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Avec un esthétisme digne de celui d'une adaptation de E. M. Forster par James Ivory, Gabriele d'Annunzio nous dépeint dans "L'enfant de volupté" (titre VO : "Il piacere" (le plaisir)) les intrigues amoureuses du prince Andrea Sperelli, jeune aristocrate dandy épris de Rome et des femmes. Dans un continuel balancement entre la noirceur et la lumière, l'écrivain chéri des Italiens décortique à l'envi les mouvements du coeur et les vicissitudes de la vie affective d'un homme jeune, beau, riche, séduisant, en un mot comblé, qui s'adonne à la volupté.

Roman érotique dans le sens noble du terme, "L'enfant de volupté" se rapproche clairement des célèbres "Liaisons dangereuses" De Laclos. Subtil alliage entre amour, perversité, calcul et volupté, le parcours d'Andrea Sperelli se veut sans doute représentatif des moeurs de la fin du XIXème siècle, dans la société mondaine romaine et plus globalement européenne. le fait que Gabriele d'Annunzio fut lui-même prince comme son héros nous incite à voir dans "L'enfant de volupté" un témoignage teinté de vécu personnel.

La précision apportée dans l'exposé des sensations et des sentiments des personnages n'échappe pas à une certaine forme de lourdeur mais comme tout le roman se passe en Italie, terre de beauté, de poésie et de sex-appeal, ça passe bien. J'ai apprécié que le narrateur omniscient dévoile également le ressenti des dames séduites et/ou aimées.


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Lorsque l'on visite le Vittoriale degli italiani à Gardone sul Lago, sur le lac de Garde, on est véritablement surpris par l'imposante bâtisse et l'incroyable accumulation d'objets que l'on y trouve, sans parler de l'aménagement des jardins. D'un luxe digne d'un prince, la résidence de Gabriele D'Annunzio mérite la visite. Cet homme, symbole du décadentisme fin-de-siècle est une figure incontournable de la littérature italienne. le héros de ce qui est peut-être son chef-d'oeuvre est fait à l'image de son créateur. Andrea Sperelli, c'est D'annunzio. Aristocrate, n'aimant que le raffinement, le luxe, les femmes, la vitesse, le sport, les combats… Je ne reprendrai pas l'intrigue, au demeurant très bien décrite dans les autres critiques. Ce qui m'intéresse dans ce roman, c'est justement cette vision fin-de-siècle que l'on retrouve dans la vie de l'écrivain. C'est la description de cette Italie aristocratique, complètement déconnectée du monde que l'on retrouve dans ce livre. Les descriptions savantes des objets, des vêtements, des lieux (Rome) sont un régal pour le lecteur.
A l'inverse d'un Huysmans, symbole du décadentisme à la française, où tout n'est qu'un intérieur, refoulé, maladif. Chez d'Annunzio, au contraire, tout est tourné vers l'extérieur, l'action, tout explose comme de multiples feux d'artifice.
Il faut être prêt, cependant, pour cette lecture. Car, comme en sortant du Vittoriale, on apprécie le grand air face au confinement de l'intérieur, ce roman peut paraître parfois étouffant, par tout ce mouvement - Sperelli ne s'arrêtant jamais tant il a peur de passer à côté de la vie - et toutes ces descriptions peuvent parfois dérouter.
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En italien : « Il piacere ».

« Les unes, épanouies et claires comme celles de la villa Pamphili, très fraîches et tout emperlées, avaient au fond de leur calice je ne sais quoi de cristallin ; d'autres avaient les pétales serrés et une richesse de couleur qui rappelait la magnificence fameuse des pourpres de Tyr et de Sidon ; d'autres semblaient des boules de neige odorante et donnaient une étrange envie de les mordre et de les manger ; d'autres étaient de chair, de chair véritable, voluptueuses comme les plus voluptueux contours d'un corps féminin, avec un subtil réseau de veines. »
Suivent, sur cinq lignes encore, les détails des couleurs de toutes ces roses.

