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Citations sur Un jour viendra couleur d'orange (188)

Alors on va se montrer. Leur montrer qu'on est là. Qu'on est chez nous. Et puis Bakki a posé sur le lit un djilbab. Tiens. Tu t'habilleras avec ça maintenant. Et je ne veux plus qu'on me dise que les frères t'insultent dans la rue. Et je ne veux plus non plus entendre que tu traînes avec le petit débile. Un petit gaouri décérébré. Sinon, c'est fini l'école. Tu restes enfermée ici. Ah, et tu donneras ça à ton prof de sport, a-t-il ajouté. C'était un certificat médical la dispensant de piscine pour cause d'allergie au chlore. Djamila s'est alors allongée sur son lit. Elle a ramené la couette sur son corps lapidé. Elle a disparu dessous, comme sous la glaise d'une tombe, et ses frères ont quitté sa chambre et ç'en a été fini de son enfance.
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Il était 6 heures. La ville dormait. Devant le centre des impôts, une voiture était arrêtée. Coffre ouvert. Trois types. Ils fumaient tous. Tony s'est approché d'eux au plus près, a coupé le contact. Les cinq sont descendus du Kangoo. Il y a eu des embrassades silencieuses. Rugueuses. Puis des chuchotements. On s'est regroupé autour de la malle ouverte. Tout était prêt. Alors Pierre a fait signe à son fils d’approcher. C'est toi qui vas lancer le premier. Geoffroy a regardé les bouteilles de bière fermées avec des bouchons de liège, le goulot solidement étranglé par des morceaux de chiffons. Il a senti l'odeur de l'essence. Il a eu une grimace presque amusante. Puis il a tourné son visage vers son père et a alors eu le même regard que le barbet sur la table du vétérinaire. La même désespérance au fond des yeux. Il a pris ses mots avec tout le courage dont il était capable et il a dit non, je ne peux pas faire ça, c'est interdit. Les autres ont guetté la réaction de Pierre. Il est resté calme. Il s'est penché pour être à la hauteur de son fils. Il a essayé de poser ses deux grosses pognes sur les petites épaules, mais Geoffroy a reculé. C est important que ce soit toi, tu comprends ? Tu es un symbole. Tu représentes l'avenir. Et c'est l'avenir de tous qu'on défend ici. Celui de Tony, de Julie, de Jean-Mi et de ses mômes. Mais c'est interdit, papa. On n'a pas le droit. Pierre s est vivement redressé. Une digue a pété en lui. Changement de ton. Écoute, tu vas faire ce que je te dis et c'est tout. Il a aboyé LA LOI, C'EST MOI. LA LOI, C'EST NOTRE SOUFFRANCE À TOUS. Le corps de Geoffroy a amorcé un mouvement de balancier. JE SUIS TON PÈRE, TU OBÉIS. CE QUI EST INTERDIT, C'EST DE DÉSOBÉIR !

Alors je vais allumer le chiffon de cette putain de bouteille et tu vas me la balancer de toutes tes forces contre le mur. Là. C'est clair ?
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Il y a des gens qui partent sans colère. Qui savent que, même si c’était court, c’était quand même beau. La vie.
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Le corps lâche le premier. L’âme s’accroche. Toujours. À cause d’un souvenir d’enfance. Un grain de peau aimée. Un rire étouffé. Une odeur de pluie poussiéreuse.
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Le chagrin est un serpent qui efface la trace de nos pas.
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Et puis Djamila est sortie. Un ciel bleu, un vent froid.

Premiers pas maladroits. Équilibre précaire. Comme une désagréable ébriété. Une danse d'ourse. Une fille dans un sac gris. Informe. Difforme. Il ne restait rien de son allure de biche. De ses longues jambes caramel. De ses bras fins qui avaient serré le garçon contre sa poitrine. Son cœur qui battait la chamade. Le djilbab la gommait. Elle était d'un troupeau désormais. D’une ressemblance. Habitait la prison des hommes.

Elle a marché sans but, dans les rues de la cité aux noms d’oiseaux. Comme des injures, avait dit Bakki. Des injures. Elle regardait son ombre sur le trottoir. Une voile. Un nuage. Plus jamais une fille. Elle disparaissait au monde. Elle a croisé d'autres femmes comme elle. Elle a vu les visages résignés. Les regards éteints. La pâleur. Elle a vu toute une vie qui ne lui ressemblait pas, un crime parfait, et ses larmes ont délavé ses yeux de la plus belle couleur du monde, selon son petit amoureux. Mais ne pleure pas, Djamila. Sèche tes larmes. Et écoute le silence.

La paix. Salam, ma sœur. Tu n'entends plus les sifflets des garçons. Plus les mots mubtadhil. Les mots khanez. Vulgaires. Pourris. Qui blessent et dégueulassent.

Cette prison, c’est ta liberté de femme. Crois-moi, petite sœur.

Je préfère les crachats à la prison, Bakki. Apprends plutôt à tes frères à respecter les femmes. Frère.
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Tous les cœurs ne dansent pas les mêmes querelles.
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Grandir, ne l'oublie pas, c'est tout perdre, car grandir, c'est se perdre.
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Fou de rage. Djamila n'était pas rentrée comme il l'avait exigé. Comme Ahmed son père aux mains de feu l'avait exigé. La gamine avait pris des airs de liberté. Elle avait menti. Elle avait désobéi. La désobéissance à ses frères était une injure à Allah. Une insulte à tout un peuple. Ghadab ! Ghadab l Le cri de Bakki, comme des coups de tambour dans sa poitrine. Des menaces qui grondent. Il a appelé la aimraat gaouria. La Française Lemaître. Pute. Un faux numéro. Il est tombé sur un chenil et il a insulté le pauvre type au bout du fil.

Je vais la tuer, s’est-il juré à propos de sa sœur. Lui arracher les yeux. Menteuse, kadhaaba. Fini l'école. Les rigolades. Les musiques débiles dans ton téléphone. Tu vas voir. Dans sa chambre, il a renversé tous les tiroirs. Balancé le parfum, les produits de maquillage à la poubelle. Dès que je t'attrape, je t'enferme. Tu ne sortiras que le jour de ton mariage, inch'Allah. Si Dieu veut, ma fille, si Dieu veut.
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Djamila avait 15 ans, elle était de cette beauté qui est un cadeau fait au monde. Le cadeau de Lahna la belle, Lahna sa mère. Et voilà que ses frères voulaient l’y soustraire. L'emprisonner dans un djilbab. Couvrir sa tête, comme on couvre de honte. Le hijab, elle le sait, vient de l'arabe hadjaba qui signifie dérober au regard. Cacher. Par extension, il signifie rideau. Il dit écran. On en avait parlé à l'école après les attaques de Carcassonne et Trèbes. Bakki et Lizul voulaient installer un rideau entre elle et les hommes. Entre elle et le monde. La cloîtrer. La condamner à l'isolement. Et plutôt que de la mettre en prison, c'est la prison qu'ils mettaient en elle.
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