La pluie s’estompait. Une averse à décorner les escargots et à leur flanquer des fourmis dans le pied bot venait de s’abattre sur l’Angosar. Ce lieudit savoisien, agricole au temps où des bœufs tractaient les herses, puis les tombereaux sur ses escarpements, avait été déserté par la gent paysanne. Abandonné aux orties dans un premier temps, le patelin avait été récupéré par les promoteurs. Il faisait aujourd’hui figure de résidence dortoir pour les moins mal pourvus de la classe moyenne. Quiconque préférait un toit pentu et un lopin de jardinet à un duplex en ville pouvait être séduit. Chambéry n’était qu’à vingt minutes de CO2 par le tunnel. Ici, la vue sur la montagne de l’Épine, vers l’est, et les vallonnements de la Crusille, sur l’autre point cardinal, avait de quoi réjouir un tempérament bucolique, tout en restant propice à la mélancolie.
L’Assassin connaissait le hameau pour y être venu, quand il était marmot, agacer la truite fario avec son père dans le torrent qui déboule en contrebas. Ce soir-là, ce n’était plus le salmonidé qu’il chassait, mais un être humain. L’assouvissement de sa vengeance passait par cette nouvelle étape. Il avait tenté de se raisonner, d’imaginer que le temps avait pu amender les coupables. Rien n’y faisait. Aucune possibilité d’indulgence ne se profilait à ses yeux. La sentence qu’il avait prononcée devait être appliquée.
Le Cercle du Hérisson - Interview de Patrice Dard