« le premier mouchoir célèbre qui tombe à mes pieds et dans mon coeur est celui de la duchesse de Chevreuse" (p. 19).
Quand, à 10 ans, vous rêvez qu'un mousquetaire garde votre mouchoir brodé en souvenir de vos amours, quand Tintin, reporter célèbre, devient votre héros et que
George Sand, femme libre et aventureuse, est votre deuxième maman, ne vous étonnez pas de garder un esprit romanesque et curieux, butinant de-ci de-là de quoi donner corps à votre imaginaire !
C'est en tout cas l'impression qu'il me reste de cette évasion dans le monde de l'artisanat que raconte
Bérengère Desmettre. Si d'emblée j'ai pu relier le mouchoir délicat, la folie des rubans, les gants raffinés, l'éventail joliment peint, d'une duchesse se pâmant en écoutant un air de clavecin ou un archet voletant sur les cordes d'un violon, j'ai eu du mal à y associer un cadran solaire, une marionnette grimaçante et des azulejos.
Mais, faut-il nécessairement un lien pour parcourir les mille et une facettes de l'artisanat ? La preuve que non. le livre de
Bérengère Desmettre ne doit pas être lu d'une traite, dans un enchaînement logique. C'est une promenade sans boussole qui permet le dépaysement au fil des pages, la rencontre avec un tailleur de pierre ou un fabricant de cannes, où l'odeur de la cire d'abeille s'accommode des santons de la crèche, où de jolis oiseaux empaillés écoutent sans trilles les sons harmonieux d'une boîte à musique.
Tout ceci est un vagabondage à travers la perpétuation d'objets anciens, techniques, usuels, ludiques, évanescents, c'est une flânerie poétique et fantasque sur papier glacé qui n'est pas que futile ; il est complété par un glossaire richement fourni et des adresses de musées ou d'artisans souvent bien efficaces si l'on veut connaître l'utilité d'un objet qui se transmet à travers le temps ou si l'on cherche à réparer une vieille girouette. Ma préférence va à la fabrication et au langage de l'éventail aussi imagé que celui des fleurs.
Que serait l‘objet d'art sans l'image correspondante ? de belles photos agrémentent les textes comme aussi des citations d'oeuvres classiques.
Il n'est pas nécessaire de posséder une rapière à la garde ciselée pour conserver dans un coffret de bois précieux le mouchoir au chiffre d'une bien-aimée. Ni d'être en amour avec
Alexandre Dumas ou
George Sand. Ni même d'être propriétaire d'un cabinet de curiosités. le plaisir des yeux suffit. La passion de l'auteure est partout, souvent enfantine dans la confidence, mais elle sait se faire plus soignée dans l'analyse de l'objet.
Un tout grand merci à l'opération Masse Critique à aux éditions Riveneuve qui m'ont permis ces détours dans le petit monde du savoir-faire des artisans.