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Quartier de Belleville à Paris, année 2015.

Une jeune femme célibataire, journaliste, travaillant pour un site Web d'actu.

Un ex migrant noir désormais intégré à Paris, qui aidera un migrant tunisien débarqué fraichement sur le palier de la porte de la première.

Une professeure d'université spécialisée dans les questions d'environnement, soeur de la première.

Un psychanalyste parisien d'une cinquantaine d'années et sa fille bachelière.

Un jeune des quartiers sensibles et sa mère femme de ménage.

Une jeune femme désaxée, partie un temps à Orléans, et revenant chez sa mère à Paris.

Une année, quatre saisons à Paris, des personnages qui découvrent les lois de « l'ascension » (mais quelle ascension ?) : c'est le pari réussi de Céline Curiol.

Le roman s'ouvre sur le personnage d'Orna, la journaliste. Celle-ci rentre de son travail et trouve presque devant sa porte un homme blessé. Que faire. Passer par-dessus l'homme à terre sans rien dire et rentrer chez elle. Et se sentir coupable. Ou bien tenter de lui parler. L'emmener chez elle ? Trop dangereux. Rentrer chez soi, c'est plus prudent. Mais ne pas pouvoir s'endormir. Et ressortir au bout d'un moment en appelant les secours. Ne pas savoir quoi faire si ce n'est recueillir son nom. Et retourner à sa vie quotidienne.

Commence alors ce grand roman choral de 850 pages, donnant la parole tour à tour aux 6 personnages clés sur lesquels se penche Céline Curiol, telle une entomologiste sur son carré d'herbes plein d'insectes. Ici le carré d'herbe, c'est le quartier de Belleville, et il s'en passe des choses, au lendemain des attentats du Bataclan, et cette place désormais vidée des témoignages dont lui ont fait part les Parisiens.

On poursuit avec Sélène, la soeur d'Orna, ayant quitté Paris pour Dubaï, où elle postule pour un emploi de chercheuse en environnement, dans un lieu où justement rien n'est naturel. Et dans le taxi qui la ramène à son hôtel, une manifestation d'ouvriers immigrés et exploités la ramène à la dure réalité. Restera-t-elle dans cet univers artificiel ?

On poursuit avec Pénélope, qui se fait désormais appeler « Hope », une jeune femme en train de travailler comme préparatrice dans l'enfer d'un entrepôt géant (Amazon peut-être ?) L'univers y est impitoyable et un jeune athlète est en train de battre les recors de rendement. de quoi énerver Hope qui va se frotter au super héros… et se faire virer proprement. Elle qui quelques temps plus tôt avait commencé Sciences Po … mais qui ne voulait plus de ce système impitoyable.

Et puis il y a Modé. Modé l'Africain, arrivé des années auparavant, bien inséré socialement, travaillant dans une Association utile, et écrivant des vers de poésie le matin avant d'aller au bureau. Il y a le troquet où il se rend tous les jours, le Bilboquet. Mais l'association va bientôt embaucher un jeune diplômé à son poste …

Pavel lui est psychanalyste. Tout irait bien dans sa vie s'il n'était doté d'une fille lycéenne qu'il doit partager avec son ex-femme Ingrid, qui a demandé le divorce depuis peu. Dans son cabinet, c'est un peu comme la série « En thérapie » d'ARTE : les patients se succèdent, tandis que Sylvie sa secrétaire veille au grain et que Dounia la femme de ménage va lui demander un service pour son fils Mehdi …

Leurs itinéraires vont se croiser bien sûr. Deux par deux. Une même scène vécut de deux points de vue –les deux soeurs par exemple – mais aussi Hope sollicitant Orna pour un conseil, Modé croisant la route d'Orna et ne la quittant plus, Pavel confronté indirectement à Sélène par l'intermédiaire de sa fille, jusqu'à l'évènement final où plusieurs d'entre eux vont être bousculés dans leurs certitudes.

« Les lois de l'ascension » est un roman d'aujourd'hui. Qui pose les questions d'aujourd'hui sur la société, sur l'engagement, sur le système économique et capitaliste, et la façon de s'en sortir, malgré tout.
On pense à Paul Auster, bien sûr, et notamment « 4 3 2 1 » et ses tranches de vie de personnages fétiches. Mais ici placés à Paris, après le Bataclan et avant la pandémie, on s'attache à des personnages avec qui on n'a aucune peine à s'identifier.


