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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Une lecture vraie et bouleversante qu'a été celle de Camille mon envolée, où j'avais eu du mal à griffonner quelque chose, seulement « déplorer » quelques mots sur le papier.

Pourtant, j'avais aimé la plume de cet auteur qui avait réussi à trouver le ton juste pour nous partager ce tragique moment de sa vie.

Dans ce deuxième livre, «La suture » titre si chargé de sens, Sophie Daull ouvre la commode à souvenirs pour nous raconter ses histoires familiales du passé et faire du lien. Comme elle l'a exprimé dans la Grande Librairie : «la mort a trouvé cela marrant de couper le fil de ses deux existences. »

Alors, suite au décès brutal de sa mère, des années plus tard, elle exhume d'une boite à chaussures, quelques souvenirs d'elle et tente de les faire parler : photos, bulletins de salaire, enregistrement de sa soeur, images pieuses.

Sophie Daull part sillonner la France mener l'enquête, pour découvrir son histoire et sa géographie familiale.

Dans ce patchwork filial, il manque des morceaux, alors elle brode, invente des poches de fictions pour reconstituer l'étoffe d'une vie, essayer, malgré la douleur, le chagrin, de garder le contrôle de son GPS émotionnel.

Camille est toujours là au détour des pages, comme une ombre au tapis.

Coudre, rassembler, pourtant ses morts qui ne sont plus rattachés à la Terre, le fil tendu est trop fin. Sophie Daull tente alors de prendre du recul et prendre conscience que le secret de la vie est de raccommoder encore et encore : passer le fil dans le chas, faire un noeud, trouver un endroit où elle peut faire un point qui tiendra. Et recommencer, encore et encore. Pour l'auteur, les mots sont des points de suture pour ne pas finir en guenilles. Elle vaut bien mieux que cela !

Toutes les vies sont difficiles, mais il est nécessaire de comprendre l'évanescence de ceux qui sont morts : ils ne sont plus là.

C'est l'attache de Sophie Daull, forte et fragile à la fois ; comme elle le dit à François Busnel :
«à défaut d'être heureuse, j'ai des crises de vie »…
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“J'habitais au 37, faubourg de Montbéliard, les trois premières années de ma vie”, p 184.
Sophie Daull pose ce point sur son canevas, le point à partir duquel elle va tisser la vie de sa famille maternelle, cette famille qui n'a laissé que peu d'indices, ils tiennent dans une boite de chaussure.
« Les mères, elles se donnent et elles s'en vont » p8.


Peut être, est-ce la boite qu'apporta le médecin à Francis, son fils, comme cadeau pour ses vingt ans. Ce jour là Nicole, La mère de Sophie Daull, est présentée à sa future belle famille, la famille de Francis, le repas tourna au cauchemar pour les futurs parents: « tu croyais quand même pas que j'allais t'acheter ton truc de singe.p182 »


Après la mort de Camille, et la publication de son roman, Camille Mon Envolée Sophie Daull, se penche sur le passé de Nicole.
Entre douleur et dignité, amour et désespoir, il y a peu de place pour regarder ailleurs, ouvrir une fenêtre et laisser le vent pousser la vie, ranimer une flamme.

Comme Modiano, Sophie Daull, questionne le passé pour comprendre le présent ou l'apaiser. Cette mère qui lui a donné la vie, elle aussi s'est envolée, quand elle avait 19 ans.
Elle fera tout pour maintenir Nicole hors de l'eau, malgré les heures passées à la choyer, avouant, “je suis devenue la mère de ma mère, je la distrais, je l'écoute la nuit, suffocant dans un épais nuage de gitanes”p198.


Dans cette boite il y a des photos, et quelques adresses. Pas à pas en écumant les mairies, en ravivant la mémoire des voisins, en collant ses propres souvenirs, elle donne de l'étoffe à sa mère Nicole qui meurt à 45 ans et fait revivre Charlotte sa grand mère qui lâchera prise, elle en décembre 54, Nicole avait 15 ans.

