Sur l'île noire

Des années que je désirais lire Sonja Delzongle et le hasard a fait qu'au lieu de commencer par un de ses polars célèbres, j'ai suivi ses pas et sa réflexion métaphysique au coeur des Highlands, en une fin d'automne majestueuse, comme toute la nature écossaise, sur les bords du Loch Ness, entre Fort Augustus et Inverness, pour tenter d'approfondir le mystère Nessie.

Dès les premières pages, l'ambiance est restituée avec du style, sans emphase, mais offrant au lecteur de respirer, au fil de celles-ci, l'odeur de la tourbe, l'humidité pénétrante du loch, le parfum des nombreux mystères qui flottent au pays des fées et des fantômes et plus particulièrement celui de Nessie que Sonja a creusé intelligemment, avec délicatesse, sans chercher à convaincre quiconque de telle ou telle théorie, et surtout pas elle-même, afin d'emporter lors de son départ "la recherche de soi, de ses peurs et de ses rêves".

D'abord, le Loch Ness qu'elle contemple avec émotion depuis les ruines d'Urquhat, qui aiguise son sens de l'observation et qui favorise plusieurs rencontres qu'elle relate très naturellement, sans jugement, écoutant simplement ceux qui ont quasiment consacré leur vie au monstre.

La plus émouvante de ces rencontres est celle d'un vieil homme, Philip Williamson qui, malgré un premier contact plutôt bourru, va lui proposer de la conduire vers son propre mystère, sa douleur enfouie dans les profondeurs du loch, et donc sa quête éternelle de Nessie. Leurs échanges sont des moments intenses d'humanité, de silences plus puissants que les paroles, d'une compréhension voire d'une complicité qui s'installe entre eux.

Au coeur de son récit, elle raconte un écart qu'elle fait vers l'île de Skye où, dans ses paysages de titans, de rocs déchiquetés et de prairies débonnaires, elle est un formidable conteur de voyage. On aimerait parcourir tous les Highlands en sa compagnie, à la recherche des ponts où ont dansé les fées, dans l'ambiance des vieilles ruines où les fantômes vont et viennent.

Son enquête sur Nessie est également très documentée puisqu'elle évoque les nombreux témoignages, de ceux qui paraissent crédibles aux canulars montés de toutes pièces pour le plaisir de l'humour ou la volonté d'attirer les touristes.

Comme ce livre est court! On voit arriver les dernières pages avec regret et aussi, pour ma part, l'envie de retourner sur ces landes qui enserrent les lochs, autour de ces montagnes d'altitude modeste qui ajoutent au grandiose du paysage.

La brièveté de ce genre de livre est assez souvent le gage d'une réussite totale, l'essentiel étant dit, avec en prime, sur l'île noire, une poésie sublimée par la très belle écriture de Sonja Delzongle.

« Parce qu'un monde privé de monstres est un monde privé de poésie…un monde sans rêves et sans évasion. Un monde sans possibles et sans avenir ».

N'étant pas une lectrice de polar, ce fut ma première rencontre avec la célèbre Sonja Delzongle. Pour la découvrir, je trouvais que ce livre, « sur l'île noire », pérégrination écossaise, était une excellente approche pour cerner son écriture, sa sensibilité, sa poésie. L'auteure nous amène en effet au coeur des Highlands sur les bords du Loch Ness pour tenter de comprendre le mystère de Nessie, essayer de le cerner, de le sentir, de le ressentir. Tenter d'en faire le tour. Et surtout se comprendre elle-même, tiraillée entre croyance et savoir, entre imagination onirique basée sur la fascination pour Nessie depuis l'enfance et recueil de preuves.

« Nessie est une religion qui a autant d'adeptes que de détracteurs ou de sceptiques et de non croyants ».

