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3,31

sur 114 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Point de départ d'un album de famille: la vieille porte d'un ancien lazaret face à Saint-Nazaire, décor des jeux d'un jeune pêcheur dans l'estuaire de la Loire.

Le petit Patrick grandit, dans cet établissement devenu psychiatrique, qui sera fermé dans les années 50 et dont la porte maintenant menace ruines.
Devenu adulte, grâce aux archives familiales, il entame un road trip dans les pas de ses disparus, depuis une petite fille née au Caire en 1860. Par ce carnet de voyage très personnel, plusieurs générations traversent un siècle de vie française, bousculé par deux guerres mondiales.

Ce faisant, l'auteur, comme à son habitude, n'arrête pas de digresser (voyages, rencontres, achat de voiture, actualités...), évoquant les "à côté" de cette aventure littéraire, qui s'avère être plutôt une enquête généalogique, sociale et historique. La précision est pointue, les détails nombreux, la documentation fouillée et l'érudition avérée. Il faut accepter de se faire balader dans la grande et la petite Histoire, dans une chronologie distordue.

Si certains peuvent craindre une surcharge narrative (à raison, on étouffe parfois sous tant de détails), la plume vive et alerte, produit un récit foutraque, parfois amusant et décalé, aux personnages réels mais à stature romanesque. Il y a un petit grain de folie dans le regard de ce romancier là...

Du Patrick Deville pur jus!

Rentrée littéraire 2017
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Je suis tombé un jour sur les caisses d'objets laissées par Monne la soeur de papa,
dans la maison de l'Océan, après avoir effectué un tri entre les objets inutiles du passé et les documents soigneusement rangés par ma tante, j'ai pu mettre de côté un monticule d'archives, identique aux minutes d'un notaire.
C'est un peu ainsi que Patrick Deville a présenté son livre Taba-Taba aux lecteurs de la librairie " le silence de la Mer" à Vannes.

Depuis les années 1860, jusqu'aux années récentes ces archives dessinaient une toile, une sorte d'itinéraire permettant de couvrir l'ensemble du territoire national, comme l'aurait fait un petit enfant au hasard d'un gribouillage.
Ce voyage commence à lazaret, sous le signe de l'Empereur des Français le 21 mai 1862, à la pointe de Mindin, rive gauche de la Loire.

Ce long voyage le mènera à Antananarivo, dans la grande maison de Denis Bisson, seul avec Taba-Taba, pour évoquer l'insurrection du 30 mars 1947, celle qui devait marquer à vie Taba-Taba.

Pour Patrick Deville, 1962, signe le début de la mondialisation, la mise en connexion de l'ensemble de la planète, à partir de ces années tout événement fut-il déclenché en extrême Orient, ou sur les rives de la Loire, pouvait avoir des incidences sur l'ensemble du monde.

La vision de Patrick Deville est intéressante, j'ai retenu cette idée que la France n'était pas pas seulement un territoire, mais pouvait susciter par sa culture et sa langue, un intérêt pour les peuples les plus variés.
C'est sous la plume de Romain Gary que l'on trouve cette phrase, "je n'ai pas une seule goutte de sang français mais la France coule dans mes veines". Page 142

Il n'est donc pas surprenant qu' Alexandre Yersin, Cendrars ou Trotsky soient présents dans cette fresque, ils s'y promènent en tous sens, tels des balises que l'auteur aiment solliciter pour s'y accrocher, ou pour s'y reposer comme des bigorneaux, parfois langoureux.

Sa famille restera pour moi comme une énigme, car de multiples pages consacrées à son père, renvoient à si peu de mots pour évoquer sa mère restée semble t-il scotchée à sa maison des environs de Barbizon, Chally-en- bière.

Ce long périple est aussi l'occasion pour Patrick Deville de raconter son enfance à Lazaret, où il côtoyait les fous jusqu'à l'âge de huit ans.


Une enfance pourtant vécue de façon animée et de découvertes des trésors marins : "entre mes sandalettes, chacune de ces flaques est une réduction de mer intérieure avec ses falaises, ses végétations d'algues flottantes qu'il faut écarter comme une chevelure pour débusquer les crabes pince-sans-rire, suivre la panique des crevettes transparentes et parfois des civelles ou des alevins de mulets."