Dans ce dédale de faits, de deuils, de souvenirs et de rancoeurs, Sophie Daull, écrit un émouvant récit, l'éloge de ces mères douloureuses, écartelées par la vie, et comme une prière, elle en extrait pour sa propre survie, les moments de bonheur qu'elles ont pu éprouver.

Ses chagrins se déchirent sur ces destins semblables, « Ma petite maman a perdu sa mère à 15 ans, moi je vivrai avec la mienne jusqu'à mes dix neuf ans «  son émotion palpable se teinte de dérision.

Elle frôle la drôlerie quand elle suggère que « seuls le pigeons pourraient établir avec précision la date du dépucelage de sa mère p134. »

le « Je suis heureuse » p77 , de pouvoir percevoir la scène, signe un vraie envie de poursuivre l'écriture et cultiver de l'enthousiasme, comme un jardin. On est loin de la longue et amertume confession d'une pleureuse.

Sophie Daull est pleine de vie, de désirs et de moqueries, et dès la première page cette citation « les meilleures mères, elles se donnent et elles s'en vont » , oh oui, quel dévouement odieux semble t-elle nous dire en ne suivant pas ces destins.

Et alors que la vie de Nicole part à la dérive, « elle chante ». il faut aussi du cran pour affirmer, «  son petit corps toujours subtil, nerveux, attractif, » P199.
Elle chante et les textes de ces chansons nous poursuivent, accentuant les moments de tristesse surtout ceux de gaîté ; quelle admirable trouvaille.

Le style est d'une incroyable originalité, jouant avec les mots et les images, des tourterelles aux coucous, ses pulsions généalogiques et ce : « il faut avancer malgré la nuit écrit au dos d'une image pieuse !

Tout est prétexte à l'humour « ressusciter les morts pour les coller dans un roman », ou motif à dérision, par pulsion de vivre et tisser par les mots une nouvelle vigueur.
La suture, cet acte délibéré, elle l'accomplit pour effacer les blessures, suturer son coeur, lui permettre de cohabiter avec Camille, elle lui parlera tous les jours sans pleurer.
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Une pépite.... La suture tissée aux fils d'or pour recoudre l'histoire maternelle et mettre un pansement sur l'écorchure... C'est comme depoussierée une vieille photographie écornée pas le temps et qui a perdu de son éclat et de sa couleur...
Elle creuse, elle cherche, elle tisse cette petite couturière valeureuse, combative le coeur a l'ouvrage... et jamais ne se pique...
BRAVO... Madame !!!!
Sophie DAULL c'est une grande dame, humble, simple, authentique....
Sophie DAULL elle appelle un chat un chat et c'est vraiment cette vérité qui nous permet de l'entendre et comprendre, la comprendre aussi peut être.... mais le message est passé... Vous m'avez compris...
Sophie DAULL c'est la classe... !!!!

Oh je suis soufflée.... Camille m'avait profondément envolée et bouleversée mais l'écriture de Sophie DAULL c'est une merveille....

Cette suture est donc merveilleuse... Et ces deux livres réunis avec Camille, mon envolée forment un bijou sertie de deux pierres précieuses véritables...
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« La mort de ma mère, je la vois comme un entraînement à celle de Camille ».

Sophie Daull, après nous avoir tant émus avec son premier roman « Camille, mon envolée », nous entraîne cette fois sur les chemins de France, à la recherche de sa propre histoire, dans une pérégrination généalogique qui a pour point de départ une boîte à chaussures.

« Je commence quand ma mère était dans le ventre de sa mère ».

De Seine et Marne jusqu’en Franche Comté, Sophie Daull carde, file et tisse, de main de maître, l’écheveau du destin de Nicole, cette femme dont elle ignore presque tout.

Nicole, sa mère, disparue tragiquement en 1985…
Née d’un adultère, confiée aux mauvais soins de sa demi-sœur , elle s’emploiera à garder mystérieux ses pans de vie.