Je suis le travail de Céline Curiol depuis « Voix sans issue », qui m'avait beaucoup plu. Elle pose ici les questions qui nous concernent : que faut-il faire face au dérèglement climatique et aux risques qui pèsent sur la planète et que peut-on faire ? Faut-il faire quelque chose d'ailleurs ? Et que dire de ces migrants qui échouent aux pieds de nos immeubles : peut-on les accueillir ? Si oui comment ? Et qu'en est-il de cette nouvelle peur de l'attentat, celui qui nous guette jusque dans nos habitudes du quotidien ?
Comment résister au système capitaliste d'aujourd'hui ? Peut-on travailler sans être asservi au système ? Faut-il renoncer à toute compromission comme le personnage de Hope le laisse entendre et prendre un « bullshit job » et s'investir par ailleurs ?
Et puis bien sûr elle pose encore la question du couple : comment vivre de façon épanouie en 2015 les rapports hommes/Femmes : faut-il sacrifier sa carrière pour l'autre ? Ou bien suivre sa voix quitte à perdre l'autre ?

Céline Curiol a réussi son pari. le pari de nous tenir attaché tout au long de ces 840 pages avec le sentiment d'avoir vécu une tranche de vie dans le quartier de Belleville à Paris avec ses personnages. Une très belle réussite qui confirme le talent de cette autrice qui donne envie de se plonger dans ses autres romans.

Lien : http://versionlibreorg.blogs..
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Il faut avoir une bonne dose de courage pour envisager de poser sur les tables des librairies un beau pavé de 835 pages, à l'heure où les individus peinent à se concentrer, zappent toute la journée. Au risque de décourager certains critiques littéraires, mais heureusement pas les vrais. Il faut avoir du courage mais aussi une sacrée ambition pour construire ce fantastique roman choral et y enfermer quelque chose de l'air du temps, comme dans une bouteille destinée à traverser les décennies pour peut-être témoigner un jour de ce que furent les années 2015 et 2016, dans la France d'après-les-attentats. Ce que nous livre Céline Curiol est certainement le résultat d'un travail phénoménal ; je m'y suis glissée avec curiosité et j'ai apprécié l'intelligence du propos, la densité de l'ensemble, la profondeur des personnages qui reflètent chacun avec son histoire, une bonne part des questionnements contemporains. C'est passionnant.

Ils sont six. Six personnages que nous allons suivre à tour de rôle au cours de 4 journées, une par saison, le temps d'une révolution de la terre autour du soleil. Orna est responsable des contenus pour le site web d'un media, Sélène est prof et chercheuse en sciences de l'environnement, Hope a vingt ans et plus beaucoup d'illusions, Modé est au seuil de la retraite, Pavel est psychologue et Mehdi traine son ennui dans sa cité. Entre eux, les liens existent déjà ou vont se tisser au fil du récit, de façon plus ou moins proche, plus ou moins dramatique, mais suffisamment pour que l'on sente qu'ils font bien partie de la même communauté : celle des humains. Un septième personnage traverse toutes les pages : le vingtième arrondissement de Paris, et surtout le quartier de Belleville. Ce n'est pas anodin, cet espace est un melting-pot, à la fois repaire de "bobos" et campement pour sans abris. Cette confrontation est autant élément de contexte que représentative des situations des protagonistes en proie à des questionnements existentiels. Comment être au monde de façon juste ? Comment s'assurer d'être en phase avec ses aspirations profondes lorsque la vie est passée avec toutes ses injonctions contradictoires ? Comment reprendre le contrôle sur sa vie ?

