Livre publié pour la première fois en 1956. Dans ces années-là,
Pierre Daninos connaissait un franc succès pour ses livres humoristiques, dont les fameux « Carnets du Major Thompson » publiés l'année précédente. Pour la série des « Sonia », ce fut du délire. On en redemandait. Il s'agissait pour
Pierre Daninos, comme dans « Les Carnets », de moquer les travers de ses contemporains, leur conformisme et leur fausse modernité, mais cette fois sous un angle plus « conjugal ». Dire qu'aujourd'hui cela date un peu n'est pas lui faire injure. Au cas où vous seriez le propriétaire d'un exemplaire rescapé, chiné chez les bouquinistes, ou hérité de vos parents, voici quelques suggestions pour l'utiliser à bon escient :
La lecture politiquement correcte : vous lisez le livre en hochant la tête d'indignation à chaque saillie machiste, sexiste, patriarcale, ou simplement petite-bourgeoise de l'auteur. Prévoyez du Doliprane pour soulager vos cervicales dès la page 100. Jetez le livre au feu après la page 327 qui conclut le chapitre sur les disputes conjugales, puis songez que les choses ont bien changé en 70 ans, en prononçant la phrase rituelle : « on ne pourrait plus écrire cela de nos jours ».
L'utilisation politiquement incorrecte : vous l'emballez somptueusement dans votre plus beau papier cadeau après avoir stabilossé les chapitres qui seront les plus énervants pour le public concerné, et vous l'envoyez, pour son anniversaire, à une féministe que vous détestez. Mesurez quand même les risques : elle pourrait vous déconstruire pour de bon.
L'utilisation « Cancel Culture » : vous lisez le livre un cutter à la main, et vous découpez chaque phrase devenue incompréhensible pour la Génération Z. Vous vous retrouverez ainsi l'heureux propriétaire d'un volume évidé, où vous stockerez une topette d'alcool fort.
Et puis, bien sûr, vous pouvez aussi lire ce livre pour ce qu'il est vraiment : une caricature des relations hommes/femmes et de la société française dans les années cinquante, et donc, d'une certaine façon, un document historique et sociologique décrivant le mode de vie d'une certaine bourgeoisie de l'époque. Je suis assez vieux pour avoir connu, chez mes parents et dans les années 70, des scènes de ménages aussi théâtrales que celles décrites dans le livre. Parce que c'est comme ça que les hommes et les femmes devaient se comporter dans ces années-là, pour coller aux stéréotypes de genre. Parce qu'il manie aussi bien l'autodérision que la dérision, il y a un côté Jacques Tati chez
Daninos. On peut ne pas aimer. Moi, peut-être parce que je ne demande pas plus à ce livre que ce qu'il peut donner, j'aime bien.