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Martin Kowal, agent des Renseignements Généraux (RG) français est chargé de mener une enquête sur l'assassinat à Paris, le 11 mai 1976, de l'ambassadeur de la Bolivie en France, le général Joaquín Zenteno Anaya.

Si Martin Kowal est un personnage créé par Éric Decouty, le général Zenteno Anaya, en revanche, est un personnage réel. Né en novembre 1921 à Cochabamba en Bolivie, ancien ministre des Affaires étrangères de son pays et ex-chef de l'armée bolivienne, avant d'être nommé ambassadeur à Paris, où il a effectivement été abattu en pleine rue. Il est surtout connu comme ordonnateur de l'exécution du légendaire rebelle, Ernesto Che Guevara, "le Che", le 9 octobre 1967 à La Higuera en Bolivie, à l'âge de 39 ans. Il existe sur le Net d'ailleurs une photo d'Anaya en grand uniforme militaire penché sur le corps du Che.

Une mission peu évidente pour le brave Martin Kowal, qui se trouve à son grand étonnement, à la tête d'une équipe composée d'agents des RG et de la police criminelle. Cette collaboration exceptionnelle s'explique par la peur que dans la République du Président Valéry Giscard d'Estaing, du Premier ministre Jacques Chirac et du ministre de l'Intérieur Michel Poniatowski des fanatiques d'extrême gauche sèment la terreur. Pour Martin, d'autant plus surprenant que l'attentat porte les marques d'un commando très professionnel et que l'affaire est suivie de près en très haut lieu.

1976 est une année mouvementée en France avec l'exécution, le 28 juillet, de Christian Ranucci, responsable de l'enlèvement et du meurtre d'une mineure et de l'assassinat du prince Jacques de Broglie, député et ex-ministre, le 24 décembre.

Relativement vite un trio de malfaiteurs est arrêté et accusé de la liquidation de l'ambassadeur bolivien, mais il paraît pratiquement aussi vite à Martin Kowal qu'il s'agit en fait d'une mise en scène et que les vrais commanditaires et exécutants se trouvent ailleurs.

Par l'intermédiaire de l'amie de l'un des 3 arrêtés, la belle Chilienne Elisa Cabrera, Martin Kowal réussit à s'introduire dans un groupement clandestin de réfugiés politiques, originaires des dictatures militaires de l'Amérique du Sud qui se sont alliés pour se protéger des commandos secrets venus du Chili du dictateur Augusto Pinochet, de l'Argentine du général Jorge Rafael Videla (surnommé "le Hitler de la Pampa"), du Paraguay d'Alfredo Stroessner, de la junte militaire d'Uruguay, etc.

En plus de son enquête compliquée dans un contexte politique alambiqué, notre Martin Kowal se trouve confronté à un drame personnel : la disparition de son père, Joseph, un ancien officier des RG, accusé de haute trahison.

L'auteur, Éric Decouty, a réussi, à mon avis, un exploit ambitieux et délicat, à savoir : raconter une histoire policière captivante située dans un cadre historique, géographique et politique peu banal.

Pour les Babelionautes férus de littérature, il y a des références à Isidore Ducasse, comte De Lautréamont (1846 Montevideo - 1870 Paris), auteur des "Chants de Maldoror" et au Nobel Littérature 1971, Pablo Neruda (1904-1973), ambassadeur du Chili en France de 1970 à 1972.
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"Pinochet fasciste, Giscard complice ! " scandait Didier Wampas, et voilà un refrain qui illustre bien ce roman.
Le 11 Mai 1976, le général Anaya, ambassadeur de Bolivie, est assassiné en pleine rue à Paris. le meurtre est revendiqué par un groupuscule maoïste, les Brigades Internationales Che Guevara, afin -entre autres- de venger l'exécution du Che, à laquelle a participé Anaya neuf ans auparavant. Une enquête est ouverte pour retrouver les coupables, et elle est confiée à l'Inspecteur Kowal des RG. Celui-ci doute que des Pieds-Nickelés de maos soient capables d'un tel professionnalisme, et son doute s'accroît lorsque sa hiérarchie se hâte de classer l'affaire ; évidemment, il va chercher à en savoir davantage...