Les lois de l'ascension est un roman qui s'inscrit dans le temps long en creusant les états d'esprit, les pensées, les états d'âmes et les failles de chaque protagoniste avec une impressionnante justesse. En s'interrogeant sur ce qui relie les hommes sans occulter les obstacles à commencer par les propres contradictions d'un même individu. En proposant une sorte de synthèse documentée sur ce qui compose notre société et ce que cela implique pour chacun. La dimension politique est prégnante, les questions clés autour de l'environnement, du travail, de l'insécurité, de l'accueil des réfugiés constituent la toile de fond sur laquelle se débattent Orna et sa recherche d'équilibre, Sélène et sa quête d'authenticité, Hope et sa quête de sens, Modé et ses aspirations à la poésie, Pavel et son désir de réconciliation, Mehdi et sa colère. L'auteure règle parfois la focale sur les corps, la façon dont ils habitent ou conquièrent leur espace, se cherchent, s'effleurent, s'évitent. La violence sous-tend le récit, celle des rapports sociaux, des conditions de travail, celle du rejet de l'autre. Et l'ensemble est une photographie assez saisissante de ce que nous sommes, dans toutes nos ambivalences.

J'ai pris mon temps. Ce roman n'est pas de ceux qui se lisent dans le métro ou entre deux rendez-vous, il nécessite de l'attention. Mais l'immersion est fascinante et la récompense est immédiate. L'intelligence se cache à chaque coin de page, mon paquet de post-it y est passé. Il y a matière à écrire une thèse sur ce livre, ce qui n'est pas l'objet de ce billet. Non, l'idée est simplement de dire que ce roman est impressionnant et qu'il vaut tout le temps qu'on lui consacre.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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A la fin de son livre Les lois de l'ascension  Céline Curiol rend hommage à  Paul Auster.
Hommage  naturel tellement la forme et le fond du livre sont " austerien"
Imposance "austerienne" avec ce livre de quelques 830 pages.
Austerien de situer l'action principalement à Belleville - Paris, tout comme Paul Auster fait vivre Brooklyn ou New York.
Et puis la forme... six personnages que l'on retrouve à quatre saisons différentes de 2015 /2016. Un peu comme les 4 Ferguson du roman 4 3 2 1de Paul Auster.
Et le même sens des personnages secondaires et des digressions  sur des sujets superficiels ou au contraire très actuels et graves.

Donc nous sommes à  Belleville a l'été  2015 et nous allons suivre la vie de six personnages. Suivre leur vie est un grand mot.  Nous allons pour chacun  suivre une journée de leur vie sur quatre saisons en commençant par l'été et à terme ces quatre saisons nous raconterons six vies.
Je vous présente les 6 personnages

1/ Orna la quarantaine est journaliste dans un site d'infos sur Internet. Elle a une soeur qui s'appelle Selene.  Un soir en rentrant chez elle, elle découvre au pied de son immeuble un migrant ou un réfugié tunisien : Moncef. Orna suit une analyse chez le docteur Pavel. Elle est célibataire après avoir vécu quelques années  avec Oscar
2/ Selene soeur d'Orna est à Dubaï pour des entretiens d'embauche à l'université des Émirats Arabes Unis. Son domaine de prédilection : l'environnement.  Elle découvre à  Dubaï le travail des immigrés et leur manque de liberté.  Selene vit avec Porter.

3 /Hope travaille comme pickeur  ou pickeuse dans la logistique. Renvoyée car pas assez efficace.  Locataire de Veronica, veuve avec argent et bien immobilier. A besoin de se faire entendre car exploitée. Révoltée.

4 /Mode est un immigré sénégalais. 60 ans . A donner des cours de français dans diverses associations pour migrants. Intégré. Va rencontrer Orna qui est à la recherche de Moncef
A laissé une femme aimée au Sénégal :Houria
Fais une rencontre dans" la tranchée "avec un jeune dealer  qu'il prend pour Moncef

5/ Pavel est un psy en fin de carrière.  Divorcée de Ingrid. A une fille Léa.  Peu present.  A comme patiente Orna.  Sa femme de ménage Dounia lui demande de parler à son fils Mehdi qui glisse vers l'islamisme.
6 /Mehdi parle verlan. Totalement ouvert à un départ en Syrie. Mehdi est le jeune homme rencontré dans " la tranchée" par Modé.