Entre réflexions métaphysiques, errances en pleine nature, points historiques, ce livre est à mi-chemin entre l'enquête, l'analyse, le livre de voyage et le témoignage.
Je dois avouer que je n'ai pas apprécié de manière égale ces différents aspects. Si les références historiques m'ont donné l'impression par moment de lire un précis détaillé sur le Loch Ness et m'ont parfois un peu ennuyée – et pourtant ces références historiques sont une façon différente de cerner le sujet et de l'approcher, je le comprends bien- j'ai aimé en revanche sa vision de la nature, cette nature magnifique au charme irrésistible des Highlands, paysage découpé et tourmenté, en plein automne, fleurant bon la tourbe, senteurs magnifiées par le vent et la brume. Ces descriptions oniriques sont simples et belles, portées par quelques envolées poétiques remarquables. Sonja Delzongue nous embarque totalement dans cette atmosphère humide et pleine de mystères, où le surnaturel prévaut, ce lieu riche d'histoires et de contes.
De même, les descriptions des personnes rencontrées sont riches de poésie et d'empathie.

« Quelques rayons d'un soleil pâlot d'automne écossais plongent dans les yeux du vieil homme dont je n'avais pas encore remarqué la couleur surprenante. le même gris vert froid que celui du Loch Ness, cerclé de bleu indigo. Et dedans, beaucoup de lumière. Une lumière qui vient de l'intérieur. Celle des âmes fraiches et juvéniles. Sûrement un de ces rêveurs d'un autre monde. Nous nous sommes reconnus tout de suite ».

Ses pérégrinations ne se limitent pas au Loch Ness, l'auteure nous embarque dans d'autres endroits proches, telle que l'île aux fées, « rougeoyante, tourmentée, basaltique, désertique, lunaire, volcanique », endroits tous empreints de poésie, de mystère et de légendes.

Les questionnements, poussés, sur le rôle des monstres dans toute société humaine et les raisons qui font de Nessie l'un des monstres le plus célèbre sont intéressants. le façonnage de ce mythe est appréhendé avec subtilité et ses conséquences ancestrales sur les hommes narrées avec étonnement, respect et tendresse.

« Ces histoires de monstres reflètent ce besoin permanent et impérieux de l'humanité de croire, soit au divin, soit au démoniaque ou au surnaturel, dans une réalité qui nous assène implacablement ses lois et ses faits. Celle du Loch Ness n'y échappe pas. Rêver, vibrer, nous est aussi vital que respirer. Et les monstres nous y aident ».

Sonja Delzongle convoque la poésie d'autres auteurs comme Scott Walter dont les vers de « La Dame du lac » introduisent certains chapitres (d'ailleurs, l'origine de cette dame blanche nous est narrée et c'est une très belle fable), ou encore, entre autres, Dino Buzzati et « le désert des tartares », Arthur Conan Doyle et « le monde perdu ».

Embarquez avec Sonja Delzongle, qui se fait ici journaliste et poète, scientifique et croyante pour vous faire votre propre idée, pour savoir si, comme le dit Williamson, « dans ce loch, hormis des légendes, il n'y a sans doute rien que des poissons, des algues, et des galets »…

C'est avec beaucoup de hâte et d'excitation que j'attendais ce petit trésor. Car Sonja Delzongle parle ici de l'Écosse ! Un pays que je n'ai encore jamais visité mais rêve de cocher sur ma liste, en première position…Elle aborde un sujet tellement intéressant, qui fascine le monde entier depuis des générations : le monstre du Loch Ness. Où trouve-il ses sources ? Pourquoi sommes-nous tellement obsédés de savoir s'il existe vraiment ou non ? Qu'en est-il des témoignages, des recherches scientifiques, des soi-disant preuves ? S'agit-il simplement d'une machination pour attirer les touristes ? Mystère et boule de gomme…

« Ici, on parle du monstre au féminin. Un peu curieux, pour ce qui me paraît être davantage un vieillard solitaire, rescapé du fond des temps. »

