« Il y a ceux qui dorment et les autres. »
« Mais je ne dors pas. »
« Dormirais - je si je n'étais pas hantée ? » .
« Qui est - ce qui ne dort pas quand je ne dors pas ?
Quelques extraits de cet opus, entre récit intimiste et essai riche, méditatif, passionnant au demeurant ,où, avec pas mal d'autodérision et de malice elle déroule les chapitres, autant de références scientifiques, littéraires, autobiographiques, littéraires , pratiques, modes d'emplois pour une autrice qui se serait un soir retournée et son sommeil ne la suivrait plus …
Car elle s'est métamorphosée depuis une vingtaine d'années en une sorte de sentinelle de la nuit, vingt ans d'errances , d'anxiété, de vertiges, de questions sans réponses ,d'épuisement , de « non sommeil » le repos se refuse à elle .
D'où cet ouvrage original, à nul autre pareil, où elle oppose l'angoisse profonde et le silence à la privation de sommeil, indigne torture encore pratiquée dans certains pays comme le Rwanda à la jungle de Calais , nuits sans sommeil pour les déshérités qui n'ont plus aucun toit sous lequel se réfugier.
« On veille quand il n'y a plus rien à veiller et malgré l'absence de toute raison de veiller » écrit Levinas , limpide .
Au cours de ces nuits interminables éveillées , la compagnie d'écrivains ou de plasticiens serait un réconfort .
Elle y convoque, au cours de 1001 nuits blanches :
Proust,
Hemingway , .mais aussi
CIORAN,
Duras,
Gide, Woolf, Philippe Roth, Huysmans , Kafka , surtout lui, que des frayeurs et nombre de spectres réveillaient au milieu de la nuit , tel cet enfant aux joues rouges , « Ce petit habitant des ruines » qu'il conte dans son journal , « Ce petit fantôme qui surgit du fond du milieu du couloir obscur, il ne me manquait plus que cette visite, qu'à vrai dire j'attendais » ajoute l'écrivain …
Pour tenter de dormir, l'autrice a tout essayé : cette folie du « non sommeil » l'a entraînée vers un catalogue de remèdes médicamenteux, voir les photos…..
Elle les teste depuis vingt ans avec une efficacité très relative , jusqu'à des méthodes alternatives plus ou moins hasardeuses et farfelues , : hypnose , jeune , alcool dont elle a, un temps, usé et même abusé , sorte de palliatif anxiolytique, entre veille et sommeil …
« Les rituels des insomniaques sont souvent des déclinaisons sadomasochistes » écrit
Gide dans son journal, dans cette méditation sensible, plutôt philosophique, elle évoque les nuits sans sommeil des sans - abri, les rescapés du génocide au Rwanda, d'autres expériences que la sienne. ….et aussi une source à chercher, fragments épars, auprès de ce frère aîné mort qu'elle n'a pas connu .
De certains textes antiques aux magasins ouverts en continu elle creuse ce qui se joue dans « l'ombre » , fantômes et autres misères quand l'insomnie envahit nos nuits interminables..
« L'insomnie est la prolongation sans répit de la misère écrit
Françoise Frenkel.
Elle nous assure que la compagnie d'écrivains souvent insomniaques lui est une manière de réconfort « Comme si écrire, c'était ne
pas dormir, sur tous les continents, la littérature ne parle que de ça » .
Et certains ont plongé « une fois de trop dans le tiroir des cachets blancs » tel
Proust qui à deux reprises a manqué de s'empoisonner ….
D'autres n'en ont pas réchappé.
«
Pas dormir : errer sans ombre »: définition de l'insomniaque .
Un livre enrichi d'une très importante iconographie, qui nous convie à un grand voyage de l'autre côté du miroir « d'autres yeux nous observeraient »
Un inconnu inlassable nourri de sentiments confus qu'il y aurait autre chose. …..quelque part ….
La privation de sommeil: une torture à laquelle j'ai déjà beaucoup goûté, je ne pensais pas qu'autant d'écrivains avaient rejoint cette cohorte épuisée et anxieuse !
J'ai appris beaucoup ! .
« Pour mille raisons, ce livre ne s'écrit pas.
Parviendrai- je à dormir le jour où je l'aurai écrit ? » .