Le décor est posé et Céline Curiol  va faire interagir ces six personnages. C'est ludique mais c'est surtout absolument maîtrisé.  Les événements  s'enchaînent sans fausses notes et nous voyons devant nos yeux se mettre en place les lois de l'ascension.
Ces lois de l'ascension qui sont totalement intégrées dans notre monde contemporain. Chaque personnage va se trouver confronté    à l'individualisme, la solidarité , le passage à l'acte. Mais tout est il ascension ?  En interagissant quel est notre niveau de responsabilité ou d'irresponsabilité.
Céline Curiol n'élude aucun des grands sujets :migrants ,réfugiés,  racisme, environnement, terrorisme ou encore révolte et révolution.
Son livre est foisonnant, pas toujours simple car les digressions peuvent être un peu prise de tête.  Mais on l'accepte tellement la réflexion est salutaire .
Arriver à être soi .Oser changer. Se changer soi , petitement avant de penser à changer les autres, le monde. Suivre une quête qui permettra d'être vivant et de réinvestir une indépendance d'esprit.
C'est le fil de ce roman inlassablement contemporain.

Sur des sujets équivalents et dans le même quartier de Belleville il faut lire le magnifique livre Arène de Négar Djavadi que j'ai chroniqué il y a quelques mois.

 
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Paris 2015-2016 : Six narrateurs, six voix, six personnages sur quatre saisons durant lesquelles certains vont se rencontrer pour parfois se lier, parfois juste se croiser.
Orna la journaliste de 45 ans qui pour des raisons de confort est rédac adjoint d'un site d'infos en continu ; Sélene, sa soeur, prof d'économie environnementale qui hésite à accepter un poste à Dubaï ; Hope qui refuse de se plier au système et concocte un plan pour réveiller les consciences ; Modé retraité d'une assoc d'aide aux migrants qui trouve dans la poésie un sens à sa vie, Pavel, psy quinqua qui espère que la sortie de son livre sur la colère va lui redonner envie de son boulot et Mehdi, jeune de banlieue dont la colère lui fait envisager un voyage en Syrie…
Tous s'interrogent sur leur vie, leurs choix, leurs renoncements, leurs compromissions. Tous ressassent…
Les dialogues sont très peu présents et quand ils le sont, la mise en page n'est pas spécifique ce qui fait qu'on se perd parfois dans les échanges. Ce sont donc surtout des monologues intérieurs qui nous permettent de cerner les questionnements continuels des personnages tournés beaucoup autour de leurs illusions perdues, leurs conjectures quand ils sont avec d'autres personnages…
Il est intéressant de remarquer que l'auteure s'est efforcée de faire penser les personnages selon leurs activités, un langage qui leur soit propre. Ainsi Pavel pense « psy », fait part de ses réflexions sur ses patients mais aussi livre sa propre introspection notamment dans ses relations avec la fille… Sélene analyse ses choix, ses dilemmes selon des schémas plus « mathématiques »…
J'aurais pu adhérer complétement à ce roman car les personnages d'Orna, de Modé, le Don Quichotte poète par exemple m'ont beaucoup touchés. Je pense qu'ils sont le coeur du récit.
J'ai bien aimé aussi les liens qui se tissent entre les six narrateurs et des personnages secondaires qui apparaissent de façon fugitive, qu'on pense retrouver plus loin dans le récit et puis..
Les thèmes abordés aussi m'ont interpelée : que sont devenus nos idéaux de jeunesse à la maturité ? Quelle attitude adoptons-nous face aux plus démunis croisés au coin d'une rue ? Sommes-nous cohérent entre notre prise de conscience d'une prédation des ressources de la planète et notre refus d'abandonner notre confort ??? le tourisme de masse ou la disneylandisation du monde …
Pourtant, je reste dubitative.
Si les thèmes abordés m'ont parlé, si j'ai trouvé des parties carrément brillantes, je suis restée incrédule face à certaines propositions de l'auteure à la fin.
Je ne voudrais pas spolier mais comment gober une seule seconde « le plan » de Hope ? C'est tellement anachronique !!!
Comment ne pas être contrariée par la dernière partie consacrée à Sélene. Déjà que des passages la concernant m'avaient paru bien longs, sa découverte (allez je le dis !!!! ) d'un environnement naturel à quelques heures de Paris, dans lequel elle s'égare (Mon Dieu ! elle n'a pas de réseau et donc pas de GPS) sans rien à boire, ni à manger (Ben oui, dans son sac à dos elle a emmené des livres !) qui a peur quand elle croise une vache !!!! Non, non ! Ca ne passe pas quand pendant des pages et des pages le personnage se désole, s'indigne du manque de prise de conscience de ses concitoyens face à l'urgence climatique, de son manque d'empathie à l'endroit de l'environnement…