Il s'agit donc d'un roman policier politique, basé sur des faits réels dont j'ignorais tout. J'ai beaucoup aimé cette balade rétro dans la France des 70's, j'y ai appris une foule de choses avilissantes pour leurs auteurs, et notamment : que Pompidou s'est empressé de reconnaître la junte militaire au lendemain du coup d'état de Pinochet, que VGE a soutenu l'OAS, et que Poniatowski a garanti aux dictatures sud-américaines la collaboration active de la France à l'opération Condor.
Eric Decouty a bien raclé le fond des poubelles de l'Histoire, d'où cette odeur répugnante qui continue de me donner la nausée.
L'intrigue est très complexe, entre barbouzes, faux gauchistes, internationale noire, réfugiés chiliens, bons flics, mauvais flic, secrets d'Etat, vieux collabos, taupes, bataille d'Alger, indics, école française, guerre révolutionnaire, etc., mais l'auteur explique tout très bien. Via Kowal, il a la bonne idée de faire régulièrement le point sur l'enquête, ce qui permet au lecteur de s'y retrouver aussi. En outre, l'écriture est simple et claire (presque pédagogique), et agréable à suivre.
Et j'ai fini par bien aimer le personnage de Kowal, inspecteur féru de littérature et amateur de substances illicites. Il y a une faille en lui qui le rend attachant, et j'ai pris plaisir à le voir évoluer tout au long de sa quête.

C'est donc une lecture palpitante et réjouissante -consternante aussi par ses révélations, mais tellement enrichissante !
Elle confirme aussi que Didier Wampas avait raison.

Merci à Babelio et aux Editions Liana Levi pour l'envoi de ce livre dans le cadre d'une Masse Critique ; bonne pioche !
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France, années soixante-dix.
La France du choc pétrolier, la France babas cool et des activistes d'extrême gauche bien sûr, mais aussi et toujours le fantôme d'une France colonialiste et sûre d'elle.
Une France de barbouzes,adeptes de l'Ordre Nouveau, protégés par des hommes politiques nostalgiques de l'OAS.
Une France qui exporte son " Art de la guerre" et transmet fièrement des compétences acquises lors des "événements " d'Algérie d'encore fraîche mémoire, dans toutes les dictatures d'Amérique du Sud.
Martin Kowal, un jeune flic au passé familial trouble et douloureux sera notre guide dans la France de Giscard et ses scandales: politiciens véreux, cadavres et finances occultes, hommes de l'ombre aux mains sales, la liste n'est malheureusement pas exhaustive. Dans ce polar politique de très bonne tenue, Éric Decouty ressort les dossiers de Broglie, Poniatowski, Robert Pandraud, Zeneto Anaya et remue énergiquement le marigot géopolitique des années Giscard, faussement proprettes.
Un excellent moyen de se rafraîchir la mémoire et pour les plus jeunes de constater que non, vraiment , ce n'était pas mieux avant.
"L'affaire Martin Kowal" plus qu'un polar, un travail de recherche efficace et indispensable par ces temps troublés.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Back du 70s.
« L'affaire Martin Kowal » nous transporte en 1976 dans les coulisses du pouvoir Giscardien. Et le moins que l'on puisse dire c'est que ce n'est pas propre….

Un jeune inspecteur des RG est chargé d'enquêter sur le meurtre de l'ambassadeur de Bolivie. Très vite un mouvement d'extrême gauche revendique l'assassinat et les coupables vont rapidement être trouvés. Trop simple.

La fiction d'Eric Decouty prend racine dans les vraies poubelles des années Giscard et c'est effarant.
Barbouzes, réseaux d'extrême droite, anciens de l'OAS, argent sale, manipulations, compromissions policières, corruption politique.
Le coeur de l'intrigue repose sur les liens occultes que la France entretenait avec les dictatures sud-américaines de l'époque (Pinochet, Videla…).

C'est un polar hyper documenté, très précis et l'on pourrait facilement se perdre dans les protagonistes si l'auteur n'était pas aussi malin pour vulgariser l'ensemble. On sent le journaliste d'investigation derrière l'écrivain.

Un très bon moment qui sous couvert de roman nous replonge dans un contexte historique passionnant avec la montée du terrorisme d'extrême gauche qui affole toute l'Europe, la fin de l'Algérie française encore assez récente et un président jeune, soit disant moderne, mais entouré d'hommes au passé inavouable.

