AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,31

sur 114 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Ouvrir ce livre, c'est partir pour une longue quête sur les pas d'un Patrick Deville (Peste et Choléra) qui accumule les détails et les références historiques tout en suivant son parcours sur les traces de sa famille. Taba-Taba est son compagnon, son copain d'enfance, ce malade mental qui ne possédait plus que ces deux syllabes, victime d'un terrible traumatisme dont l'auteur ira chercher les explications jusqu'à Madagascar.

Tout part de Mindin, en face de Saint-Nazaire, près de Saint-Brévin-les-Pins, dans ce Lazaret dont l'auteur détaille toute l'histoire. Son père était l'administrateur de ce lieu prévu pour garder les malades contagieux en quarantaine lorsqu'ils arrivaient en bateau, puis devenu hôpital psychiatrique. Enfant boiteux à cause d'un problème à la hanche, l'auteur subit une greffe osseuse et reste un an et demi allongé, immobile, dans une coquille de plâtre : « Je menais l'existence d'un petit vieillard reclus. » Il en profite pour apprendre à lire et dévore tellement d'ouvrages de toutes sortes qu'il est dispensé de scolarité.
Dès que Patrick Deville évoque un lieu, un événement, il embraye aussitôt sur des souvenirs ou sur l'histoire de ceux qui sont passés par là. D'ailleurs, il peste contre ceux qui vivent dans un lieu sans s'intéresser à son histoire : « Mon étonnement est grand, souvent, qu'on puisse vivre devant un monument sans jamais s'interroger. » C'est souvent passionnant. Je voudrais tout retenir mais c'est un peu lassant lorsque cela devient systématique car l'auteur voyage énormément à travers le monde aussi bien en Asie qu'en Afrique ou en Amérique, sans oublier un beau chapitre sur le Vercors.
Il évoque aussi de nombreux artistes et écrivains comme « Roman Kacew, habitué des pseudonymes, de Shatan Bogat, plus tard d'Émile Ajar, avait publié son roman Direct Flight to Allah sous celui de René Deville. C'est sous celui de Romain Gary qu'il avait écrit cette phrase : « Je n'ai pas une seule goutte de sang français mais la France coule dans mes veines. » Plus loin, il cite une phrase d'un juif de Lituanie, phrase à mon avis essentielle : « le patriotisme c'est l'amour des siens, le nationalisme c'est la haine des autres. »
C'est grâce aux archives de sa famille, bien conservées par Monne, sa tante Simonne, que Patrick Deville peut retrouver le parcours des deux générations qui l'ont précédé mais il remonte aussi plus loin dans le passé. Tout y est, journaux, factures, courrier. Avec une infinie patience, il se plonge dedans, loue une voiture, refait le parcours, depuis la Première guerre mondiale jusqu'à nos jours, se replonge dans les documents attestant d'un passé riche et sans cesse bousculé par les aléas de la vie et de l'Histoire.
Poussés par les secousses tragiques des deux guerres et la recherche d'un travail, ses grands-parents ont vécu dans des lieux très différents, du nord au sud et d'est en ouest du pays.

La prose de l'auteur est dense, toujours très documentée, pleine de digressions, de réflexions toujours bien senties. L'actualité interfère aussi avec ces attentats qui se multiplient à travers le monde faisant de Taba-Taba un livre nécessaire aujourd'hui.


Lien : http://notre-jardin-des-livr..
Commenter  J’apprécie          140
TABA-TABAPatrick DEVILLE – SEUIL - RENTREE LITTERAIRE 2017

Ce magnifique roman de Patrick DEVILLE illuminera cette rentrée littéraire. Nous avons de la chance.

Patrick DEVILLE, grâce aux archives familiales scrupuleusement gardées par sa tante Simone, malgré les ballottements des membres de la famille un peu partout en France, surtout pendant la Deuxième (Guerre Mondiale), raconte l'histoire de sa famille et celle de la France sur quatre générations, n'oubliant pas ses liens ô combien entremêlés à l'histoire mondiale.

Tout commence en 1860. Il écrit : « Depuis 1860, tous les événements sur la planète sont connectés ».

Ce livre que vous allez lire, je l'espère, peut remplacer, haut la main, bien des livres d'histoire.

Car ce qui le rend captivant est justement ce travail qui expose et relie des faits historiques dans leur ensemble, sous nos yeux, alors que nous oublions tout si vite ou que ne savons pas faire les liens entre les événements.

Comme Patrick DEVILLE se base sur les archives (une facture ne ment pas !) et qu'en infatigable voyageur il revisite les lieux où sa famille a posé les pieds, nous vivons avec elle et nous partageons les joies et les angoisses de ses membres.

Ce qui est incontestablement une réussite est la façon dont Patrick DEVILLE relie les événements entre eux. En 1899 « L'abeille d'Etampes » (un journal trouvé dans les fameuses archives) écrit : « … On sait que la France est aujourd'hui une puissance musulmane très importante. Son empire colonial compte des millions d'adeptes du Prophète en Algérie, en Afrique occidentale, dans le Haut-Congo et dans l'Oubangui. de plus, elle a gardé un prestige encore considérable dans certains pays islamiques, l'Egypte par exemple, le Maroc, l'Asie Mineure et la Turquie elle-même. »

Il honore et nomme ceux qui se sont battus ou qui sont morts pour la France pendant la Deuxième Guerre Mondiale tout en constatant : « La Résistance coupe en deux tous les pans de la société, autant de traîtres et de collabos que de héros à la fois chez les paysans et les aristos, dans la bourgeoisie et dans le prolétariat ». Peut-être que la fameuse « fracture » ne date même pas d'aujourd'hui…

Patrick DEVILLE met le doigt sur les racines du mal dans ce très beau roman qui sort en librairie le 17 août.

