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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
A mi-chemin entre l'intrigue policière et le roman historique, Ignacio del Valle nous livre là une perle, n'ayons pas peur des mots. Il nous brosse dès les premières pages le tableau apocalyptique d'un homme égorgé, une inscription gravée sur l'épaule, pris dans la glace aux côtés d'une vingtaine de chevaux aux yeux exorbités, horreur digne de l'oeuvre « Guernica » de Picasso. Et la référence à ce tableau n'est pas fortuite de ma part, car nous nous retrouvons dans ce roman aux côtés de la Division Azul, bleue comme les chemises que portaient la majorité d'entre eux, les phalangistes. Ces volontaires espagnols, envoyés sur le front russe en appui aux armées allemandes, se trouvent animés pour la plupart d'entre eux par leur volonté d'en finir avec le communisme. Mais, finie la guerre d'Espagne dont les stigmates restent malgré tout encore tangibles dans les corps et les esprits, nous sommes à l'hiver 43, près de Leningrad. Chargé de l'enquête, le soldat Arturo Andrade va mener sa propre croisade, en lutte à ses démons mais aussi confronté à la folie des hommes, depuis les joueurs de violeta aux occupants hagards et fantomatiques d'un monastère reconverti en asile, sans compter la cruauté de soldats allemands aveuglés de haine et pétris d'intolérance. Grâce à une écriture riche et ciselée, cultivée, nous sommes hypnotiquement emportés dans cette intrigue, au rythme lent, comme paralysés à notre tour par le froid, la neige, mais fascinés par ces paysages qui absorbent et qui phagocytent, par cette âme russe. Comment s'extirper de cet enfer, de cette horreur quotidienne laminante? En devenant bourreau à son tour ? En cédant aux croyances quasi primales de l'existence des vampires ou des démons ? Il ne reste à Arturo qu'une dernière conviction, qu'une seule riposte, fragile et fine comme de la glace : le recours à l'innocence de l'enfance, comme un leitmotiv entêtant : « Vous portez en vous un enfant, souvenez-vous que tant qu'il en sera ainsi, vous pourrez échapper au mal en vous réfugiant sous le manteau de l'innocence, vous franchirez des rivières, vous essuierez des tempêtes, vous pourrez même traverser les flammes de l'enfer". Prière répétée, bienfaisante, salvatrice.
Ce roman est infernal, dans tous les sens du terme ; prisonniers que nous sommes de la toile que tisse petit à petit Ignacio del Valle, se débattre est inutile. Psychologique, horrifique, historique, nous passons par tous les états (en –ique of course) pour finir en apothéose sur un dénouement qui nous met à l'envers et encore inassouvis. J'ai lutté mais je me soumets : c'est un grand livre.
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L'hiver 43 est rude sur le front de l'Est parmi les volontaires franquistes de la division Azul. Et ce qui domine, c'est le froid, un froid polaire, le froid partout, et le froid toujours, jusqu'aux os.

Glacée l'atmosphère. Seul le café chaud paraît salvateur : « Il but une gorgée stimulante, et retint le liquide sur sa langue ; la chaleur du café mélangé à l'alcool le conforta dans son opinion que n'importe quel coin de l'univers était un peu plus fréquentable avec une tasse à la main. » Les Espagnols de la division Azul n'y sont guère accoutumés à ce froid. C'est lui pourtant qui conserve le corps atrocement mutilé d'un jeune soldat vraisemblablement assassiné, par un meurtrier qui a gravé « Prends garde, Dieu te regarde » dans la chair de son cou. Arturo, dont la présence sur le front russe demeure mystérieuse mai paraît relever de la punition, est chargé d'une enquête plus que délicate dans le contexte militaire du moment.

Glacial ensuite le cul de sac dans lequel se trouve piégée la division Azul. Ignacio del Valle entraîne son lecteur dans un voyage halluciné, sur un champ de bataille de l'absurde, au coeur de l'enfer du siège de Leningrad. « Sous son emprise, entouré d'un halo glacial se détachant sur un ciel clair, Mestelevo patientait, tendu par l'attente ; on parlait d'une concentration de plus de quarante mille Russes, de centaines de pièces d'artillerie, d'orgues de Staline, et de nombreux chars d'assaut T-34 et KV-1 dans le saillant de Kolpino près de Krasny Bor, prêts à les dévorer corps et âmes. L'imminence de l'attaque et la proportion de trois contre un se reflétaient dans l'activité incessante de la Division dont la sérénité était cependant impressionnante ; des hommes extraordinairement jeunes renforçaient les tranchées et nettoyaient leurs armes avec tout le calme dont avaient fait preuve les Spartiates au défilé des Thermopyles, du moins tels qu'Arturo les imaginait. » C'est la fin du monde ou presque, comme dans l'excellent Deux dans Berlin, mais c'est une apocalypse qui se joue dans un registre différent. Outre un contexte historique passionnant (l'enlisement des troupes alliées aux Nazis sur le front de l'est, et le début d'un retournementde situation en faveur des Russes, un de ces instants où l'histoire semble basculer), on trouvera dans Empereurs des ténèbres de vraies qualités d'écriture, empreintes d'une certaine poésie qui sait éviter avec finesse l'écueil d'une hypothétique esthétique de la violence.