On n'écrit plus ainsi. Tout est dit et répété à l'excès, dans la moindre nuance, le plus petit accessoire, la sensation la plus fugitive, que ce soit un objet d'art, un visage, un vêtement, une attitude, un palais romain, un sentiment, parfois un enfant miséreux, malingre et malade. Mais essentiellement, pourtant, dans un milieu qui ne connait pas l'inquiétude de la subsistance première…
Quant à l'amour, il est ausculté jusque dans la paupière (supérieure seulement) et le blanc de l'oeil. J'ai eu parfois l'impression que la femme aimée était un poulet sur l'étal du volailler…

Gabriele D'Annunzio publie ce livre en 1889, à 26 ans. Il est à peine plus âgé que son héros, André Sperelli. Descendant d'une grande famille, élevé par son père dans le luxe, la facilité, le goût de la beauté et des arts, André évolue en esthète, sans contrainte et sans vraie valeur morale, dans la vieille noblesse romaine.
Passions amoureuses, conquêtes de passage, courses de chevaux, duel, soirées au club, après-midi en vente aux enchères, dans une Rome idéale d'art et de société privilégiée, c'est voyage dans un temps et un ailleurs dont je me demande s'ils ont vraiment existé. Ou vus avec une toute petite lorgnette, du genre de celle que le héros emporte au théâtre.
Vit-on encore ainsi ?

Séduction à l'oeuvre, c'est encore et toujours la seule préoccupation d'André Sperelli, et l'unique inquiétude de ses amantes de rencontre. Séduction longue, lente, étudiée, pensée et analysée. Inquiétude remâchée, rabâchée, assortie de scrupules moraux et religieux.
Dans quel milieu aime-t-on ainsi aujourd'hui ?

Quelque chose des « Liaisons dangereuses » dans ce roman, dans les désirs de volupté d'André. Mais une perversité moins délibérée, et sans une marquise de Merteuil, l'absence regrettable de dialogues perfides et spirituels qui auraient allégé un peu toute cette prose très descriptive.
Car beaucoup, beaucoup de références à des oeuvres d'art, peintures, sculptures, objets raffinés, architecture, littérature, réservées à des latinistes, des hellénistes, des esthètes connaisseurs, polyglottes et voyageurs. On n'apprend plus la culture ainsi. Ou si peu.

Tout est 19ième dans ce roman, document pour l'histoire d'un tout petit morceau de civilisation italienne, limité et privilégié. Et l'écriture aussi est 19ième. Ce qui était peut-être d'une musicalité opulente en italien, devient ampoulé, redondant, en français.

Au quatrième livre, page 191 de mon édition, j'ai cru que j'allais refuser l'obstacle. le trop étant l'ennemi du bien, l'intrigue devient assez ridicule. André mène de front deux entreprises de séduction, et « chimérique, incohérent, inconsistant, caméléonesque », mais lucide sur la nature de ses motivations, y consacre ses pensées et ses heures. Manèges, mensonges, manigances, manoeuvres, dans la fourrure et l'argenterie, poussés à leur paroxysme.
On n'invente plus d'histoires ainsi. Sauf à vouloir fabriquer du kitschissime.

Il est pourtant évident que le titre français est trop doux et puéril pour cette histoire et qu'elle ne parle que de plaisir, du désir et des plaisirs d'un homme qui ne respecte rien, même pas lui-même. le résumé en est fait en deux lignes à la page 148 de mon édition : «… une fois de plus, le sens esthétique et le raffinement de la sensualité dominèrent et faussèrent en lui le sentiment simple et humain de l'amour ».

