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Dans ce récit autobiographique Shulem Deen nous ouvre les portes de la communauté Skver (un groupe de juifs hassidim ultra-orthodoxes), au sein de laquelle il a grandi et a vécu jusqu'à son exclusion pour hérésie.
Il y retrace son parcours, sans jamais rien cacher.
Son adhésion pleine et entière à cette foi qui l'a poussé dans sa jeunesse à verser parfois dans l'intransigeance à l'encontre de ses coreligionnaires moins assidus.
Et puis les premiers doutes, au moment de son mariage arrangé à dix-neuf ans à peine, avec une jeune fille qu'il aura vue en tout et pour tout dix minutes à peine.
Les questions toujours plus nombreuses, l'ouverture sur le monde extérieur notamment par le biais d'internet, jusqu'à ce point de non-retour : la perte de la foi.
Déchiré entre sa famille qu'il ne peut se décider à abandonner et les faux-semblants auxquels il est contraint pour ne pas jeter l'opprobre sur les siens, il essaie de trouver un équilibre qui se révèlera impossible…
Les autorités prendront finalement la décision à sa place en prononçant son bannissement pour hérésie, estimant qu'il est devenu un danger en raison de ses idées et de sa mauvaise influence sur certains membres de la communauté.
Ce départ sera à la fois une libération et un parcours douloureux :
Comment garder le lien avec sa femme à laquelle il est toujours attaché mais dont la foi n'a jamais vacillé, et surtout avec ses enfants toujours élevés dans cette foi qui n'admet pas qu'on la renie ?
Comment s'intégrer dans un monde dont on ne connait pas les codes ?

Shulem Deen nous livre ici un témoignage extrêmement prenant, qui ne verse jamais dans le règlement de comptes et qui nous éclaire sur le fonctionnement d'un monde si éloigné de nos modes de vie qu'il en apparait presque surréaliste.
Difficile de réaliser que de nos jours, si près de nous (la communauté dont il est question se trouve en banlieue de New-York) il existe de tels ilots, où la communauté prend le pas sur les individus, où quelques maîtres à penser décident de tout et où la religion est la seule vérité admise…

Passionnant.

(Reçu dans le cadre de la masse critique Non-fiction du 13 février 2019
Un grand merci à Babelio et aux éditions points pour cet envoi)
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c'est le 1er livre de cet auteur que je lis. il a été traduit par Karine Reigner-Guerre. je ne sais pas si c'est nécessaire de le répéter. Je ne suis pas une femme adultère. Je ne suis pas les principes du Talmud ni en yiddish ni en hébreux ni en rebbe. le Dayan et son bezdinl possédaient le pouvoir judiciaire afin de respecter nos lois. C'était un homme doux et gentil. Avant Souccot, je ne suis pas seul en jeu. Chaque semaine, nous quittions discrètement la salle d'étude de la yeshiva. C'est vrai que j'aime Bob Dylan et New York. J'y suis allé mais je n'y retournerais pas.
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Le roman autobiographique de Deen Shulem lève le voile sur un monde aussi mystérieux que secret . Un monde où pour ne pas succomber aux tentations et respecter les préceptes religieux, il faut vivre regroupé loin de la société moderne considérée comme une source permanente de perversions. Un monde sans journaux, sans radio ni télé ni Internet où l'on étudie que les textes religieux
Cet univers est celui des hassidim , ces juifs ultra-orthodoxes reconnaissables à leur style vestimentaire hérité de leurs ancêtres venus d' Europe centrale. L'usage du yiddish, un mode de vie centré sur l'étude et la famille et un rigorisme puritain font de leur communauté un monde à part que l'auteur décrit ici.
Deen Shulem connaît bien cette communauté car il y a toujours vécu, jusqu'à ce qu'une crise de foi l'en chasse...
Il a toujours été un hassid respectueux de ses devoirs mais un jour, il cède à la tentation d'en savoir plus que ce qui est permis. Dès lors sa curiosité devient sans limite. Il ose braver les interdits et même s'il sait qu'il ne transgresse pas la loi juive mais celle de sa communauté, plus rien ni personne ne peut l'empêcher d'étancher sa soif de connaissance. Progressivement il se met à ne plus supporter l'autorité des rabbins, à douter de ce qu'on lui a enseigné et en arrive à perdre la foi. Il est devenu un apikorus. Un hérétique indésirable parmi les siens...
Ce texte limpide et profondément humain, évite les longues digressions religieuses et métaphysiques, il est donc accessible à chacun, quelque soit sa religion (s'il en a une). Deen Shulem y analyse sans acrimonie, la trajectoire le menant à l'apostasie tout en dénonçant des principes ultra-conservateurs qui en séparant les hommes des femmes, en réduisant les études à des sujets inadaptés aux réalités du monde contemporain, en rejetant ce qui est différent, bafouent le droit à la liberté et à l'égalité.
Une découverte passionnante !
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À treize ans, Shulem Deen, élevé dans une famille juive ultra-orthodoxe aux États-Unis, décide de s'inscrire dans une école talmudique de la communauté hassidique Skver, ayant entendu dire que l'enseignement n'y était pas trop exigeant. Il ne sait pas alors qu'en pénétrant dans cette communauté, il allait s'extraire du monde.