Rencontre après rencontre, au gré des images pieuses, des photographies, des maigres indices dont elle dispose, colmatant le silence par les mots, Sophie Daull brode quand elle ne sait pas … Et le fait avec ses mots superbes, une infinie pudeur, au son de ce « Cou-cou » qui émaille régulièrement le récit , un peu comme la pendule des Vieux de Brel.

Faisant régulièrement le lien entre Nicole et Camille, laquelle intervient régulièrement dans ce récit, l’auteure « sans ascendant, ni descendant », noue ainsi la trame intergénérationnelle entre ces deux femmes, toutes deux disparues jeunes, et qui ne se sont pas connues.

« J’écris cette scène et j’ai l’impression d’endormir Camille quand je lui inventais un conte de chevet pour la guider vers le sommeil, style la Mendiante et le Prince, ou l’Orpheline aux améthystes. Des histoires à dormir debout. »

Ainsi va la vie de Nicole...

Les fiançailles, la bague « preuve par l’huître », le mariage avec Francis, fils de « famille », la peur de ne pas être à la hauteur de ce milieu aux antipodes du sien, ceux pour qui Bach, Haendel, et Debussy sont autre chose que des noms de rues… Elle devient « madame ».

Bientôt, « une autre preuve, vivante, arrondira son ventre. C’est moi qui vais germer dans l’hiver ».

Les années filent, et le fil s'amenuise ...

Ainsi va sa vie...

La solitude, la tromperie, l'abandon, le naufrage, la déchéance, la lente descente aux enfers, la "coquille de noix vide".

Sous la plume de l'auteure, toujours ce parallèle avec Camille, omniprésente dans la vie de cette grand-mère qu'elle n'a pas connue.

J'écris ceci "Je suis devenue la mère de ma mère." Dans l'autre livre, celui en bleu pour Camille, j'écrivais, je suis devenue l'enfant de ma fille".

Cendrillon, la Petite Sirène, Nicole n'est plus que l'ombre d'elle même, jusqu'à sa fin tragique. Sophie a alors 19 ans.

"J'ai fait le lit des morts afin qu'ils nous engendrent".

J'ai abordé ce roman avec le pressentiment d'un étrange moment. Ce fut le cas. Difficile de définir cette sensation. Difficile de ne pas être profondément touchée par la vie et la personnalité de cette femme, que nous découvrons, page après page, sous la plume toujours aussi merveilleuse de Sophie Daull.

Jai beaucoup aimé ce parallèle entre ces deux femmes aux destins tragiques, Camille et sa grand-mère, toutes deux ôtées à celle qui, selon moi, les aimait le plus.

Nécessaire exutoire à la douleur liée à la perte de sa fille, ce chemin généalogique emporte au delà de la simple "saga" familiale. Avec humour et brio, il est aussi le tableau d'une époque, d'un pays. Une photo de famille, en quelque sorte, avec bande-son. Voilà, on a l'impression d'être dans une salle de cinéma, face à un grand écran. Là est tout le talent de Sophie Daull.

