Louise est une jeune fille de treize ans, de père inconnu et dont la mère a dû partir travailler à
Paris, la plaçant à Bobigny en apprentissage chez un maraîcher.
Louise dort sur une paillasse, mange maigrement et se prend régulièrement des roustes de la part de son employeur, même si elle a aussi Bernadette pour veiller sur elle. Bernadette, cette femme arrivée à
Paris en même temps que la mère de
Louise, et qui les a prises sous son aile. Cet incroyable personnage, cuisinière unique aux confits merveilleux, cette femme curieusement attifée au tempérament fort et plein de fierté. Celle qui aussi, voit les fantômes et se dit habitée par
Victor Hugo, récemment décédé.
Le roman s'articule en plusieurs temps forts, entre Bobigny et
Paris. Il est question du dur travail de maraîcher, mais aussi de l'amour de la terre, d'un Bobigny aux terres grasses et fertiles où personne n'aurait jamais l'idée de construire une ville. J'ai souri en songeant aux principes de permaculture qui reviennent à la mode, auxquels fait ici écho le bon sens de
Louise, qui sait déjà associer légumes et fleurs entre eux pour tirer le meilleur parti de chaque élément.
On se promène également aux Halles, à
Paris, sur la Seine. On glane des anecdotes sur les morts exposés à la morgue, l'attraction à la mode. On traverse un quartier Mouffetard populaire avant de retourner dans les superbes demeures cossues au sud de la Seine, plus à l'ouest. On se rend au marché aux fleurs. Et l'on croise partout l'eau, celle qui amène à
Paris, celle qui serpente entre ses ponts. L'eau dangereuse qui un jour attrapera
Louise si elle n'y prend pas garde, d'après Bernadette.
J'ai aimé cette plongée dans
Paris et ses environs au XIXe. Plus d'une fois, j'ai pensé à
Zola ou savouré les déambulations dans les quartiers que j'affectionne, et qui ont plus ou moins changé, mais pas toujours autant qu'on pourrait l'imaginer. La représentation d'une classe travailleuse opposée aux nantis est intéressante. On croise différents métiers, divers degrés d'indépendance ou de servitude, et parfois, une relation aux maîtres moins linéaire qu'il n'y parait. La confrontation de la ville et de la nature, faite d'oppositions et d'associations, est un sujet particulièrement fascinant : modes de vie différents, rapport utilitaire ou esthétique à la terre. Par exemple, il est inconcevable pour une riche famille d'utiliser son grand jardin pour un potager. Les Halles sont là pour les approvisionner.
Il est aussi question de filiation à travers les rapports mère-fille, père-fils, mais aussi mère spirituelle et parents aimés ou non, présents ou non.
Louise, de père inconnu, a les cheveux indomptables d'
Alexandre Dumas, auquel il est fait plusieurs fois allusion pour suggérer ses origines métissées.
Un roman historique généreux et vraiment très agréable à lire. Il s'inscrit dans la grande lignée des romans du XIXe regorgeant de détails sur la période, tout en apportant une certaine fraîcheur avec des personnages modernes, et pour autant crédibles. Je ne manquerai pas de lire les autres titres des Filles du Siècle maintenant.
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