Vêtements et chapeau épais et lourd, chemise blanche au col fermé, longues papillotes tombantes de part et d'autre du visage, sous l'égide du Rebbe – le guide de la communauté – Shulem passe son adolescence à étudier le Talmud avec des garçons de son âge. Profanes, les Sciences, les lettres, l'histoire, la géographie, les langues… ces matières ne sont pas enseignées. Il ne quitte jamais son uniforme, n'écoute pas de musique, ne lit que la bible, le Talmud et les livres sacrés, ne croise jamais de filles, ne sort pas hors de la communauté…

À dix-huit ans, Shulem Deen doit se marier. On lui choisit – impose – une femme, qu'il verra quelques minutes, en présence des deux familles, peu de temps avant la célébration. Jour où il dansera avec elle pour la première et dernière fois de sa vie – les époux ne devront plus se toucher en public. Il se fera expliquer le « service de lit » par le Rebbe…

Malgré les doutes et les craintes, Shulem Deen suivra les règles et autres rituels. Il aura cinq enfants, n'aimera jamais sa femme mais apprendra à l'apprécier, il consentira à vivre ainsi retranché du reste du monde, il acceptera d'avoir des emplois mal rémunérés (rappelons qu'il n'a aucune qualification et que son travail doit avoir un lien avec la communauté hassidique)… jusqu'au jour où, trentenaire, il ose appuyer sur le bouton « radio » du lecteur de cassettes qui trône depuis des années sur le meuble de la cuisine.

Et là, sa vie va basculer, inéluctablement. Un changement de regard et de perception. La découverte d'autres horizons, d'autres figures. Un mur qui tombe, le jaillissement d'une lumière, un monde de tous les possibles. Ce simple petit bouton pressé sera le déclencheur puis le catalyseur des émotions et des désirs enfouis de Shulem. Rattrapé par sa curiosité naturelle, la vivacité de son esprit, sa soif de connaissance, il s'affranchira des codes, s'achètera une voiture, passera des heures et des heures dans une médiathèque à lire et relire les encyclopédies qui s'offrent à lui, emplissant sa mémoire des images des sons des odeurs de la ville – New York – et des paysages environnants, se payera un ordinateur, une télévision…

Durant des mois, il dissimulera son ouverture au monde – évidemment sa femme ne le comprend pas -. Lentement, il cheminera vers la liberté, en s'éloignant de la religion, de son extrémisme… jusqu'au jour où, sa communauté, l'apprenant, le chasse pour hérésie.