Le détail qui m'a immédiatement séduite ? L'épigraphe, signée.... Christian Bobin.
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J'avais beaucoup aimé l'écriture de Sophie Daull dans son premier livre Camille, mon envolée.
Elle posait des mots sur sa douleur indicible, la perte de sa fille, comme autrefois on posait des ventouses sur le dos du malade pour extirper le mal.
Douleur à nulle autre pareille, la perte d'un enfant ne peut que vous fracasser…
Dans La suture, elle cherche qui était sa mère, elle aussi trop tôt disparue avec sa part d'ombres.
« Ma mère avait 26 ans quand je suis née, 45 quand elle est morte, moi 19.
Elle n'a donc jamais connu ma fille, qui est née quand elle aurait eu 58 ans, j'en avais 32.
Ma fille est morte à 16 ans, quand j'en avais 48, ma mère en aurait eu 74. »
L'équation est posée, peut-elle être résolue ?
C'est toujours avec cet art personnel de poser des mots justes que l'auteur s'aventure dans le passé de sa mère.
En effet, qui n'a pas connu ce sentiment de vide à la perte de ses parents, et le chagrin de voir, une fois vidée la maison, que toute leur vie se résume à quelques souvenirs qui tiennent dans une boîte à chaussures.
C'est cette boîte que va égrener notre auteur.
Ainsi elle fera un périple dans un village nommé Le Blanc dans la creuse, berceau de sa mère.
Elle se souvient de bribes de confidences, résumées en une phrase « ce sont mes années Cendrillon » suivie immédiatement d'un silence aussi lourd qu'une chape de plomb.
Ce sont les bulletins de salaires de sa mère qui seront le fil conducteur.
Ensuite, il faut imaginer la vie des années d'après-guerre jusqu'aux années 80.
Elle décrit magnifiquement, ces bourgs, villages et villes de province comme des villes fantômes, dénuées de vie communautaire.
C'est donc avec art qu'elle fait une suture, magnifique, avec minutie, pour ne pas défigurer, à l'aide de fils colorés de poésie, elle réunit les parties de chair coupées.
Une transmission de sa mère qu'elle a aussi communiquée, l'art de regarder la nature et de savoir le nom des arbres et des fleurs.
Je lis rarement d'une traite un livre, une exception faite car j'ai le sentiment comme pour son premier livre, que si j'arrêtais ma lecture, le fil des confidences serait rompu.
Car pour le lecteur, le ton du livre fait penser à deux personnes à la terrasse d'un café entre l'anonymat du lieu et l'intimité de ce qui est confié.
Je sors de cette lecture avec une énorme tendresse pour Sophie Daull, ses mots me charment encore et encore, car du personnel elle tisse quelque chose d'universel.
Une mère à l'âme ravagée mais où la tendresse affleure.
©Chantal Lafon-Litteratum Amor 6 août 2019.
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Dans ce nouveau roman, Sophie Daull mène une véritable enquête pour reconstituer l'enfance, la jeunesse, puis la vie de jeune adulte de sa mère. Elle va retricoter le fil générationnel entre sa mère et Camille, son envolée, et c'est tout simplement magnifique. Elle coud une « fable » familiale avec un fil qui relie les pages entre elles et les générations entre elles. Bien sur on ressent la douleur, une douleur sourde qui se cache derrière les mots si beaux de Sophie Daull, c'est poignant.

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Rendez-vous des 100 pages :

Quel délice de retrouver Sophie Daull ! J'avais tellement hâte de la lire à nouveau bien que ses sujets soient délicats et sensibles...Dans ce livre, il est question de sa mère surtout mais sa fille Camille n'est jamais bien loin. J'aime son écriture toute en finesse, toute en poésie et jamais larmoyante. Pourtant il y aurait de quoi parfois mais elle ne s'apitoie pas sur son sort elle cherche plutôt des explications. C'est un vrai bonheur d'ouvrir ce livre et de découvrir page après page les mots subtilement choisis par l'auteur pour exprimer ses émotions !