Que s'est-il passé ? L'auteure ne savait pas comment achever son roman ? J'ai comme un sentiment de gâchis pour un roman qui aurait pu être marquant. Dommage !
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Les lois de l'ascension est un roman polyphonique mettant en scène six personnages, trois femmes et trois hommes dans un quartier de Belleville. Au cours de ces quatre saisons de 2015, chacun verra sa trajectoire individuelle percutée par les aléas de la société. Orna, la journaliste et Sélène, l'enseignante sont soeurs mais les autres personnages ne se connaissent pas ou peu. Et pourtant, ils vont se rencontrer et influer sur la trajectoire des autres.
Tout commence un soir. Orna, rédactrice en chef adjointe dans une rédaction web d'une grande chaîne de télévision, rentre chez elle après huit heures de boulot intensives. Elle est démotivée par ce genre de travail qui préfère l'audience à la qualité de l'information.
« le métier de journaliste a changé, elle le sait; la mise en scène et la diffusion ont pris le pas sur la recherche d'informations. »
Devant la porte de son immeuble gît un corps inerte enveloppé dans une espèce d'édredon déchiré. Est-il mort? Ivre? Doit-elle appeler les pompiers, lui porter secours, le faire monter chez elle? Elle ne fait rien. Mais le regrettera.
Sa soeur, Sélène, l'appelle de Dubaï. L'enseignante en gestion de l'environnement n'aime pas cette ville où les riches gaspillent et exploitent les travailleurs immigrés.
« Cette ville représentait l'enfermement de l'homme dans la certitude qu'il était maître absolu et pouvait se passer de la nature pour vivre. »
Mais elle y postule pour un poste prestigieux à l'Université Murdoch. Brillante, elle est retenue pour le poste mais déclinera la proposition car son compagnon, un journaliste pour le New York Times refuse de mettre sa carrière en pause pour la suivre à Dubaï. Elle qui reprochait à sa soeur d'avoir sacrifié sa carrière pour sa vie personnelle, doit remettre ses ambitions sous une autre perspective.
Modé est sénégalais. Chaque matin, avant de se rendre à son travail dans une association pour réfugiés, il écrit quelques poèmes qu'il ne relit jamais. Ce matin-là, il ne se doute pas que l'heure de la pré-retraite a sonné. Que va-t-il faire de ses journées dorénavant?
« Il faut l'empathie, ce ciment précieux de toute congrégation humaine, cette empathie que capitalisme et technologies mettent en conserve aujourd'hui à des fins d'exploitation. Et finiront par l'épuiser comme la plupart des ressources! »
En ce dernier jour, il croise Orna, venue à l'Association pour tenter de retrouver l'homme qui gisait sur le palier de son immeuble.
Pavel est psychanaliste. Divorcé et père de Léa, une jeune fille qui passe son baccalauréat, il arrive en retard au bureau pour la première fois de sa vie. Orna, suite à ses problèmes de couple, d'infertilité et de non -reconnaissance par son père, fut autrefois sa cliente. Entre sa solitude amoureuse, la parution de son livre et sa riche clientèle exigeante, Pavel peine à trouver sens à sa vie.
Hope a arrêté ses études à Sciences Po pour travailler dans un entrepôt près d'Orléans. La jeune femme veut se soustraire à la corruption des privilèges, elle refuse le système d'éducation pour vivre sans compromission, sans ambition.
« En France, on gueulait pour défendre ses privilèges mais non l'idéal d'une vie meilleure, où meilleure ne signifierait pas « plus confortable » mais « plus intègre »! »
Mais licenciée, sa survie financière devient trop impérative pour être libre. Elle retourne vivre chez sa mère à Paris et suite à une tentative de suicide, elle prend rendez-vous chez Pavel, sur les conseils d'Orna. Elle veut s'incarner dans un acte politiquement militant.
Plus brièvement, nous croisons Mehdi, le fils de la femme de ménage de Pavel. Il vit dans un quartier défavorisé, s'exprime dans un langage familier de jeunes de la rue. Désoeuvré, il aurait besoin d'une figure paternelle. A défaut, il se tourne vers l'intégrisme. Pavel aurait dû le rencontrer mais son emploi du temps ne lui a pas permis d'honorer la promesse faite à sa femme de ménage.