Avec intelligence et sans jugement, Shulem Deen écrit là un récit sensible et passionnant en levant le voile sur son parcours de vie, et parle de sa reconstruction difficile mais admirable. Beaucoup plus qu'un témoignage sur le fondamentalisme religieux, ce livre se lit comme une fiction et révèle une plume humaniste brillante.
Lien : https://lesmotsdelafin.wordp..
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Un témoignage poignant, celui d'un juif hassidique ultra-orthodoxe de l'état de New-York banni de sa communauté pour hérésie.

Au fil des pages, l'auteur parle de sa vie dans un cadre religieux absolu et intransigeant, de l'obscurantisme volontairement entretenu dans une vie coupée du reste du monde, de ses premières interrogations, des doutes et de la perte de sa foi. Il parle de son mariage arrangé, de sa niaise ignorance face à sa femme.

Mais il semble impossible de brider un esprit curieux.

C'est candide, sincère, douloureux, forcément injuste. Cela semble d'un autre temps, sidérant.
Lien : http://noid.ch/celui-qui-va-..
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Il y a certains livres qu'il faut absolument prendre le temps de tourner les pages pour mieux les savourer.
Celui qui va vers elle ne revient pas est un récit d'émancipation où l'auteur, lui-même, raconte sa propre histoire au sein de la communauté ultra-orthodoxe, les Juifs Hassidiques, qui sont facilement identifiables : Barbus, Chapeaux noirs, longues papillotes, caftans noirs, pour les hommes, et les femmes mariés, perruques souvent stylisées d'une écharpe ou d'un chapeau et d'un vêtement très, très sobre, entourées d'une ribambelle d'enfants. Bref ! Shulem est né et a grandi Skver, une des branches Hassidiques qui se trouvent en plein New-York, à New Square, village où les membres sont à l'abri des influences du monde laïque, ne parlant que le Yiddish, très peu ou pas la langue du pays, excluant radicalement tous les plaisirs terrestres (télé, radio, internet, magazines, nourritures non casher, vêtements...) pour être en total osmose avec le Créateur, en communion dans la prière et de la Torah (la Bible hébraïque ou l'ancien Testament, pilier de la foi Juive) qui leur sert de guide. D'ailleurs, ils ne fréquentent pas et ne s'intéressent pas aux non-juifs qui pourraient avoir une mauvaise influence sur eux.

C'est donc à travers les lignes que l'on découvre l'obscurantisme et extrémisme de cette communauté, que moi, personnellement, je connaissais un peu. Ici, Shulem, sans pour autant incriminer les hassidiques, préfère décrire son ressenti, ses faiblesses, ses tentations, ses peurs, ses questionnements, ses doutes sur sa foi, qui ont commencé peu avant sa majorité et qui ont pris réellement de l'ampleur quand il découvre internet, par hasard. Il est à cette époque à peine adulte, marié à une jeune femme qu'il n'aime pas, et père de cinq enfants ; à vrai dire, il n'a pas vraiment eu le choix, chez eux, les mariages sont arrangés. C'est donc une faille (internet) qui vient foutre en l'air toutes ses convictions ancrées en lui depuis toujours et qui, par la suite, va détruire sa vie de famille.
Parce que oui, internet est une immense porte qui s'ouvre au monde, qui ne cache pas et qui attise comme le serpent et la pomme. La tentation. Internet répond aux questions, documente... et c'est comme ça que Shulem va découvrir le monde qui l'entoure aux choses futiles complètement interdites au sein de la communauté et également voir qu'il n'est pas seul à être dans cette situation délicate. Mais tout cela à un prix, le prix de la liberté aura des conséquences et il va vite le comprendre une fois dehors.