Mon avis global :
On est prévenus, écrire un avis sur un livre qu'on a énormément aimé c'est compliqué !
C'est la deuxième fois que ça m'arrive avec Sophie Daull, mais je suis obligée (sans aucun regret!) d'admettre que la magie opère magnifiquement bien.
En entrant dans la vie de sa mère, Sophie Daull explore une partie intime de sa vie et nous livre des émotions différentes de celles de son premier livre, Camille, mon envolée. Je ne peux pas dire qu'il s'agit de sentiments plus légers mais l'ambiance est différente. J'ai ressenti ce besoin qu'à l'auteur d'avoir des explications, de faire des recherches, de se poser des questions sur un passé assez compliqué à reconstituer. Il reste des parts d'ombre qui auront du mal à s'éclaircir plus les années passent mais malgré tout Sophie Daull trouve un apaisement dans l'écriture de ce livre, c'est l'intuition que j'en ai !
le premier roman était très profond et certaines étapes du deuil n'étaient pas franchies. Ici, la situation est différente, on ressent tout de suite plus de calme et le voyage entrepris par Sophie Daull est plus posé.
Ce qui est admirable dans son écriture, c'est que l'auteur allie avec sensibilité humour et sentiments plus délicats. Elle a été capable de m'emmener avec elle dans son périple. J'étais la passagère d'un voyage inattendu, un voyage fait de rencontres et d'histoires, une exploration en terre inconnue pour une famille que je ne connaissais pas du tout. J'ai la sensation en quittant le livre que je la connais un peu plus et j'attends une seule chose c'est la date et l'heure du prochain périple à ses côtés.
C'est un livre beau et attachant car Sophie Daull est une femme comme j'aime beaucoup, forte et fragile !
Capable d'émouvoir sans jamais tomber dans l'exagération ou l'envie qu'on pleure sur son sort, Sophie Daull écrit en premier lieu pour elle et c'est surement ainsi qu'elle nous en met plein les mirettes car on ne triche pas avec soi-même !
Finalement son livre est un vrai bonheur littéraire, il est pur et beau !"
On le devinera assez facilement, ce livre est un de mes coups de coeur 2016.
Lien : http://leslecturesdelailai.b..
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Pour qui n'a pas lu le premier roman de Sophie Daull ( excellent selon les critiques ), je ne suis pas certain que le titre très chirurgical de son second soit bien engageant. Et si on se penche sur le thème, sauf avoir envie de pleurer par empathie, une lecture peu réjouissante pointe son nez. Jugez plutôt : Après avoir perdu Camille, sa fille âgée de 16 ans, l'auteure découvre une boîte à chaussures emplie de quelques petites photos noir et blanc, de bulletins de salaire et de quelques lettres ou cartes postales, toutes ayant appartenu à sa mère morte voilà presque 30 ans. Un vrai de roman de Toussaint ? Pas du tout ! " La suture " se révèle absolument FORMIDABLE !
Face à sa petite boîte, une évidence surgit : Si Camille sa fille n'aura aucun futur,sa mère n'ayant jamais rien raconté n'a aucun passé, sauf ces quelques vestiges non datés, non commentés. de ces deux trous narratifs, Sophie Daull va essayait de recréer celui de Nicole, femme mystère, maman cachée derrière ses gitanes sans filtre et ayant emporté beaucoup de secrets avec elle. Démarre alors une enquête mal aisée dans différents coins de France où vécut cette mère taiseuse. Seulement, le temps a passé, les témoins supposés de cette vie trépassé. Reste l'imaginaire pour mettre des mots sur une histoire irrémédiablement perdue. le roman raconte cette construction semblable à une couturière qui créé une couverture en patchwork avec les bouts qu'elle trouve et assemblant le tout avec des créations personnelles au crochet. L'ensemble permettra sans doute de tenir chaud à l'âme et au coeur, permettant ainsi de cicatriser de nouveaux malheurs comme un point de suture le fait pour une plaie.
Contrairement à ce que l'on attendait, l'élaboration de cette histoire familiale est tout sauf triste, je dirai même que Sophie Daull a la nostalgie joyeuse. Dans un style simple, léger et terriblement touchant, nous la suivrons de villages désormais mourants où la présence d'une étrangère suffit à détourner les regards des postes de télévision en zones commerciales bigarrées mais impersonnelles ou en rencontres de vieilles personnes prêtes à déballer des souvenirs mais jamais les bons. Il y a du Depardon dans sa façon de regarder cette France façonnée par 60 années de démographie urbaine galopante. le récit prend forme à la façon d'une couturière ethnologue facétieuse, cousant une atmosphère avec une photo non datée, une adolescence avec la vue d'un groupe de vieux HLM, une ébauche d'histoire d'amour à partir d'un bulletin de paye. Les années cinquante et soixante revivent sous sa plume, mélange de légèreté due à la jeunesse et de parcours sinueux malaisé, cette reconstitution devenant un socle pour mieux affronter un lourd présent.
La fin sur le blog
Lien : http://sansconnivence.blogsp..
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« La mort de ma mère, je la vois comme un entraînement à celle de Camille ».

