamique, énergique et truffée d'humour, qui n'est pas sans rappeler le style acéré et affirmé de l'actuelle journaliste Anne-Sophie MERCIER dans Le Canard Enchaîné. Après 48 jours de grève, le patronat ploie, les Penn sardin ont gagné. S'ensuit un rapide effet boule de neige : plusieurs communes environnantes adoptent les mêmes lois pour le travail des ouvrières.

Le titre de cet ouvrage est emprunté à celui de Lucie COLLARD qui, dans un court récit de 1925, fait déjà revivre cette bataille sociale, d'autant qu'elle a été sur le terrain et a participé aux manifestations et aux comités de soutien. Ce documentaire est exceptionnel par la richesse de ses informations ou encore de ses éléments bibliographiques semés çà et là dans le récit. Au coeur du livre, des photographies viennent à leur tour témoigner d'une époque, d'une lutte. Rien n'est laissé au hasard car, comme déjà signifié, c'est aussi le style littéraire de Anne CRIGNON qui fait vibrer l'action de manière originale et pétillante. On doit cette tranche de l'histoire aux éditions Libertalia, qui ont sorti cette petite perle marine en 2023 dans leur somptueuse collection poche La Petite Littéraire pour laquelle j'avoue un faible.

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Novembre 1924. le Panthéon se prépare à recevoir le corps de Jean Jaurès (dont les liens innombrables avec le monde ouvrier justifient l'allusion à cet événement !).

Douarnenez est le plus grand port sardinier de France. Des ouvrières qualifiées, au savoir-faire nationalement reconnu, font tourner à plein régime les vingt et une usines de la ville, assurant la prospérité de leurs propriétaires. Les ouvrières du Finistère, qui touchent 80 centimes de l'heure, sont pourtant les moins bien payées de France.

La plupart sont femmes de pêcheurs. On les appelle les Penn Sardin, du nom de la coiffe blanche qu'elles portent avec élégance, car "on a beau être du peuple, on a belle allure". La pauvreté ne les empêche pas d'être toujours bien habillées, elles suivent la messe en chapeau et portent un tailleur le dimanche de Pâques, préférant se priver de nourriture que d'être mal attifées.

Elles sont ouvrières dès l'enfance, pour certaines à partir de huit ans -on contourne, quand le manque d'argent se fait trop criant, la loi qui impose d'en avoir au moins douze- dans des conditions difficiles. le travail se fait debout et à un rythme infernal, dans des structures exhaussant l'inconfort des chaleurs estivales comme des froids hivernaux, chargées d'odeurs de saumure et d'entrailles. Et leurs journées se prolongent avec l'entretien de la maison -qui comme leurs tenues, se doit d'être impeccable-, le linge à laver (sans machine) mais aussi les tâches administratives comme la tenue des comptes dont elles s'occupent généralement, car la plupart maîtrisent mieux le français que leurs époux.

Le 21 novembre, les contremaitres de l'usine Carnaud, groupe puissant et ennemi déclaré du prolétariat, refusent de recevoir des ouvrières au sujet de leur paie et du trop plein d'heures travaillées. Dans une société où la différence de classe, et les inégalités qui vont avec, est encore profondément inscrite – "on ne mélange pas les sabots et les souliers"-, c'est l'offense de trop. Un mouvement de grève s'enclenche, que soutient aussitôt activement le maire de la commune, Daniel le Flanchec. le 25 novembre, les Penn Sardin de chez Carnaud ont convaincu leurs condisciples de les suivre : toutes les usines débrayent, portant le nombre de grévistes à trois mille.

Elles ne veulent pas renverser l'ordre social. Elles veulent seulement plus de pain, d'équité, et une meilleure reconnaissance de leur travail.

"Pemp real a vo !" ("Nous voulons 25 sous !")

Très vite, elles bénéficient de l'appui de nombreuses figures du monde syndical et politique. Hormis le susnommé Daniel le Flanchec, -qui avec sa verve assassine et fanfaronne et sa nature rebelle, fait un personnage mémorable et haut-en couleurs-, on compte entre autres parmi leurs rangs Lucie Colliard, figure du communisme français en charge de la section du travail des femmes à la CGTU (ancêtre de la CGT), dont le rôle est primordial. Elle formalise les exigences des grévistes et les incite à les augmenter, ajoute au mouvement une dimension féministe (qui ne sera identifiée qu'a posteriori).

Un élan de solidarité nationale se met en place : l'argent afflue de tout le pays, le mouvement bénéficie de la sympathie d'une partie de la presse mais aussi de subventions des élus communistes et du gouvernement. Même les paysans bretons mettent la main à la poche, faisant ainsi fi de la défiance ancestrale entre ouvriers de la terre et ceux de la mer.

Pourtant, les patrons renâclent aux négociations que réclament le préfet et l'inspecteur du travail, et affichent un mépris si intolérable qu'un ministre, présent lors d'une tentative de dialogue organisée à Paris (à laquelle les industriels ne se présentent même pas) les traite de brutes et de sauvages.