Le problème, c'est que l'on ressort de là encore plus dépité par la politique et avec la quasi certitude que ça ne doit pas être beaucoup plus clean actuellement.
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En 1976, l'ambassadeur de Bolivie à Paris – par ailleurs assassin du Che en 1967 - est assassiné. Martin Kowal, jeune inspecteur des RG, se voit chargé de l'enquête. Celle-ci s'oriente logiquement vers les milieux d'exilés sud-américains en France. Rapidement une bande de ceux-ci est mise en cause.
Un peu trop facile...
C'est ce que nous révèle la suite du livre : une nouvelle enquête cible d'anciens membres de l'OAS. Et cela devient intéressant quand les accointances de ceux-ci avec le pouvoir de l'époque, les proches de Giscard d'Estaing, sont pointées du doigt, sachant par ailleurs, que les forces répressives des dictatures sud-américaines ont été entraînées et conseillées par des militaires français ayant participé à la guerre d'Algérie, ce qui est un fait avéré.
Tout cela pourrait être la trame d'un excellent polar, si la plume était tenue par un vrai romancier. (On peut penser à Manchette, à Caryl Férey ou aux derniers livres de Javier Cercas par ex.). Ce qui n'est pas le cas.
D'autant plus, qu'il n'y a là pas de style. Et pour le lecteur, c'est un peu comme boire de l'eau quand on est amateur de vin.
Bref, sur un sujet qui me passionne, je me suis presque ennuyé.
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L'auteur, le livre (320 pages, 2023) :
Rentrée 2023.
Eric Decouty est un journaliste d'investigation qui connait bien les milieux politiques.
Avec L'affaire Martin Kowal, il lève le voile sur quelques dessous peu reluisants des années Giscard, une époque rarement évoquée en littérature.

le contexte :
Le 11 mai 1976, Joaquim Zenteno Anaya, l'ambassadeur de Bolivie est assassiné en pleine rue à Paris. Un attentat revendiqué par une "Brigade internationale Che Guevara" : le général Zenteno avait été directement impliqué dans l'exécution du Che en 1967.
Mais la revendication d'extrême gauche ne serait peut-être que la couverture d'un règlement de comptes entre putschistes boliviens qui laisserait même entrevoir quelques fantômes de l'OAS.
En dix-huit mois, c'était le cinquième assassinat de diplomates étrangers à Paris !
Et ce ne sera pas le dernier.
Eric Decouty nous donne le ton :
[...] L'Affaire Martin Kowal est une fiction. Mais la liberté du romancier m'a permis d'introduire ce policier imaginaire des Renseignements généraux dans la réalité politique des années 1970. Au fil de son enquête sur l'assassinat jamais élucidé de l'ambassadeur de Bolivie, Kowal va tenter de mettre au jour les coulisses du pouvoir giscardien. Des manipulations et des compromissions qui sont, aujourd'hui encore, largement couvertes par le secret.

On aime beaucoup :
❤️ On est curieux du personnage trouble imaginé par l'auteur : le jour, Martin Kowal est flic aux RG et, la nuit, il fréquente les bars louches en quête de pilules ou de poudre, tourmenté par un passé entaché par l'ombre d'un père qui s'est trompé de camp dans les années 60 et s'est égaré à l'OAS.
❤️ On se passionne évidemment pour le contexte historique et politique du bouquin. À quelques années près, on n'est pas très loin d'une ambiance à la Sadorski (Romain Slocombe) : une ambiance délétère, des fréquentations douteuses, des personnages pas toujours sympathiques, quelques rencontres de figures historiques (vues de dos), … on nous fait visiter l'envers du décor et les coulisses cradingues d'une Histoire peu reluisante. Celle des compromissions et des opportunistes.
❤️ On apprécie que, en bon journaliste, Decouty reste concentré sur son sujet même s'il prend soin d'évoquer quelques décors pour donner de l'épaisseur à ses personnages. Et finalement on est bien content d'avoir terminer le bouquin : il faut avoir l'estomac solide pour visiter les dessous nauséabonds de la république giscardienne.
On peut filer ensuite se plonger dans un polar horrifique et bien sanglant : cool, un roman.