Un livre passionnant, percutant, mais surtout, très instructif, et riche par les mots, sans trop mettre en avant le côté biblique que beaucoup évite en littérature. Une belle découverte que je vous recommande !
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Shulem Deen raconte dans « Celle qui va vers elle ne revient pas » la vie (la sienne) d'un juif membre d'une communauté hassidique ultra-orthodoxe, les Skver, vivant dans le village de New Square pas loin de New York. Celle d'un homme qui commence à avoir des doutes sur le dogme qui l'écrase. Il se rend en cachette dans la bibliothèque de la ville voisine, écoute discrètement la radio dans sa voiture, rêve de boire un gin-tonic dans un bar de Manhattan, puis finir par ouvrir un blog « Hasidic rebel ».
Le Beit din (tribunal rabbinique) de la communauté hassidique de Skver finit par l'apprendre. Deen est convoqué, et déclaré « apikoros », hérétique, puis renvoyé.
Les membres du tribunal rabbinique lui promettent, à son départ de la communauté, qu'il sera détruit psychologiquement et financièrement. Ses enfants, sa femme restés fidèles à leur foi refusent de revoir celui qui les a déshonorés. À sa sortie de la secte, il sera aidé par une association dont le but est d'aider les « sortants » et de leur apprendre à reconstruire leur vie.

L'hassidisme Skverer met l'accent sur l'étude de la Torah, la prière et l'abstention des plaisirs terrestres excessifs, afin d'atteindre la pureté du coeur et de l'esprit. À cette fin, le village de New Square a été créé, en 1956, par Rebbe Jakov Josef afin que ses habitants soient à l'abri des influences jugées décadentes.
Un élément central de ce mode de vie est l'attachement au Rabbi. La position de Rabbi est généralement atteinte par la lignée. Rebbe Jakov Josef, survivant de la deuxième guerre mondiale en Roumanie et émigré aux États-Unis en 1948, est un descendant direct de Reb Itzikl, fondateur de la dynastie. Cependant, pour être accepté par les masses, le Rabbi doit afficher des comportements tels que l'humilité, l'amour pour les autres Juifs et la dévotion générale au service de Dieu. le Rabbi, en tant que tsadik, ou personne juste, est considéré comme un conduit vers Dieu pour les masses.

La plupart des groupes hassidiques ont réussi à maintenir leurs membres coupés du monde extérieur en interdisant la radio, les journaux ou la télévision. Internet constitue une brèche plus difficile à contrôler car les gens doivent l'utiliser pour travailler et ainsi ils y ont accès de façon discrète dans leur téléphone ou à la maison ce qui qui leur ouvre une fenêtre sur le monde. Et ceux qui désirent quitter la communauté y trouvent des sites entièrement consacrés à la défection hassidique. Ils peuvent y rencontrer virtuellement d'autres comme eux et s'entraider.

Shulem Deen, dans ce récit autobiographique, sans chercher à régler des comptes, nous livre un récit passionnant. Il nous ouvre les portes d'un monde que l'on côtoie sans jamais vraiment savoir ce qu'il s'y passe.
À lire, absolument.

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/par-les-temps-qui-courent/shulem-deen-n-accordez-pas-trop-d-importance-a-la-verite-car-tout-peut-etre-remis-en-question-1202588