C'est aussi l'occasion pour lui de mettre à nu ce corps au bassin bancal, qui le laissa handicapé avant que le Dr Bretonnière, ne redresse l'enfant par une greffe en butée. Un an d'immobilisation annoncée ; le garçon s'enfuyait déjà en crabe, il fut rattrapé au lasso, et l'opération fut une réussite.
Sa convalescence lui permis d'élargir ses lectures Monne lui ayant appris à lire.

Les dernières pages finiront par dévoiler son amour pour la jeune Véronique Yersin. C'est une douce mélancolie qui berce cette complicité, les années effacent les chagrins, et pour l'historien un cycle s'achève.
Demain un autre itinéraire sera à imaginer, la très belle prose de Deville saura nous enchanter et remuer en nous notre soif de nouvelles découvertes, un autre grenier, qui sait ?

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Comment parler d'un livre qui vous échappe sans cesse au cours de sa lecture et lorsque vous le refermez pour vaquer à autre chose, d'autres lectures sans doute, il vous manque déjà ?... Car c'est l'impression que m'a donnée la lecture de Taba-Taba. Son auteur Patrick Deville nous égare sans arrêt dans ce road movie surprenant et atypique.
Il y a quelque chose de touchant dans ce voyage qui vous mène depuis Saint-Nazaire jusqu'aux terres ensanglantées de Verdun, en passant par le Caire, Managua, Khartoum, Rome, …
Il est impossible de raconter Taba-Taba sauf dire qu'il est grandement autobiographique et que l'auteur, en allant chercher par monts et par vaux l'itinéraire chaotique des siens depuis le Second Empire, ne parvient sans doute pas à recomposer totalement le puzzle d'une histoire familiale éclatée, ballottée par les guerres, jetée sur les routes ; tout juste parvient-il à tenter d'apaiser une douleur qui remonte depuis l'enfance. Ce texte est une longue digression.
Patrick Deville a mis à sa disposition de nombreux documents, courriers, carnets de voyage, archives familiales, rassemblés au gré des guerres et des déménagements. C'est une richesse, une chance, alors que parfois dans certaines familles tout est détruit, rien n'existe plus comme trace d'un passé. Ce texte est érudit, fouillé. Il visite la Grande Histoire par les gens de peu que nos parents et grands-parents furent… Car Patrick Deville, en parlant des siens, parlent forcément des nôtres et c'est là que vient l'émotion aussi.
Taba-Taba nous parle du déracinement et de l'exil. Nul besoin forcément de partir loin pour connaître cette douleur. Mais Patrick Deville cherche à aller plus loin, prendre des avions, des trains, une Passat,… sortir du cadre pour mieux comprendre, questionner, dire l'impossible face au tumulte du monde. C'est là qu'il s'en va si loin…
C'est un livre fait de pudeur. Il sait interroger les siens à travers le temps, sentir ce qu'un homme ressent au crépuscule de sa vie, avec les peines et les regrets… Il sait dire ce qu'une vie est faite par ces accidents que sont les histoires d'amour, les rencontres magnifiques qui furent et celles qui sont à jamais manquées,…
En questionnant la Grande Histoire, il nous étonne aussi par ces petits riens que l'on ne trouvera jamais dans aucun manuel scolaire. Ainsi, qui se souvient que la première guerre mondiale a rendu la terre de onze départements de France, soit un septième du Pays, stérile pendant sept siècles… ? Et ce poème tant glorifié dans les cérémonies et les enterrements : « tu seras un homme mon fils » ? Il ne sera désormais plus possible de l'entendre comme avant sans penser à la terrible et fatale injonction qui poussa son auteur Rudyard Kipling à l'écrire pour son fils aux prémices de la Grande Guerre…
Nous refermons ce livre et nous pensons aussi à nos enfants…
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Magnifique roman où Patrick Deville se confronte à l'histoire de sa famille en partant des archives laissées à sa mort par Monne, sa tante. Un enfant se souvient… C'est aussi une grande fresque romanesque sur la France, du Second empire aux attentats qui ont ensanglanté notre pays récemment. On est porté par une narration bien maîtrisée avec de magnifiques digressions. On passe du microscope au macroscope. Un livre épique et beau.
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Cette fois-ci, c'est en France, que Patrick Deville nous fait voyager sur les traces de sa famille. J'ai eu toujours autant de plaisir à le suivre dans ses pérégrinations, dans ce pays qui m'est plus familier et donc plus facile à imaginer. Par contre, l'auteur a lui toujours autant de plaisir à nous perdre dans les détails et de nombreuses digressions, qu'il assume pleinement en se posant la question: "jusqu'à quel point on pouvait saturer un cerveau d'informations, de dates, de noms, de lieux, d'oeuvres et de théories avant qu'il ne sombre dans le chaos, incapable d'ordonner les milliards de connexions neurones et protéiques au fond du petit hippocampe.".
Autant la famille paternelle est omniprésente dans le livre puisqu'elle en est le sujet, la mère est à peine abordée ! Cela nous présage-t-il un autre livre sur l'histoire de la famille maternelle ?
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Ceci n'est pas un roman , ou alors un roman sans fiction.
Taba Taba est le surnom d'un amnésique ne sachant qu'ânonner ces mots sans relâche étonnant malade qui devient le camarade du futur écrivain. C'est dans l'ancien Lazaret de St Brévin près de St Nazaire que grandit l'auteur , cette vieille bâtisse est devenue un hôpital psychiatrique . le père de l'enfant en est le directeur et durant les années de souffrance passées dans un corset de plâtre , c'est sa tante Monne qui lui apprendra les belles lectures.
Quand Momme part pour toujours, elle laisse derrière elle trois pièces remplies d'archives. C'est en essayant de tirer un fil que P.Deville nous embarque dans un phénoménal voyage en Passat à travers la France , un voyage dans le temps aussi ; c'est vers 1860 que débute au Caire l'histoire de cette famille. Nous sommes amenés à traverser les deux guerres, la Résistance, l'exode , tous les soubresauts de notre pays . On visite Soissons, St Quentin, Chartres , on parle d'Hugo etc, des échos également en Afrique et en Amérique du Sud. On en arrive aux attentats de Charlie Hebdo .
C'est un beau voyage, émouvant , mais P.Deville pose tout cela comme un puzzle , pas de ligne droite, l'auteur avance, revient sur ses pas, les digressions sont multiples, comme s'il voulait remettre sa mémoire en ordre, en anthropologue.
Cela donne une superbe lecture qui sort de l'ordinaire certes, mais j'avoue honnêtement avoir eu quelques difficultés à maintenir longuement mon attention ;
il faut beaucoup de disponibilité pour vraiment l'apprécier.
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Qu'est ce qui a fait Patrick Deville, ce petit garçon, cette "crevette", qui a vécu ses premières années derrière les murs du Lazaret de Mindin, en face de St Nazaire, cet hôpital psychiatrique où son père anime une troupe de théâtre, éprouvant une étrange fascination-amitié pour un pensionnaire, "solitaire ténébreux", scandant sa solitude de l'obscure litanie taba-taba-taba/taba-taba-taba, alexandrin parfait adressé à l'adversité?