Sophie Daull, après nous avoir tant émus avec son premier roman « Camille, mon envolée », nous entraîne cette fois sur les chemins de France, à la recherche de sa propre histoire, dans une pérégrination généalogique qui a pour point de départ une boîte à chaussures.

« Je commence quand ma mère était dans le ventre de sa mère ».

De Seine et Marne jusqu’en Franche Comté, Sophie Daull carde, file et tisse, de main de maître, l’écheveau du destin de Nicole, cette femme dont elle ignore presque tout.

Nicole, sa mère, disparue tragiquement en 1985…
Née d’un adultère, confiée aux mauvais soins de sa demi-sœur , elle s’emploiera à garder mystérieux ses pans de vie.

Rencontre après rencontre, au gré des images pieuses, des photographies, des maigres indices dont elle dispose, colmatant le silence par les mots, Sophie Daull brode quand elle ne sait pas … Et le fait avec ses mots superbes, une infinie pudeur, au son de ce « Cou-cou » qui émaille régulièrement le récit , un peu comme la pendule des Vieux de Brel.

Faisant régulièrement le lien entre Nicole et Camille, laquelle intervient régulièrement dans ce récit, l’auteure « sans ascendant, ni descendant », noue ainsi la trame intergénérationnelle entre ces deux femmes, toutes deux disparues jeunes, et qui ne se sont pas connues.

« J’écris cette scène et j’ai l’impression d’endormir Camille quand je lui inventais un conte de chevet pour la guider vers le sommeil, style la Mendiante et le Prince, ou l’Orpheline aux améthystes. Des histoires à dormir debout. »

Ainsi va la vie de Nicole...

Les fiançailles, la bague « preuve par l’huître », le mariage avec Francis, fils de « famille », la peur de ne pas être à la hauteur de ce milieu aux antipodes du sien, ceux pour qui Bach, Haendel, et Debussy sont autre chose que des noms de rues… Elle devient « madame ».

Bientôt, « une autre preuve, vivante, arrondira son ventre. C’est moi qui vais germer dans l’hiver ».

Les années filent, et le fil s'amenuise ...

Ainsi va sa vie...

La solitude, la tromperie, l'abandon, le naufrage, la déchéance, la lente descente aux enfers, la "coquille de noix vide".

Sous la plume de l'auteure, toujours ce parallèle avec Camille, omniprésente dans la vie de cette grand-mère qu'elle n'a pas connue.

J'écris ceci "Je suis devenue la mère de ma mère." Dans l'autre livre, celui en bleu pour Camille, j'écrivais, je suis devenue l'enfant de ma fille".

Cendrillon, la Petite Sirène, Nicole n'est plus que l'ombre d'elle même, jusqu'à sa fin tragique. Sophie a alors 19 ans.

"J'ai fait le lit des morts afin qu'ils nous engendrent".

J'ai abordé ce roman avec le pressentiment d'un étrange moment. Ce fut le cas. Difficile de définir cette sensation. Difficile de ne pas être profondément touchée par la vie et la personnalité de cette femme, que nous découvrons, page après page, sous la plume toujours aussi merveilleuse de Sophie Daull.

Jai beaucoup aimé ce parallèle entre ces deux femmes aux destins tragiques, Camille et sa grand-mère, toutes deux ôtées à celle qui, selon moi, les aimait le plus.

Nécessaire exutoire à la douleur liée à la perte de sa fille, ce chemin généalogique emporte au delà de la simple "saga" familiale. Avec humour et brio, il est aussi le tableau d'une époque, d'un pays. Une photo de famille, en quelque sorte, avec bande-son. Voilà, on a l'impression d'être dans une salle de cinéma, face à un grand écran. Là est tout le talent de Sophie Daull.