L'intrigue :
On apprécie le démarrage surprenant du bouquin puisque Decouty se paie la coquetterie de ne pas commencer par le début et nous évite le couplet trop attendu sur la scène de l'attentat avec le général bolivien à terre au pied du métro. Tout cela a déjà été dit et annoncé, le lecteur se retrouve donc quelques jours plus tard, d'emblée immergé au sein des équipes d'enquête des RG qui vont devoir collaborer avec leurs ennemis jurés de la DST.
C'est le jeune Kowal qui va mener l'enquête tout en sachant bien qu'il est manipulé. Mais par qui exactement et pourquoi ?
Les Brigades internationales ne sont évidemment qu'un leurre bien commode mais qui se cache derrière ?
Les rescapés de l'OAS ont fui en Amérique du sud comme les nazis avant eux mais quels sont leurs liens inavouables avec les sicaires des dictatures latines installées par la CIA ?
Eric Decouty avance des pistes solidement étayées même si tout cela est resté secret et n'a jamais été élucidé.
Pour celles et ceux qui aiment les barbouzes.
Livre lu grâce à Masse Critique de Babelio et aux éditions Liana Lévi.
Lien : https://bmr-mam.blogspot.com..
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Dans son nouveau roman, Éric Decouty nous transporte en mai 1976. Il revisite l'histoire de l'assassinat de l'ambassadeur de Bolivie et s'interroge sur le rôle trouble du gouvernement de Valéry Giscard d'Estaing. Est-ce que ses ministres n'étaient pas trop proches des gouvernants despotiques d'Amérique du Sud ? Et quels liens les gouvernants avaient-ils avec les groupuscules gauchistes ?
Après la mort du diplomate, l'enquête est confiée à Martin Kowal. Il est inspecteur des renseignements généraux, comme l'a été son père avant lui. Mais ce dernier a trahi et est mort après avoir tenté de s'évader selon la version officielle. Martin est un bon enquêteur (il a des indics un peu partout et peut obtenir des informations sous le manteau), mais il mène en parallèle une vie dissolue, buvant trop et consommant des substances illicites. Un de ses collègues, dont il se sent proche, s'inquiète pour lui.
Ses investigations commencent et il essaie d'agir au mieux pour résoudre cette affaire délicate au niveau politique. Les Renseignements généraux et la police sont au service du pouvoir mais Martin ne risque-t-il pas d'être un pion, de se faire manipuler ? Certaines découvertes posent question, comme si on les lui offrait sur un plateau alors que pour d'autres, on lui conseille de ne pas creuser… Parfois, il se fait doubler par ceux qu'il traque, y-aurait-il une taupe dans ses services ? Il retrouve, avec bonheur, un ancien ami de son père mais ce n'est pas si simple qu'en apparence…. Tout cela le déstabilise et il lui arrive replonger dans ses travers, de perdre pied et à ce moment-là, il n'avance plus ….
Bien ancré dans l'époque choisie, ce récit se lit avec beaucoup d'intérêt et de plaisir. L'auteur analyse avec finesse et acuité ce qu'il présente et les relations que les personnages entretiennent. Martin progresse lentement, hésite, repart, revient, se questionne. C'est un homme attachant. Sa part d'ombre et ses blessures le rendent très humain. Il se demande si le gouvernement est vraiment clean ou s'il ne joue pas double jeu. Ses supérieurs ne le laissent pas toujours libre de ses mouvements et il doit trouver des solutions pour continuer….
J'aime beaucoup lire cet auteur. Je trouve qu'il se bonifie avec le temps. Dans un entretien, il souligne qu'en 2003, Edouard Balladur a refusé une enquête parlementaire. Cela démontre combien il s'est renseigné avant d'écrire. Ses propos m'obligent à aller plus loin, à creuser ce qu'il présente. Bien sûr, je ne peux pas démêler le vrai du faux mais j'ai la possibilité de relire des journaux ou entretiens de l'époque, constater les réactions des uns et des autres et ainsi me faire ou pas une opinion. D'ailleurs ce qu'il évoque pourrait bien exister encore actuellement, j'en suis persuadée. Les grands de ce monde ne sont pas toujours très nets et font des arrangements entre eux….
Ce n'est pas un récit historique car s'il est inspiré de faits réels, l'auteur interprète les événements, subodore les relations, les liens entre les uns et les autres. Il s'est documenté, a cherché et on peut légitimement se demander s'il n'y a pas une part de vrai dans tout ça….
Un opus abouti et captivant !
NB : J'ai particulièrement apprécié la référence à Pablo Neruda avec un magnifique poème.

Lien : https://wcassiopee.blogspot...
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Au début de la fictive affaire Martin Kowal, il y a l'assassinat bien réel à Paris de Joaquín Zentano Anaya ambassadeur de Bolivie en France le 11 mai 1976. Cet ambassadeur « avait été auparavant ministre des Affaires étrangères et général en chef de l'armée bolivienne. le 10 octobre 1967, il figurait sur la célèbre photo du cadavre du Che Guevara, et aurait été le donneur d'ordre de son exécution ». La revendication de l'assassinat parisien par de mystérieuses et inconnues Brigades internationales Che Guevara est crédible et laisse planer la menace d'un terrorisme d'extrême-gauche jusqu'alors absent de l'hexagone.