Prix Médicis – Essai (2017)
New Writers Award for Creative Non-Fiction (2016)
National Jewish Book Award (2015)
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La religion dans ce qu'elle peut avoir de pire, de destructeur pour l'individu, voilà un thème qui m'intéresse.
J'avais lu avec grand intérêt un roman d'Anouk Markovits sur le sujet il y a quelques mois, ce livre-ci est l'autobiographie d'un homme qui dès l'enfance appartient à un milieu religieux orthodoxe, c'est une famille juive de la mouvance hassidique.
Ce sont ces hommes (on ne voit que très peu les femmes) qui passent la majorité de leur temps à l'étude de la Bible et du Talmud.
Enfants ces jeunes juifs se voient refuser des études normales, pas de littérature, pas de sciences, pas d'histoire, matières censées corrompre l'individu.
Une vie en circuit fermé, une union bien entendu arrangée avec une jeune femme qu'il rencontre quelques minutes avant le mariage.
Une famille nombreuse évidement, une vie très difficile financièrement et épuisante. Impossible pour Shulem de trouver un emploi correctement rémunéré n'ayant aucun bagage, aucune formation professionnelle.
Le quotidien de la famille repose sur des règles, des lois, plus restrictives et contraignantes les unes que les autres.
En écrivant cela j'ai l'impression de faire le portrait d'une famille du quart-monde et pourtant tout cela se passe aux Etats-Unis à une heure de New York !
Une fois dépeint ce milieu hyper religieux où le moindre faux pas se paie de représailles de l'entourage, Shulem Deen s'attache à nous révéler son parcours propre, ses interrogations, ses doutes, sa lassitude mais aussi sa soif de savoir, de lecture, sa curiosité toujours en éveil.
Il nous révèle à quel moment il a perdu la foi, comment il a longtemps fait semblant pour ne pas perturber sa femme et ses enfants.
Sa communauté le surveille, il enfreint les règles d'abord en cachette, puis plus ouvertement. Quand je parle de transgression n'allez pas imaginer des choses effrayantes,par exemple il se met à écouter la radio, il apprend à lire et écrire l'anglais, il emprunte des livres en bibliothèque, il se forme à l'informatique et même au scandale de tous y compris de son épouse, il va sur internet.
C'est un récit peut être un peu trop long mais tellement prenant qu'on oublie qu'il se passe aujourd'hui, dans le monde dit civilisé !
Vous avez déjà deviné que cela se termine mal pour lui, la religion juive orthodoxe n'est pas tendre pour les renégats de son espèce, il est littéralement chassé de chez lui, privé de ses enfants. Il doit faire le deuil de sa famille.
L'hérétique ne peut revenir car la société « normale » est comparée à une prostituée, et celui qui va vers elle ne revient pas c'est la Bible qui le dit hélas.
Il lui faut reconstruire sa vie et oeuvrer pour aider d'autres juifs qui comme lui ont quitté le milieu hassidique.
C'est un récit sobre, d'une grande honnêteté et poignant. Shulem Deen ne garde aucune haine, aucune rancune et l'humour juif n'est jamais loin.
Lien : http://asautsetagambades.hau..
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Si on m'avait dit qu'un jour je m'intéresserais de près à la vie quotidienne d'un ultra-orthodoxe juif de la banlieue new-yorkaise de trente ans mon cadet, je ne pense pas que je l'aurais cru. Et pourtant... Dès les premières pages de son récit, Shulem Deen expose tout un entrelacs de règles auxquelles il a été soumis dès son enfance ; le lecteur découvre le filet à mailles serrées des lois, coutumes et conventions issues d'une lecture des textes sacrés qui ne laisse aucune place à l'interprétation. Dans cette communauté-là, il s'agit de croire sans aucune autre raison que le respect de la tradition. La foi exclut la raison.

Comme d'autres se sont convertis en un lieu et à une date qu'ils n'oublieront jamais, Shulem Deene se souvient avec précision de l'instant où il a découvert qu'il avait perdu la foi.

D'entrée, le récit précise que l'auteur a été banni de sa communauté parce que considéré par celle-ci comme hérétique. Tout l'intérêt du livre réside dans l'exposé des événements et de la progression de l'état d'esprit de son auteur entre son état initial (croyant et pratiquant) et son état final (non-pratiquant et bouleversé d'être devenu non-croyant) en passant par des étapes intermédiaires (croyant, non-pratiquant). La confrontation avec la réalité des idées que l'on a toujours tenues pour véritables peut s'avérer dévastatrice. Si famille et enseignants ont toujours dit que l'univers n'avait que six mille ans, comment réagir quand la science parle de milliards d'années ?

