Le Jour des caméléons

Alors que l'île Maurice s'embrase de toute part, le violent chef de bande Zigzig tient dans ses bras Sara, une petite fille de 10 ans à la robe blanche maculée de sang. Ananda Devi fait ensuite un retour en arrière et met en scène deux autres personnages, un homme dépressif et une femme qui vient de quitter son mari. Ces quatre personnages vont se retrouver pris dans un engrenage où la folie des humains et la colère sismique de la terre se mêlent, jusqu'au point de non-retour, sous le regard tranquille des caméléons, témoins de la chute de l'espère humaine.

Voici un roman envoutant à l'écriture incroyable qui donne la voix aux différents protagonistes ainsi qu'à l'île elle-même. Nous sommes loin de la vision idyllique de carte postale de l'île Maurice. Ici, la vie est brutale, les inégalités sociales font rage et les jeunes frustrés n'ont d'autres recours que de se vouer à l'utra-violence et à la consommation de drogues.

Ananda Devi nous parle d'un monde qui part à la dérive dans lequel les apparences et la superficialité règnent et dans lequel chacun souhaite toujours plus. Les drames du monde, visionnés sur nos écrans de téléphone, sont aussitôt digérés et oubliés. Sauf que quand l'on passe de spectateur à victime, l'effroi s'installe bel et bien, l'univers autour s'effondre et le monde d'avant n'existe plus.

Je suis entrée très rapidement dans cette lecture dépaysante et dans la psychologie des personnages. Puis, le récit m'a semblé prendre une autre tournure, plus engagée et dénonciatrice - voire moralisatrice - pour terminer en apothéose.

Malgré la noirceur de ce récit, l'autrice nous offre un beau moment de poésie avec son écriture charnelle et évocatrice qui nous prend aux tripes et nous secoue.

Allez-y ! Entrez dans les entrailles de la terre, laissez-vous hypnotiser par l'iridescence des caméléons qui, dans l'indifférence des hommes, attendent le bon moment.

Pas question de nous installer dans l'apaisement possible avec ce roman où le réalisme aux descriptions très aigues rend une réalité transparente. L'auteure noue une proximité avec chaque personnage, conscient et lucide de tout ce qui l'a fait être tel qui l'est. Cela induit de souhaiter des choses pour eux. Mais l'histoire de l'île ne nous appartient pas. Les événement du roman non plus. le jour des caméléons dit beaucoup sur ce qui est advenu et peut advenir. On a beau en voir de toutes les couleurs nous n'avons ni les capacités des caméléons ni le talent d'Ananda DEVI.

Sans doute le roman le plus politique d'Ananda Devi, comme elle le dit elle-même.
Un genre de tragédie où l'île volcanique n'est pas une simple toile de fond, mais un vrai personnage. Au même titre que Zigzig le jeune délinquant devenu chef de bande, René, gentil looser et sa nièce Sara, déjà femme avant d'avoir pu vivre pleinement sa vie de petite fille et Nandini, femme entre deux âges perdue dans un mariage stérile. Et que les caméléons, arrivés de Madagascar par bateau, passagers clandestins.
Mauricienne moi aussi, je pense que le roman d'Ananda Devi prend toute sa signification pour celles et ceux qui connaissent les réalités de la société mauricienne, de ses inégalités criantes et croissantes, de son hypocrisie et de son cloisonnement, loin, très loin effectivement de la publicité touristique.
Un roman coup de poing, A lire de toute urgence.

Bonsoir,
Je vous parle aujourd'hui d'un ouvrage très particulier « le jour des caméléons » aux Editions Grasset et Fasquelle. Il fait partie de la rentrée littéraire 2023 et l'autrice Devi-Ananda a eu le prix de la Langue française à Brive cette année.
Ce roman, d'une très belle écriture, nous entraîne dans le chaos d'une société. En l'occurrence l'Ile Maurice et elle nous donne une image tout à fait opposée à celle des tours opérateurs. Elle nous installe tout doucement dans une atmosphère moite, oppressante qui nous met dans l'ambiance du chaos dans lequel l'ile va se retrouver. Une histoire sur l'humanité, sur les luttes indépendantes des couleurs, religions des protagonistes, une histoire où la nature reprend le dessus.
J'ai beaucoup aimé l'écriture qui nous installe lentement dans cette atmosphère oppressante.

Ananda Devi nous livre un roman qui est à la fois un drame sociologique, un conte contemporain et une réflexion sur l'avenir de la planète et des hommes. C'est un livre qui bouscule, qui fait naître des sentiments contradictoires vis-à-vis des héros. Des personnages bien différents mais qui, au final, ont tous une part d'humanité et de violence en eux, ni victimes ni bourreaux.
La plume poétique parvient presque à nous faire oublier les drames qui se jouent.
Et les caméléons en observateurs, juges et prédateurs m'ont séduit.
Une belle lecture de la rentrée littéraire dont le sujet m'a rappelé Tropiques de la violence de Nathacha Appanah.

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L'histoire se déroule sur l'île Maurice. Endroit paradisiaque pour beaucoup mais aussi une terre exploitée de tous temps par des puissances étrangères, où vivent, dans la misère et la violence, tout un monde d'ethnies, de religions et de classes sociales différentes.
Quatre personnages vont apporter, à leur manière, le chaos. René et sa nièce Sara, Bandini qui vient de quitter son mari et Zigzig, un chef de bande qui cherche vengeance. Des héros qui sont tous blessés par la vie, à des degrés différents, et qui vont plonger dans la violence sous l'oeil des caméléons qui attendent leur heure pour vivre en paix, l'heure où les hommes auront tout détruit.

Un livre qui permet de nous poser des questions sur nos comportements avec les hommes et la nature.

Ananda Devi, originaire et imprégnée de la culture indienne tout comme de nombreux mauriciens, écrit ses romans en français. Ces oeuvres présentent une vision de Maurice, loin de l'image idyllique souvent véhiculée par les catalogues de voyage. Loin de cette luminosité, ses écrits, notamment "Le jour des caméléons", entament une chronique annonçant le chaos : une île fraîchement indépendante sombre dans les tensions et les divisions, héritées d'une histoire complexe et tourmentée.

L'intrigue se dessine comme une tragédie antique, réunissant quatre protagonistes : une femme affranchie des liens conjugaux, un vieillard désorienté, sa nièce, une jeune fille d'une fraîcheur trop innocente, et le leader d'une petite bande de voyous de la banlieue de Port Louis. L'auteure et le destin les guident non loin du Caudan, le front de mer emblématique de Port Louis, les plaçant au coeur des affrontements entre deux bandes rivales. Pendant ce temps, les caméléons observent silencieusement les humains courir à leur perte, débarqués d'un navire à Port-Louis, probablement en provenance de Madagascar. Une histoire captivante...

Très bien écrit, des descriptions que j'ai eu plaisir à lire, des histoires de vie qui se croisent et s'entremêlent de façon dramatiques.
Par contre la chute finale fait pchhhttt, on ne comprend pas trop l'intérêt du volcan ni finalement des caméléons...