En insérant dans le récit de cet épisode d'histoire sociale des témoignages d'enfants des Penn Sardin -évoquant souvenirs des odeurs maternelles, de l'affection et de la force émanant de ces femmes, mais aussi ceux de la faim, des restrictions auxquelles les condamnait leur modeste condition-, et des bribes des chants populaires et parfois grivois qui accompagnaient le travail des ouvrières, Anne Crignon lui confère une belle dynamique, et l'enrichit d'une note très touchante.

J'ai un peu regretté que l'on n'en sache pas davantage sur ces "Penn Sardin" qui restent souvent cantonnées à leur dimension collective, et sur le déroulement concret de ces journées de grève, dont nous n'avons qu'un bref aperçu. On en sait finalement bien plus sur les sommités qui ont soutenu le mouvement, et en deviennent presque les principaux personnages du récit. On comprend, comme l'explique Anne Crignon, que ce manque de précision est dû au fait qu'il existe peu de traces de ces femmes. Voilà qui révèle la volonté de minimiser leur action, de reléguer dans l'anonymat celles qui par leur double statut de femmes et d'ouvrières, ne méritaient sans doute pas de figurer dans l'histoire nationale…
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Douarnenez (Finistère), l'hiver 1924.
Dans les vingt conserveries de sardines, deux mille « filles d'usine » oeuvrent nuit et jour, au gré des arrivages, à emboîter au plus vite ce poisson fragile. Elles sont là entre dix et quatorze heures d'affilée pour une paye minuscule versée par des industriels – dont même le ministre du Travail dit qu'ils sont « des brutes et des sauvages ».
Le 21 novembre, un patron refuse de recevoir des ouvrières exténuées. Les femmes de toutes les « fritures » descendent dans la rue. le maire de la ville, un communiste, est à leurs côtés, et les marins-pêcheurs – leurs maris – aussi.
Bientôt, toute la France suit dans les journaux le détail de cette « grève de la misère » devenue un feuilleton national. La solidarité s'organise. le patronat aussi. Des mercenaires armés arrivent de Paris.
Les Penn sardin auraient dû perdre ; la pauvreté leur commandait chaque jour de reprendre le travail. Après plus de six semaines à battre le pavé en sabots, elles ont pourtant gagné.
Récit d'une grève victorieuse.
Anne Crignon est journaliste à L'Obs et pigiste à Siné-Mensuel. Elle a rédigé l'article sur les Gilets jaunes dans Feu ! Abécédaire des féminismes présents (Libertalia, 2021). Originaire de Bretagne, elle s'est prise de passion pour l'épique lutte des sardinières de Douarnenez.

Le texte d'Anne Crignon, l'autrice est poignant. Il nous permet de vivre les conditions de travail très difficiles des ouvrières des conserveries de sardines de Douarnenez, dans le Finistère, en Bretagne. Pendant plus de 6 semaines, deux milles femmes en cet hiver 1924 vont braver le froid pour réclamer leur droit, une augmentation de salaire. Pour aller plus loin, je vous invite à lire l'article du blog de Paul Tian.
Claudia
Lien : https://educpop.fr/2024/03/1..
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Un peu sur le fiak pour ce petit livre qui se lit rapidement et avec plaisir. Pleins de choses à retirer d'une mobilisation méconnue qui fête ses 100 ans cette année. le récit est mené tambour battant et reste très immersif sur les conditions de travail horribles de l'époque. Petit traité d'incitation à la mobilisation, le livre s'intéresse finalement à tous ceux qui ont gravité autour de ces femmes grévistes (politiques, patrons, Préfet, etc.) ce qui est un peu décevant quant à la promesse du titre du livre. Ce n'est pas dû à un mauvais travail de recherche de l'autrice, au contraire. Cela révèle simplement à quel point la postérité n'a pas été clémente vis-à-vis de ces femmes ouvrières dont, pour la plupart, ne subsiste que le prénom dans le grand livre de l'Histoire.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Tout arrêter. Tout arrêter, oui, tant qu’on n’a pas vingt sous de plus. Faire passer l’heure à un franc. Un franc ! Voilà l’horizon ! Entre sardinières, on ne parle plus que de ça. 
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Parfois elles prenaient la colère et les puissants reculaient. Mais c'était pour nous qu'elles le faisaient, pour nous les enfants, auxquels elles voulaient offrir une autre condition que la leur et c'est pourquoi nous les avons tant aimées.
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On ne peut plus vivre! La colère monte contre ces industriels qui se croient au- dessus du péché parce qu'ils trempent la main dans le bénitier tous les dimanches.
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Daniel n'a pas d'enfants (à la suite d'une vasectomie dans ses jeunes années : surtout ne pas mettre au monde de la chair à canon », de la « chair à patron »)
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En six semaines, des sardinières sans éducation politique ont appris le rapport de force.
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