Glaçante enfin la confrontation avec l'horreur de l'extermination par balles sur le front oriental. « Tant de morts en si peu de temps … cela restait toujours aussi incompréhensible, sans pour autant exclure une fascination maladive. » Car Empereurs des ténèbres est bien plus qu'une enquête policière : celle-ci apparaît rapidement comme le prétexte d'une réflexion éthique, lucide et exigeante, envoûtante et en même temps assez terrifiante. « Dans la bulle de temps qui se forma, Arturo les observa tous, Kehren, Hilde, les SS : l'indolence de leurs regards, qu'il avaient déjà remarquée chez l'Einsatzgruppe, donnait l'impression que leur cerveau était toujours en retard sur leurs mains. Et il comprit que c'était eux, les nouveaux empereurs. Etranges pour eux-mêmes et pour le monde, n'ayant aucune notion du passé ou de l'avenir ; des enfants égoïstes et solitaires jouant sous le cil infiniment pur de la cruauté, tuant sans haine, sans raison, inaugurant ainsi pour le monde une époque implacable. »

Pas loin d'être magistral, avec une envie certaine de lire le second volet, Les Démons de Berlin.
Lien : http://le-mange-livres.blogs..
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Remarquable ! C'est un roman qui nous entraîne dans l'URSS glacée de l'hiver 1943, au sein de la Division Azul. Ignacio del Valle imbrique avec facilité la petite histoire dans la grande, soit la recherche d'un tueur en série au coeur de la débâcle attendue de l'armée allemande et des fanatiques espagnols. L'intrigue est prenante, le décor est réaliste, et ce que j'ai préféré, ce sont les personnages : des saletés de phalangistes et franquistes, mais d'abord des hommes, portant en eux toutes les nuances de l'humanité. J'ai bien aimé la façon dont l'auteur m'a fait éprouver de l'empathie, parfois même de la sympathie, pour eux -malgré moi. En outre, j'ai appris beaucoup de choses -mais sans que ce soit barbant- sur les rivalités entre alliés fascistes. Ce roman est donc très riche, tant sur le plan littéraire qu'historique, tout en maintenant son suspense jusqu'au bout. Brillant.
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L'ambiance surréaliste de cette enquête dans les lignes allemandes en 1943 sur le front russe est magnifiquement rendue grâce à l'écriture puissante et subtile à la fois de l'auteur. « Il visa soigneusement et pressa la détente. le coup ne partit pas, il comprit alors pourquoi le Russe chargeait à la baïonnette : son arme aussi avait gelé » Point final. Et je me jette aussitôt sur le deuxième tome…
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Un ouvrage dense et captivant qui tout en suivant le fil d' un roman policier tient plus du roman historique.
Nous sommes durant l' hiver 1943 sur le front de l'est proche de Leningrad, au côté de l'armée allemande combat la División Azul, une division de soutien espagnole composée de militaire proche du pouvoir franquiste, de membre de la phalange et d'autre plus ou moins désignés volontaires. Un matin un soldat est découvert égorgé, le corps pris dans la rivière gelée une phrase gravé au couteau sur son épaule, premier meurtre d' une bien étrange série.
C'est ainsi que débute le premier ouvrage consacré à Arturo Andrade, un personnage au combien attachant apportant sa propre part de mystère. L' écriture est particulièrement soignée et agréable elle souligne tant l'atmosphère pesante et froide que le champ de bataille avec ses morts mais aussi les fraternisations d' un instant.
Une intrigue pleine de rebondissements de fausses pistes et de détours mais qui fortuitement et curieusement nous donne presque l' impression d'atténuer l' horreur de la guerre.
Une excellente lecture.
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J'ai aimé me plonger dans l'univers particulier d'Ignacio del valle. Les enquêtes sont bien "ficelées" et le contexte historique riche et, à mon humble avis, bien documenté. le héros est toujours sur le fil et doit s'arranger avec sa conscience. Un Philipp Kerr hispanique. Ce roman vaut largement le détour.
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Impressionnant.

Premièrement que cet auteur, ce polar et sa suite à minima, n'aient pas connu plus de réussite.

L'intrigue ensuite, ce démarrage avec cette sculpture chevaux et soldat pris dans les glaces. Les instantanés sur l'époque, la division Azul, la guerre sur le front russe, les situations, les portraits, les descriptions.

Le dénouement enfin, bien amené, qui couronne une lecture plusqu'agréable.
"et les clochettes se mirent à teinter". Royal.
(plus d'avis sur PP)



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