Il fallait bien toute l'expérience d'un journaliste d'investigation comme Éric Decouty pour distiller les informations peu connues ou oubliées que cachent cette affaire d'état. L'auteur n'a pas choisi la facilité dans sa fiction. Pour mener l'enquête il aurait justement pu choisir un journaliste, libre de toute institution gouvernementale. Il emprunte une voie plus complexe, celle des enquêteurs officiels et ils ne manquent pas dans son récit.

L'assassinat d'un représentant de l'État bolivien mérite bien une coopération exemplaire entre tous les services français, c'est ce qui est demandée aux RG, à la DST et à la PJ avec la Crim et les Stups sous l'autorité d'un juge d'instruction. le gouvernement de l'époque demande des résultats rapides, le Ministre de l'Intérieur Michel Poniatowski et le directeur général de la Police nationale Robert Pandraud entrent en scène ainsi qu'un mystérieux conseiller de la présidence au passé trouble et agissant dans l'ombre. le groupe d'enquête des RG est dirigé par le jeune inspecteur Martin Kowal. Je ne me souviens pas avoir lu un récit d'investigations mené par tant d'intervenants. Pas étonnant qu'une guerre des polices s'installe, elle servira à mieux cacher ce que les politiques souhaitent garder secret. En politique cela s'appelle le secret défense.

Patience et discrétion résument bien le monde des RG. Planques et filatures ne sont pas source de suspenses et rebondissements pour le lecteur. Il n'y a pas de juge pour contrôler les relations avec les indics qui attendent bien sûr une compensation en échange de leurs infos. Il faut infiltrer, ces opérations exigent beaucoup de tact dans des relations humaines où la frontière avec la trahison est floue. le lecteur n'est pas vraiment dans le polar et ses codes familiers, il est plus proche du monde de l'espionnage avec sa complexité et l'impatience qu'il faut contenir avant d'arriver à un épilogue long à se dessiner. L'auteur est habile et la retranscription de rapports et de notes apportent de la véracité au récit et aident le lecteur à y voir plus clair.

Éric Decouty réussit à installer une ambiance permettant de fluidifier une enquête particulièrement complexe et riche en impasses que le pouvoir politique s'évertue à créer. Cette ambiance est alimentée par l'actualité de l'époque, pas seulement la sécheresse de 1976 mais aussi des évènements bien réels qui constituent autant de grains de sable dans les rouages d'un quotidien politique beaucoup moins lisse que ce qui a été offert à la mémoire collective. L'auteur parle par exemple du casse du siècle de Spaggiari et de l'assassinat du prince Jean de Broglie. Pendant ce temps le lecteur peut être frustré lorsque « l'enquête bolivienne » est hâtivement arrêtée mais considérée comme une réussite par les politiques.

La personnalité du solitaire et mélancolique Kowal est tourmentée et ses nuits folles suscitent de l'étonnement. Les secrets de son passé familial ( son père a été discrédité des RG pour avoir collaboré avec l'OAS ) alimentent la résolution de l'énigme que l'opiniâtre Martin Kowal veut poursuivre coûte-que-coûte même à la limite de la légalité. L'aide de son adjoint Chouchayan, l'ancien des RG expérimenté et perspicace, est déterminante.

La lumière se fait lentement, les recherches de Martin sont devenues officieuses et courent jusqu'en avril 1978. Durant cette période le lecteur a voyagé en Espagne et posé son regard sur l'Amérique du Sud où de violentes dictatures volent le pouvoir démocratique. La vérité est détaillée dans une note historique de l'auteur à la fin du livre. Elle fait froid dans le dos et encore plus lorsque le lecteur choisit d'approfondir le sujet en consultant les vidéos évoquées par l'auteur.

Le lecteur de « L'affaire Martin Kowal » doit être patient face à la complexité du récit d'Éric Decouty mais la récompense est à la hauteur lorsque la lecture s'achève. le roman noir montre une fois encore toute sa capacité à rétablir la vérité historique

Éric DECOUTY - L'affaire Martin Kowal . Parution le 5 octobre 2023, Éditions Liana Levi. ISBN 9-791034-908233 .
Lien : http://mille-et-une-feuilles..
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