Scientifique et littéraire, Céline Curiol construit un roman passionnant où l'intime se mêle aux problématiques du monde actuel. Monde du travail, relation hommes-femmes, couple, environnement, terrorisme, racisme, déterminisme, sont autant de problématiques abordées au sein d'un récit intelligent et sensible de la vie des ces six personnages. le nombre de pages peut impressionner mais nous vivons chaque pensée intime, chaque mouvement des six personnages. Sans jamais pour moi être fastidieux grâce à une fluidité naturelle et une capacité à dynamiser la narration.
Lien : https://surlaroutedejostein...
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Ils étaient six.

Six personnages que nous allons suivre sur 4 journées, une par saison, au cours des années 2015/2016.

Il y a Orna, pas vraiment journaliste, responsable des contenus d'un site d'informations, célibataire sans enfant, la quarantaine ; sa soeur Selène, professeur et chercheuse en sciences de l'environnement, qui laisse passer l'opportunité d'une vie pour rester avec son mari ; Modé, ce sénégalais bientôt retraité qui s'occupe d'une association pour réfugiés et immigrés ; Hope (Pénélope), une jeune fille militante qui ne veut plus travailler à l'entrepôt (Amazone) et qui souhaite changer le monde ; Pavel, psychologue, un peu perdu, qui n'arrive pas à communiquer avec sa fille de 18 ans ; et enfin Mehdi qui, par ennui, glisse doucement dans le fanatisme religieux.
Un quartier les relie tous : Belleville.

Tous ces personnages vont se croiser et donner au lecteur différents points de vue, qui sont, parfois, les clés des événements et de leurs interrogations. Comme une série télévisée, nous suivons l'évolution des personnages, leurs doutes et leur ascension au fil des saisons.

Chaque sous chapitre est consacré à la journée entière d'un personnage. le roman est brillamment construit et réfléchi. On y avance à petits pas, la montée est lente, il faut prendre le temps d'apprécier le travail de Céline Curiol et de réfléchir aux questions qu'elle nous pose, qui sont multiples (politique, écologique, personnelle, psychologique).