En marquant chacun de ses membres par sa langue, ses vêtements, ses habitudes alimentaires, son entre-soi et ses pratiques religieuses, la communauté ultra-orthodoxe décrite par Shulem Deen isole du reste du monde les enfants qu'elle élève. le mariage, considéré comme un commandement, ne résulte pas d'un choix délibéré entre les époux, mais de celui de la communauté : Shulem ne rencontre son épouse que quelques jours avant la cérémonie. Je vous laisse découvrir ce qu'il en résulte.

Pendant des années, dans des établissements spécialisés, Shulem a étudié la Torah et le Talmud. Pendant son enfance, personne dans son milieu familial n'écoutait la radio. le vase était clos, quasi hermétique. Quand Internet est arrivé (Shulem avait alors vingt ans), quand la télévision est devenue accessible, quand porter un jean ou se faire couper les cheveux a été pour d'autres une provocation voire une insulte, il réalisa que ce qu'il avait appris ne concordait pas avec ce qu'il voyait et entendait.

Au-delà de l'aspect matériel des us et coutumes et de leur inadaptation croissante au monde moderne, ce récit s'interroge sur la nécessité pour les hommes de se soumettre à une conviction, elle-même soupçonnée d'être en réalité profondément humaine puisque le "concept même de la foi suggère l'intervention de l'homme".

Ce récit est poignant : l'auteur doit choisir entre paraître croyant pour pouvoir rester avec ses enfants ou se séparer de ces derniers pour vivre en harmonie avec ses convictions.

Cette introspection attachante et apparemment sans concession, donc sincère, est particulièrement intéressante à découvrir en cette période où la radicalisation religieuse ne concerne pas qu'une seule religion monothéiste. Réfléchissez aux transpositions possibles.
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« Se distinguer par sa langue et sa tenue permet de réduire au minimum les échanges avec le monde extérieur, et contribue à vous en maintenir à l'écart. Limiter l'éducation profane, et le savoir venu de l'extérieur tient à distance les idées étrangères. »

Si l'on décrit, à raison, l'intégrisme musulman pour sa sévérité, sa rigidité et ses multiples interdits incompréhensibles aux yeux d'un chrétien, qui plus est laïc, l'hassidisme, ou l'application stricte de la religion juive n'en est pas moins archaïque et liberticide.

Ce récit est le parcours d'un homme issu d'une des communautés hassidiques les plus extrêmes des USA, élevé dans ses principes, marié au sein de sa communauté, et qui au fil des années et de ses explorations du monde moderne auquel les juifs orthodoxes n'ont pas droit, va peu à peu perdre la foi, s'affirmer dans son émancipation et finalement se faire exclure de sa communauté.

Être chassé d'une localité où vit en vase clos une groupe homogène et surtout très solidaire de personnes partageant les mêmes valeurs, fait d'un homme, père de famille qui plus est, un véritable paria, rejeté aussi par ses enfants.

Je connaissais le mouvement hassidique, mais pas jusque dans le détail de ses pratiques, de ses obligations, ni de ses interdits absolus. A cet égard, ce récit est extrêmement bien fait, facilement compréhensible, même dans ce que la religion peut comporter d'ésotérisme.

Par ailleurs, habilement construit, dans ce récit se succèdent les quatre étapes de vie de l'auteur depuis sa vie intra-communautaire, jusqu'à celle de sa nouvelle vie de non pratiquant, en passant par sa période de doute le conduisant à perdre la foi puis par celle de toutes les transgressions le conduisant à son exclusion.

Quelle que soit la religion, l'endoctrinement et la manipulation spirituelle ne donne jamais rien de bon. de la manipulation de la jeunesse qui se voit privée de tout accès légitime à la culture et à l'ouverture d'esprit, à l'intolérance au sein du couple et de la communauté, l'application pure et radicale d'un courant de pensée quel qu'il soit détruit davantage qu'il ne construit.

Je remercie masse critique Babélio et les éditions Points pour l'envoi de ce livre.

Lien : https://leblogdemimipinson.b..
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