Jeanne fait trois voyages à l'aéroport, trois escales qui l'amènent peu à peu à se dévoiler au lecteur, mais aussi à reprendre pied dans sa propre vie.
Il y a d'abord la souffrance. On comprend qu'on accompagne le personnage alors qu'elle en est à son point de fracture, sur le bord de l'abime. Et puis on remonte le fil des souvenirs. Ses parents dont elle a « l'impression de porter le bonheur fragile » entre ses mains, son frère qui « prend de la place. Toute la place. Toujours. Tout le temps » avec sa différence, « son diagnostic [de] trois mètres de long avec plein de lettres mélangées comme si on jouait au Scrabble ». Puis il y a son besoin de trouver quelque chose à quoi se raccrocher. On la sent qui tangue. Partir pour l'Ailleurs, ou pas. Arriver à demander de l'aide, ou pas. Et au fil de ses présences à l'aéroport, on la voit cheminer, remettre en question sa vie, sa peine, sa solitude, son envie de partir. Jusqu'à la finale, plus lumineuse que ce qu'on aurait pu croire au départ.
Pour porter cette histoire bien particulière,
Nadine Descheneaux utilise une langue travaillée, courtepointe d'images, et exploite toutes les possibilités de l'aéroport, traçant des parallèles entre la vie qui s'y trouve et les pensées de Jeanne. C'est un récit lent, presque hypnotique, ponctué de passages plus forts, de moments plus introspectifs, toujours avec le fil d'Ariane du départ.
« J'étais venue me reconduire. Je repars avec moi. »
Un livre singulier, inattendu, une oeuvre à relire quelques fois, pour la savourer, mais aussi pour en comprendre toute la portée.
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