Un grand Bravo à Céline Curiol pour ce travail titanesque. Il lui aura fallu 5 ans pour achever ce roman de 837 pages. le lecteur peut être découragé par la densité des chapitres. J'avais envie de corner toutes les pages tant le propos est intéressant et intelligent. Je ne vais pas vous cacher que, comme dans une ascension, j'ai parfois perdu mon souffle et du relire plusieurs fois certains passages. Ce serait mon seul reproche à ce roman : son épaisseur, tant dans le nombre de mots que dans la réflexion. On en perd parfois le fil et la profondeur. Mais dans l'ensemble, pour ses qualités littéraires, je vous recommande ce roman. Attention, il pèse son poids et ne peut pas être emmené dans le métro ou sur la plage ! Il faut se le réserver pour des temps calmes !
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Voici un sacré roman qui me laisse un peu assommée …
Il faut dire que l'auteure a vu grand : un nombre impressionnant de pages, une multitude de thèmes aussi intéressants qu'importants, et six personnages très denses et complexes !
Rêves, révoltes, hontes, failles, on pénètre au coeur des paradoxes et des contradictions de chacun, et le tout s'entrecroise et s'imbrique avec une parfaite maîtrise, dans un style talentueux malgré les longueurs.
Je me suis moins attachée aux héros qu'au sens qui se dessine en arrière-plan :
Comment combiner nos propres valeurs et la réalité qui nous entoure ?
Comment se déterminent et s'influencent nos décisions ?
Quelles sont nos marges de changement, de renversement de l'ordre établi ?
Ces lois de l'ascension sont-elles celles qui nous élèvent moralement ou bien économiquement ?
Au final une oeuvre aussi dense et pesante qu'importante, et des questions qui n'en finissent pas de surgir même le livre refermé :
Pourquoi le choix de telles destinées aux plus jeunes protagonistes de l'histoire ?...
Que ferais-je si comme Orna je découvrais un homme à terre devant chez moi ?…
Décidément un livre qui interroge !!
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J'ai vraiment adoré ce pavé de 838 pages, et j'ai même été déçu de le terminer.
Ce livre se déploie sur quatre journées réparties sur les quatre saisons de l'année 2015, mais honnêtement, c'est tout à fait anecdotique.
Il y a six personnages.
Orna, une journaliste dont le travail consiste plus à susciter des clics que de fouiller les évènements.
Sa soeur Sélène, professeur d'université, spécialisée en gestion de l'environnement, qui vient de refuser un poste à Dubaï pour ne pas quitter Porter, son compagnon.
Hope (Pénélope), qui vient de quitter son travail sur une plateforme de vente en lignes à Orléans et rejoint sa mère à Paris.
Modé, le désormais retraité d'une association dans laquelle il rayonnait depuis si longtemps. Il boit un peu trop, tourne u peu en rond, mais il rencontre Orna...
Pavel, le psychiatre réputé, en plein questionnement sur sa vie, et sur celle de sa fille, Léa.
Et enfin Mehdi, le jeune de banlieue qui tourne mal, fils de Dounia, qui fait le ménage chez Pavel.
Les vies de ces personnages s'entremêlent à l'envi, tout au long d'évènements parfois insignifiants, parfois brutaux qui vont soudainement changer leur vie, leur rapport aux autres, le sens qu'ils veulent lui donner. Il y a des passages magnifiquement écrits, même si de temps en temps il faut s'y reprendre à plusieurs fois pour comprendre certaines phrases ("Ainsi que l'expression dépend de l'écoute accordée, de la capacité prêtée à celui qui l'a recueille de la garder intacte dépend la parole donnée").
En fait l'auteure insère sans cesse des réflexions sur la vie ou les choses, qui lui servent à étayer des évènements au contraire très pragmatiques.
Je ne connaissais pas Céline Curiol, mais j'ai découvert une auteure de grande qualité.