Le détail qui m'a immédiatement séduite ? L'épigraphe, signée.... Christian Bobin.
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« La mort de ma mère, je la vois comme un entraînement à celle de Camille ».

Sophie Daull, après nous avoir tant émus avec son premier roman « Camille, mon envolée », nous entraîne cette fois sur les chemins de France, à la recherche de sa propre histoire, dans une pérégrination généalogique qui a pour point de départ une boîte à chaussures.

« Je commence quand ma mère était dans le ventre de sa mère ».

De Seine et Marne jusqu'en Franche Comté, Sophie Daull carde, file et tisse, de main de maître, l'écheveau du destin de Nicole, cette femme dont elle ignore presque tout.

Nicole, sa mère, disparue tragiquement en 1985…
Née d'un adultère, confiée aux mauvais soins de sa demi-soeur , elle s'emploiera à garder mystérieux ses pans de vie.

Rencontre après rencontre, au gré des images pieuses, des photographies, des maigres indices dont elle dispose, colmatant le silence par les mots, Sophie Daull brode quand elle ne sait pas … Et le fait avec ses mots superbes, une infinie pudeur, au son de ce « Cou-cou » qui émaille régulièrement le récit , un peu comme la pendule des Vieux de Brel.

Faisant régulièrement le lien entre Nicole et Camille, laquelle intervient régulièrement dans ce récit, l'auteure « sans ascendant, ni descendant », noue ainsi la trame intergénérationnelle entre ces deux femmes, toutes deux disparues jeunes, et qui ne se sont pas connues.

« J'écris cette scène et j'ai l'impression d'endormir Camille quand je lui inventais un conte de chevet pour la guider vers le sommeil, style la Mendiante et le Prince, ou l'Orpheline aux améthystes. Des histoires à dormir debout. »

Ainsi va la vie de Nicole...

Les fiançailles, la bague « preuve par l'huître », le mariage avec Francis, fils de « famille », la peur de ne pas être à la hauteur de ce milieu aux antipodes du sien, ceux pour qui Bach, Haendel, et Debussy sont autre chose que des noms de rues… Elle devient « madame ».

Bientôt, « une autre preuve, vivante, arrondira son ventre. C'est moi qui vais germer dans l'hiver ».

Les années filent, et le fil s'amenuise ...

Ainsi va sa vie...

La solitude, la tromperie, l'abandon, le naufrage, la déchéance, la lente descente aux enfers, la "coquille de noix vide".

Sous la plume de l'auteure, toujours ce parallèle avec Camille, omniprésente dans la vie de cette grand-mère qu'elle n'a pas connue.

J'écris ceci "Je suis devenue la mère de ma mère." Dans l'autre livre, celui en bleu pour Camille, j'écrivais, je suis devenue l'enfant de ma fille".

Cendrillon, la Petite Sirène, Nicole n'est plus que l'ombre d'elle même, jusqu'à sa fin tragique. Sophie a alors 19 ans.

"J'ai fait le lit des morts afin qu'ils nous engendrent".

J'ai abordé ce roman avec le pressentiment d'un étrange moment. Ce fut le cas. Difficile de définir cette sensation. Difficile de ne pas être profondément touchée par la vie et la personnalité de cette femme, que nous découvrons, page après page, sous la plume toujours aussi merveilleuse de Sophie Daull.

Jai beaucoup aimé ce parallèle entre ces deux femmes aux destins tragiques, Camille et sa grand-mère, toutes deux ôtées à celle qui, selon moi, les aimait le plus.

Nécessaire exutoire à la douleur liée à la perte de sa fille, ce chemin généalogique emporte au delà de la simple "saga" familiale. Avec humour et brio, il est aussi le tableau d'une époque, d'un pays. Une photo de famille, en quelque sorte, avec bande-son. Voilà, on a l'impression d'être dans une salle de cinéma, face à un grand écran. Là est tout le talent de Sophie Daull.

Le détail qui m'a immédiatement séduite ? L'épigraphe, signée.... Christian Bobin.
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