Est-ce sa famille dont il déroule un historique tout à la fois romanesque et scrupuleux, grâce aux 3 m3 des archives de cinq générations, léguées par la tante Monne, rescapées de combien de pertes et de hasards ? Journaux d'époque, correspondances, photographies, journaux intimes, répertoires, factures, courriers administratifs lui permettent, une année durant, d'organiser un grand jeu de piste à travers la France, au volant de sa Passat : il n'est pas du genre à se contenter de la paperasse, Deville, il veut retrouver les lieux, il veut voir, il veut sentir, il veut rêver. Il veut imaginer ces fantômes d'ancêtres se glissant dans les rues, pêchant dans les ruisseaux, échappant aux obus, se cachant au maquis...

Est-ce notre histoire française, ses guerres sans cesses enchaînées, ces der-des ders préparant la suivante, dont le traumatisme se transmet au-delà des mots, trouvant son apogée dans les actes terroristes qui frappent nos territoires paysagers et intimes?

Est-ce l'histoire mondiale, de conquêtes en colonies, à la rencontre desquelles il s'envole en alternance avec son périple des campagnes et villes françaises (Wikipedia nous l'expliquant puisqu'il est directeur littéraire de la Maison des écrivains étrangers et des traducteurs de Saint-Nazaire, )?

C'est bien sûr tout cela qui l'a fait, fruit de tant de hasards qu'il aurait tout aussi bien pu ne jamais être là. C'est ce qui a fait cet esprit curieux, passionné, érudit, avide de détails inutiles qu'il rend indispensables, d'histoires et de souvenirs, de lectures et de voyages, organisés dans des digressions, des associations temporelles ou spatiales, livrés au lecteur dans un feu d'artifice foisonnant : émotions, noms célèbres ou inconnus, citations, lieux, événements historiques ou intimes étroitement mêlés. Dans la luxuriance et l'emportement, rares sont les instants où l'on frôle la noyade face à ce déferlement.