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« Ouf » pourrait-on s'exclamer à lecture de ce pavé de 838 pages à l'ambition démesurée et à la construction très maîtrisée (peut-être trop...) qui rend hommage à Paul Auster. « Ouf » parce que « Les lois de l'ascension » est une forme de roman-monde qui embrasse tous les thèmes, les défis et les périls de nos sociétés contemporaines : l'islamisme radical, le terrorisme, le journalisme de l'urgence, le trop-plein d'informations et d'images, les réseaux sociaux, l'individualisme, les migrants, l'écologie, l'émotion vs la raison, la consommation effrénée, la mondialisation comme bienfait ou désastre, le capitalisme, le libéralisme, les bullshit jobs, les nouvelles formes d'engagement et de mobilisation, l'intelligence artificielle ... Jusqu'à, parfois, l'indigestion tellement le ton peut-être didactique et un brin manichéen.
Le récit s'étale sur quatre saisons des années 2015-2016 marquées par les attentats islamistes. Il s'articule autour de six personnages-archétypes :
Orna, la quarantaine, célibataire et sans enfants, est journaliste pour un site internet qui court après l'information qu'il transforme en « contenus » attractifs capteurs de clics synonymes de recettes publicitaires. Elle passe « pour une rigoriste rétrograde (…) qui ne pigeait rien aux enjeux nouveaux de la communication de masse ». Un jour, elle trouve un migrant devant son immeuble du quartier de Belleville. Rongée par la culpabilité parce qu'elle n'a rien fait pour l'aider, elle n'aura de cesse de le retrouver.
Sèlène est la soeur cadette d'Orna. Enseignante spécialisée dans l'environnement (serait-elle le double de l'auteure ?), elle est confrontée à un dilemme : accepter un poste à Dubaï quitte à perdre son compagnon ou rester à Paris auprès d'un amour voué à l'échec. Au-delà de ce choix cornélien, l'universitaire entend vérifier dans la pratique ses intuitions sur le rapport de l'homme à son environnement.
Hope a abandonné ses études à Sciences-Po et, pour survivre, est pickeuse dans un centre de distribution de l'Entrepôt qui ressemble étrangement à Amazon. L'obligation de s'assumer financièrement entrave ses aspirations à la liberté et ses envies d'activisme.
Modé, sénégalais d'origine, est installé en France depuis une quarantaine d'années. Après avoir travaillé pour l'Association, une structure qui vient en aide aux migrants, il devient bénévole la retraite venue tout en continuant à écrire de la poésie. Il vit seul.
Pavel est psychanalyste. Séparé de son épouse, il entretient avec sa fille adolescente des relations compliquées.
Mehdi est un adolescent en colère qui attend de l'islamisme le salut.
Tout ce petit monde va se croiser, se recroiser, s'aimer, se haïr, se comprendre ou pas...
Chacun est arrivé à un moment de son existence où il va faire des choix pour tenter de réaliser ses rêves, d'être un autre, peut-être quelqu'un de meilleur. Même si ces décisions sont déclenchées par le hasard d'un événement ou d'une rencontre.
Avec minutie, avec des phrases torturées et parfois lourdingues (« Il aime que l'ardeur de leurs ébats se dissolve lentement dans la torpeur de leurs endormissements coinjoints »), Céline Curiol décrit le moindre geste, la moindre pensée et les moindres désirs de ses protagonistes et j'ai apprécié cette forme d'omniscience dans le récit, cette capacité à saisir la psychologie des personnages.
En revanche, même si on peut être en accord avec l'auteure, j'ai été souvent éreintée par l'avalanche de prises de position insistantes et de poncifs sur les sujets politiques et sociétaux évoqués plus haut.
Est-on encore dans le registre de la littérature quand on utilise la forme romanesque pour diffuser et incarner sans filtre des opinions qui s'exprimeraient peut-être mieux dans un essai ou un pamphlet ? La question est posée...
Merci à Babelio et aux éditions Actes Sud pour cette lecture stimulante.

EXTRAITS
- Ce qui semble exister réellement n'est plus que ce qui peut se concevoir comme spectacle.
- Chacun se fixait une trajectoire mais tout parcours se jouait aux intersections.
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Céline Curiol est cultivée et intelligente et son intelligence nourrit son roman. Cinq à six personnages en quête de destin pendant quatre journées d'une même année, 2015, au cours desquelles leur vie s'oriente. L'objectif est clair : offrir une oeuvre chorale, française qui saisit, dans une forme d'instantané, les problèmes du temps : des réfugiés désemparés, une planète saccagée, des médias abaissés, le terrorisme comme seule issue au désarroi de certains enfants perdus des banlieues. Et à côté des problèmes de la société, il y a les destins individuels : les secrets de famille, le désir inaccompli d'enfant de l'une, l'ambition professionnelle de l'autre qui se heurte à son confort amoureux, l'intégration jamais totalement accomplie d'un troisième qui toujours sera un africain déraciné, épris de poésie, le quatrième qui voudrait que sa fille jamais ne grandisse, qui inconsciemment vit de la nostalgie du temps révolu, des intensités à jamais dissoutes, l'absence de révoltes collectives qui conduit au néant celle qui jadis aurait combattu dans des groupuscules protestataires. Bref, Céline Curiol trace un portrait désabusé et exact d'une époque où ne règnent pas de grandes ambitions (pour reprendre le titre d'un roman d'Antoine Rault publié au même moment et qui lui remonte dans le temps aux années 80). Une époque de constats navrés et d'individualisme précautionneux. Une époque qui, somme toute, est bien peu réjouissante. Et cela, malheureusement, mâtine le propos. Céline Curiol dédie son livre à Paul Auster et a voulu, comme lui, offrir au lecteur une lourde brique de 800 pages. Sans doute est-ce là la faille car le propos du livre a fini par contaminer son écriture. Si le style est parfaitement maîtrisé, la narration, ses longueurs et ses digressions, n'emporte pas le lecteur. Respectueux de l'auteur, il chemine avec elle jusqu'au bout, mais est soulagé d'enfin arriver à la dernière page.

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