Simple et humaine, je reste, à la fin de ce livre, spectatrice dubitative et un peu lasse (sensation, pour cette dernière, très bien décrite par D'Annunzio…)


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La quintessence de l'esthétisme, la sensualité à l'état pur, une prose voluptueuse...
Se déguste comme une pâtisserie compliquée, raffinée à l'extrême, à la limite de l'écoeurement. Sublime, étourdissant, vertigineux.
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Aristocrate mondain, intellectuel raffiné, sensuel et jouisseur, manière et désoeuvré, sorte de Des Esseintes blasonné et méridional, Andrea Spirelli, conte d'Ugenta, coule une existence frivole, dans le monde cosmopolite et vain de la gentry romaine. Imprégné d'art, de haute culture, dernier rejeton d'une illustre famille de gentilshommes et d'artistes élégants, notre alangui héros vit dans le culte de la beauté et du plaisir, et n'a de cesse, dans son existence, que d'atteindre à la plus haute cime de la jouissance et de la volupté. Certes, en lui, parfois, s'agite une insatisfaction essentielle au spectacle de toute la vanité du monde dans lequel il évolue, une aspiration à une vie plus pleine, plus pure, plus haute, mais sa nature sensitive agit au détriment de sa force morale, le replonge dans un tourbillon enivrant de vices et de plaisirs. Ainsi son coeur est partagé entre deux femmes; l'une, duchesse de Scerni, une ancienne maîtresse remariée à un lord anglais, pour des raisons purement financières, et l'autre, Maria Ferrès y Capdevila, épouse fidèle, mais malheureuse, du ministre plénipotentiaire du Guatemala à Rome. D'une nature foncièrement fausse et changeante, notre jeune aristocrate pare des grâces de l'absente les séductions de la femme avec qui il s'entretient, pour former la silhouette morale et corporelle d'une troisième déesse, l'Idéale.