Le récit emporte brillamment la gageure d'une ambition folle qui cherche à l'exhaustivité : décrire un homme, c'est décrire le monde. Et cet homme, amalgame de tant de choses, de tant de gens, de tant de lieux, de tant de siècles, cet homme lucide se veut optimiste quand le monde part en vrille: et alors, ce monde ne le fait-il pas depuis des siècles et des siècles? C'est par un charme fou, un humour malin, une fantaisie jamais épuisée, un sens du romanesque captivant, une attention à l'autre et un amour partagé que Patrick Deville donne sens à tant de sacrifices dans les diverses boucheries des siècles passés.

Ici, la littérature, modelant habilement réalité et fiction entremêlées (il parle de roman sans fiction), répond à nos interrogations essentielles, en quelque sorte. Arrivée éblouie au terme de ce roman universel et intime, je ne sais plus au final si la question est : qu'est ce qui a fait Patrick Deville, ou : qu'est ce qui fait le monde.
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À la rencontre. du parcours de sa famille. Un plaisir à lire, on a envie de parcourir ces petites routes francaises
Très bon moment de lecture.
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« Bourlinguer »… L'Auteur, Patrick Deville, se revendique de Cendrars et suit sur 4 générations les parcours de vie de quatre protagonistes de sa parentèle, mêlés aux turbulences de leurs époques, y compris les deux guerres mondiales. Avec ces existences particulières, Deville élabore une fresque du monde contemporain en adoptant, depuis le lieu de son enfance, l'hôpital psychiatrique de Mindin en Loire Atlantique, un « point de vue satellitaire » . Pour lui, par exemple, notre société, composée de plus de morts que de vivants, a été marquée à long terme par les Saint Simoniens, et l'action de grands entrepreneurs, tels les frères Pereire, créateurs des chantiers de Saint-Nazaire, voisins du Lazaret de Mindin.
Cette société a connu une histoire mouvementée, pleine d'aléas, tant dans les destins individuels que nationaux ou internationaux. Dans le regard que pose sur le monde l'écrivain/philosophe/historien, rien n'est écrit d'avance, tout est régi par le principe d'incertitude.
Toutefois selon la formule du Général, « Tout se tient dans le monde d'aujourd'hui », un évènement dans un pays proche, une équipée aventurière dans un pays lointain, peuvent avoir des effets « papillon » sur nos destinées. D'où les rapprochements, la mention de coïncidences, de concomitances, d'un continent à l'autre, qui entraînent des digressions - parfois ressenties comme intrusives par le lecteur, mais qui prennent sens dans la réflexion de l'auteur, ou renvoient à des personnages réels - comme Walker ou Yersin, acteurs principaux dans « Pura vida » ou « La peste et le choléra ».
« Aspiré par le gouffre du passé, perdu dans l'espace et le temps » l'auteur suit minutieusement les parcours individuels tant par la lecture d'archives complètes tombées entre ses mains, que par une documentation recherchée ou un retour sur le terrain. Nous avons sous les yeux l'oeuvre, mais aussi ses règles d'élaboration…
Ainsi nous est livré un triple portrait de l'auteur : l'enfant immobile dans une coquille de plâtre rêve de grands espaces dans un univers fermé et contraignant, l'écrivain plonge dans ses racines, médite sur l'histoire et sa relativité, le voyageur s'interroge sur la marche du monde sur tous les continents…
Avec Taba-Taba, l'oeuvre décrit une large boucle spatio-temporelle de 1860 au 15 mars 2017, [En 1860 débute au Caire l'histoire de la famille, en1864 lancement à Saint-Nazaire de « L'Impératrice Eugénie » , premier transatlantique], jusqu'aux attentats islamiques : la fresque temporelle d'une précision maniaque fait penser à un paysage hyperréaliste jusqu' à en devenir onirique...
Taba-Taba se situe dans la lignée d'un Panthéon culturel revendiqué : le lazaret de Mindin rejoint en littérature le château de Combourg et le village de Combray.
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A travers les archives d'une famille l'auteur nous promène dans l'histoire et dans la géographie. C'est passionnant, érudit, bien écrit, mais un peu touffus, et les personnages manquent un peu d'épaisseur.
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