Pour ma part, j'en fais tout un plat. le monstre du Loch Ness est un mythe qui me turlupine depuis mon enfance. J'ai toujours voulu savoir quelle était cette bête ou cet animal ou ce quoi que ce soit qui vive dans ces eaux. Mais pourquoi est-ce si important, au fond ? Soit il y a quelque chose, soit il n'y a rien. Et pourtant, cette histoire continue encore aujourd'hui de faire jaser ! Pays de landes, de tourbe, de lochs, de pubs, de cornemuses, de brume, de gouttelettes de pluie et de cieux changeants, de whiskey, de châteaux et de fantômes, l'Écosse est, de façon générale, une terre mystérieuse et terriblement attirante. Elle a quelque chose à part, qui fait vibrer. Avec ou sans monstre. Et puis, ce Loch Ness, comme il semble beau ! On dirait, même en images, un lieu surgi d'un décor magique, quasi surnaturel, qui a tout pour nous faire s'extasier.

J'aime beaucoup la façon dont Sonja Delzongle parle de son aventure, de ses interrogations, de ses rencontres, la façon dont elle décrit les décors naturels sublimes qu'elle a sous les yeux. On peut voir à travers les siens et ressentir l'aura de mystère qui plane tout autour, à travers les nuages et la brume, qui s'effilochent. Savoir ou ne pas savoir…
Il est facile de se laisser emporter, l'engouement est réellement contagieux.

Si un jour je voyage en Écosse, sans doute tenterai-je moi aussi d'apercevoir quelque chose, le coeur battant, et qui sait…

« L'existence d'un monstre dans le Loch Ness n'ayant jamais été scientifiquement prouvée, elle reste donc une possibilité renouvelée à chaque échec. Il n'y a pas d'impossibilité ici. Peu de probabilité, peut-être, mais pas d'impossibilité. C'est dans cette faille que se sont engouffrés ceux qui pensent que Nessie existe. Dans cette éventualité, aussi ténue soit-elle. Et l'attente n'a rien de passif. le fait même d'attendre devient une action. Rester sans rien faire ni attendre serait de la passivité. »

En mon fort intérieur, je ne sais que croire. le petit ouvrage de l'auteure m'a fait me questionner un peu. D'une part, je ne vois pas qu'est-ce qui serait si fou que cela qu'une espèce de poisson préhistorique habite dans ce lac plutôt qu'ailleurs; d'un autre côté, il est un peu étrange que si peu de gens sur tous ceux qui ont circulé dans le coin depuis le temps n'aient jamais rien vu. Et pourtant…

« Pourquoi croire à l'existence du monstre du Loch Ness serait-il plus ridicule que de ne pas y croire ? La vérité est là où l'on veut qu'elle soit. Chacun en fait ce qu'il souhaite. La garder pour lui ou la faire exister au travers de témoignages, même douteux, sans preuves scientifiques. Mais toute vérité n'est pas démontrable, tandis que les fantasmes se contenteraient d'une ombre à la surface du loch, d'un tronc zoomorphe, d'une tête d'otarie égarée ou d'un sillon tracé par un esturgeon comme preuve irréfutable de son existence. »

J'ignore ce qu'il en est, mais l'enfant en moi aime à penser qu'elle existe, Nessie. Et au-delà de tout cela, n'est-il pas plaisant que ce mystère continue de planer, de titiller l'imagination ? Tant que le doute subsiste, l'histoire reste excitante, la légende reste vivante, le rêve reste tangible. Et puis, savoir enfin – peu importe la réponse – ne viendrait-il pas briser le sort ? Mettre un point final ?

C'était la première fois que je lisais Sonja Delzongle mais il est clair que je m'attarderai à ses autres livres également, car sa plume est tout-à-fait divine, sa poésie envoûtante. C'est une conteuse que l'on aimerait écouter longtemps. J'ai beaucoup aimé sa façon délicate d'aborder le sujet sans poser de jugement. D'aucune façon, jamais, nous n'avons l'impression que ses mots tentent de convaincre, de forcer une idée. On s'abandonne, plutôt, tout simplement...À mi-chemin entre le documentaire et le récit de voyage, on se laisse emporter et c'est fort agréable ! Merci à Wyoming pour les magnifiques citations qui m'ont permis de découvrir ce titre. Ce court bouquin a été comme une bouffée d'air frais, ça m'a donné envie de faire mes valises sans plus attendre et j'ai vraiment adoré !