L'enfant de volupté est le roman d'un courant littéraire, le décadentisme, dont les représentant français furent, entre autres, Barbey d'Aurevilly, Huysmans, Lorrain ou Villiers de L'Isle-adam. Écriture artiste, recherche du vocable rare, description raffinée d'intérieurs cossus, capiteuse odeur de corruption humaine et de vices recherchés, rien n'y manque. L'atmosphère de la ville éternelle, de la Rome du quartier prestigieux de la Piazza di Spagna, est omniprésente. le livre deuxième débute magnifiquement par la description de la propriété du Palazzo de Schifanoia, à Ferrare, plongée dans une atmosphère mythique digne d'une nouvelle Arcadie. Malheureusement, ce roman alterne les passages sublimes avec d'autre épisodes languissants, plongeant le bénévole lecteur dans un ennui certain. L'étalage complaisant de sentiment superfin, à la limite de l'outrance de certains romans de l'époque romantique, lassent à la longue.
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Huuum, voici un livre que j'ai relu avec grand plaisir, je l'avais étudié à la fac dans mon module de « Littérature décadente », c'est-à-dire littérature fin de siècle. On parle du XIXème siècle hein ! C'est la lecture du dernier Houellebecq qui m'a donné cette envie puisque le roman le plus représentatif de cette mouvance est le fameux A-rebours de Joris Karl Huysmans, celui là même qui fait l'objet de la thèse de son personnage principal. Dans le même cours j'avais découvert cet Enfant de volupté qui m'avait charmé à l'époque. Et qui m'a charmé à nouveau, vraiment, d'autant plus que je suis en train de préparer un voyage à Rome et que la ville éternelle est omniprésente dans ce roman. Ah que c'est beau ! A la lecture de ces pages mon esprit s'envole vers la place d'Espagne et l'escalier de la Trinité des Monts, c'est magique, on s'y croirait. J'adore cette ambiance, ces vieux palais, ces églises innombrables, ces rues animées, ces vestiges de la Rome impériale, j'ai hâte d'y être !
Dans ce livre donc, Rome compte autant qu'un vrai personnage. Plus même que certaines personnes d'ailleurs dans l'esprit troublé d'Andréa, le personnage principal, dandy raffiné, esthète à l'existence voluptueuse, amoureux de sa ville et de l'art. Amoureux de lui-même surtout et amoureux de l'amour aussi ; plus que des femmes aimées qui finissent par se mélanger dans son esprit pour n'en former qu'une : l'amante idéale qui n'existe pas. Au fil des pages on assiste à sa quête éperdue de beauté, de culture et d'Amour absolu. A force de désillusions, son âme peu à peu se corrompt, jamais il ne trouvera ni la femme ni l'oeuvre capables de conquérir son coeur et de devenir pour lui un but : il est condamné à poursuivre cette existence superficielle dont il a si cruellement conscience sans pour autant avoir la force d'en changer. Je ne vais pas en dévoiler davantage, il faut le lire !
Pour conclure je voudrai ajouter tout de même que les fins de siècle se suivent et se ressemblent, je trouve qu'à la fin du XXème siècle on a eu également des auteurs qui ont exprimé le pessimisme de leur temps, les désillusions d'une certaine jeunesse et les errances aussi bien amoureuses qu'artistiques. Je pense à Bret Easton Ellis par exemple, d'autres encore mais ce n'est pas la question… En tout cas, j'aime beaucoup ce livre et je me retrouve un peu dans le personnage d'Andréa, cette insatisfaction, cette conscience de la vanité du monde, cet écartèlement entre une aspiration à une vie plus pure, plus haute, et cette foutue tendance à choisir la facilité !
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Les 5 critiques que je viens de lire sont toutes superbes ,et ce que je pourrais y ajouter semblerait superflu. J'ai moi même apprécié ce roman ,ces descriptions magnifiques de Rome où la nature elle-même participe aux sentiments ,le culte du beau et la quête d' un amour idéal et absolu mais pollué par les basses réalités . Je dirais cependant que cet esthétisme exacerbé ,cette exaltation dans la passion, ne correspondent plus guère à notre époque contemporaine plus prosaïque et pourrait détourner certains lecteurs de ce genre de littérature qualifiée de décadente .
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Ce cadeau d'anniversaire m'aura permis de découvrir le monument de la littérature italienne qu'est Gabriele d'Annunzio à travers son premier roman, dont le préfère le titre en Italien (IL PIACERE - LE PLAISIR).
L'auteur nous plonge dans le monde désormais disparu de la noblesse romaine, désoeuvrée dont la plus grande terreur est l'ennui. Elle le combat grâce à l'art sous toutes ses formes, source, comme la nature, de beauté et d'harmonie, mais aussi par la vie mondaine faite de séduction, de défis courageux ou ridicules... et de rumeurs et potins.
Le style est splendide et exprime toute la sensibilité de l'auteur, sa capacité à communiquer ses enthousiasmes et ses désespoirs mais aussi le vide fondamental qui règne dans cette société.
Arthur Schopenhauer affirmait dans PARERGA ET PARALIPOMENA que "la richesse de l'esprit laisse d'autant moins de place à l'ennui qu'il approche davantage de la supériorité.". le héros du roman - Andrea Sperelli - bien qu'artiste consommé à ses heures lorsque son amour pour Elena Mutti, sa maîtresse dans la première partie du roman, inspire sa créativité, s'abime, après la convalescence qui suit le duel qui a failli le tuer, dans la déchéance d'un ennui occupé seulement par l'obsession de la séduction.
Un bel ouvrage d'un suranné nostalgique.
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A force d'égoïsme sensuel, le comte André Sperelli, poète et graveur d'eaux-fortes, d'une sensibilité raffiné, aboutit à une aridité morale complète, accrue par une conscience lucide, mais impuissante, de son propre état.
« la situation proprement poétique des personnages »
« les pages consacrées aux paysages de Rome, à ses villas, à ses places sous le soleil, sous la neige, sous la lune, ainsi qu'à ses monuments baroques et pleins de magnificence »
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