LECTURE THÉMATIQUE D'AOÛT: LIRE EN COULEURS

Une escapade sur les bords du Loch Ness à la recherche du monstre mythique, ça vous tente ?
Cette auteure de polars est intriguée depuis toute petite par Nessie et elle a décidé de passer quelques temps en Ecosse pour explorer la région et rencontrer d'autres personnes tout aussi fascinées ou dingues, c'est selon, par le célèbre monstre.
Ce livre est à mi-chemin entre le récit de voyage, l'enquête et le témoignage, elle nous parle de sa découverte de l'Ecosse, elle nous relate ses pérégrinations hivernales, car elle a choisi de faire son voyage en dehors des périodes touristiques, elle nous fait part de ses découvertes concernant des faits historiques et nous raconte nombre de légendes liées à des fantômes ou des créatures relevant de la cryptozoologie.
J'ai été envoûtée par cette balade écossaise, j'ai marché avec elle sur les bords du Loch Ness, j'ai fait des rencontres étonnantes, j'ai été étourdie sous le vent et la brume, j'ai goûté les mêmes whiskies tourbés, ce qui a été d'autant plus évident pour moi que je suis réellement allée aux endroits où elle est allée, ayant passé plusieurs étés à sillonner l'Ecosse.

Ce que j'ai ressenti:

« Ici, on parle du monstre au féminin. »

Même si, au fond, je sais. Je sais que Nessie est vivante, je sais que la magie existe et je sais aussi que ce livre nous ramène à cela, à ce petit moment entre le doute et le savoir intime…Sur l'Ile noire, Nessie, ce monstre crée des folies, des passions, des doutes et des aventuriers, mais Elle est Poésie. Elle est, rêve insaisissable, avant tout. Et c'est pour cela qu'on l'aime autant et qu'elle continue de nous fasciner, à travers le temps et l'espace, dans nos esprits ou dans nos livres, elle se glisse entre nos mondes. Nessie, tu es légende ou créature timide, mais le monde a besoin de toi. C'est une évidence et à travers cette enquête passionnante, j'ai découvert le pouvoir de l'enchantement…Merci pour ça, Sonja Delzongle, pour raviver la petite flamme de nos imaginations en ces temps troubles…

Je savais aussi, qu'avant même d'ouvrir le livre, que j'allais adorer cette virée parce que c'est une journaliste/autrice de talent comme Sonja Delzongle qui nous invite au voyage en terres écossaises…Et cette conviction a été confirmée puisque je ne peux qu'adhérer à son mode SLOW, à cette réflexion sur le mythe et à son investissement personnel pour nous faire vivre ce récit de manière aussi captivante. On est là-bas dans les Highlands, entre les lacs et les chasseurs de monstres, les fées et les fantômes, les croyances et les canulars, à essayer de saisir le plus grand mystère de ses eaux…Et c'est cette exploration des études scientifiques, des témoignages et des descriptions des lieux qui rendent le tout, incroyablement addictif et monstrueusement fantastique!

Je sais qu'un jour, j'irai la-bas. Pour m'approcher du mythe, toucher l'eau, peut-être faire un tour de barque sur le Loch Ness. Pas pour croire ou avoir la conviction, juste pour le plaisir de rêver Nessie. L'imaginer. Je veux espérer un monde où, elle aurait une place, mais je suis heureuse qu'elle reste aussi mystérieuse et invisible, parce que je ne pense pas que le monde soit prêt à laisser vivre en paix, une telle créature…

Toucher le Loch Ness, c'est comme toucher un rêve.


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