PS : Depuis quelques années nos écrivains invitent le passé pour nous faire mieux comprendre ce que nous vivons aujourd'hui. « Boussole » (Mathias Enard, 2015), « 14 Juillet » (Eric Vuillard, 2016) et cette année TABA-TABA de Patrick DEVILLE. Il y a également pour la rentrée littéraire 2017 le livre de Lola Lafon « Mercy, Mary, Patty », le livre de Marc Dugain « Ils vont tuer Robert Kennedy » (« Bobby découvre que la lecture littérale de l'histoire n'est pas le meilleur chemin de la connaissance pour un esprit raisonnablement critique » - page 191) qui utilisent le même procédé. Et depuis le printemps 2017 il y a « Jardin des Colonies » de Thomas Reverdy et Sylvain Venayre, ainsi que « L'ordre du Jour » d'Eric Vuillard. Nos écrivains écrivent surtout pour nous, citoyens assaillis d'informations, nous perdons peu à peu notre capacité à comprendre les liens entre le passé et le présent. Souvenons-nous de ce que disait le philosophe et écrivain George Santayana : "Ceux qui ne peuvent se souvenir de leur passé sont condamnés à le répéter."

Saluons au passage l'éditeur qui a choisi pour nom « Les ‘Liens' qui Libèrent ».

Rédigé par Leyla pour la librairie du Roule

Commenter  J’apprécie          133
L'exode de 1940 comme point d'ancrage d'une histoire familiale et comme creuset d'une collection de traces de la France dans le monde. Émouvant et méticuleusement grandiose.

Sur mon blog : https://charybde2.wordpress.com/2017/08/14/note-de-lecture-taba-taba-patrick-deville/
Commenter  J’apprécie          90
Grâce aux archives conservées précieusement par sa tante Simone, Patrick Deville nous raconte l'histoire de sa famille, depuis l'arrivée en France en 1862 de son arrière-grand-mère Eugénie-Joséphine.
Nous suivons cette famille à travers les grands bouleversements et les drames du vingtième siècle, que sont notamment les deux guerres mondiales.
Patrick Deville est un grand voyageur, on le suit aussi bien sur les pas de ses ancêtres, que dans ses voyages aux quatre coins du monde pendant la période du mois de janvier 2015 (après l'attenta de Charlie hebdo jusqu'au début de cette année).
Il place chaque évènement important dans son contexte de l'histoire de la France, et même mondiale.
Un roman passionnant, très documenté. A lire.
Commenter  J’apprécie          82
A la mort de sa tante Monne, Patrick Deville récupère les archives familiales qui lui sont prétexte pour voyager à travers la France sur les traces de sa branche paternelle, depuis ses arrières-grands-parents, au 19° siècle. C'est l'occasion pour nous raconter la petite et la plus grande histoire de France auxquelles il adjoint des éléments autobiographiques, plus que dans ses précédents ouvrages. Il s'y présente en petit garçon précoce, hypermnésique et qui a tenté d'en finir avec la vie à l'âge de 8 ans. Il dévoile sa rencontre amoureuse avec Véronique Yersin, survenue après la parution de Peste et choléra.

Comme à son habitude, c'est à un voyage vagabond que nous invite l'auteur : au verso d'une coupure de journal conservée depuis 1914, il lit dans la rubrique des faits divers une histoire de suicide par amour et décide de se rendre au café situé aujourd'hui à l'adresse indiquée, pour y boire "aux belles amours mortes".

Durant la réalisation de son projet (qui se déroule pendant l'année 2015), il s'interrompt pour des séjours en Amérique du sud, en Afrique ou en Asie.

Ses pérégrinations à travers la France sont aussi l'occasion pour Patrick Deville de nous parler de la situation contemporaine. Il est beaucoup question de l'attentat contre Charlie-Hebdo. Passant dans la Meuse il fait le parallèle entre les terres polluées au plomb et au mercure par les munitions de la première guerre mondiale et l'enfouissement des déchets radioactifs : "Dans ce concours de longue durée qui semblait une farce, Electricité de France prévoyait de démanteler dans un siècle son parc nucléaire et d'en enfouir les déchets, dont la durée de radioactivité atteignait pour certains le million d'années, tout au sud de ce département de la Meuse, sous le village de Bure, au long de trois cents kilomètres de galeries creusées à cinq cents mètres de profondeur. Sur les conteneurs serait bien précisée, dans tous les calendriers connus, la date avant laquelle il était préférable de ne pas les ouvrir, et le texte de ces étiquette serait sans doute traduit en arabe et en chinois, peut-être en swahili et en zapotèque, parce que l'avenir souvent est capricieux."

J'ai beaucoup aimé cette lecture, l'écriture à laquelle je trouve des accents poétiques et tout le projet qui m'apparaît comme une performance artistique complète, pas seulement littéraire.
Lien : http://monbiblioblog.revolub..
Commenter  J’apprécie          40
Deville nous emmène moins loin que d'habitude puisqu'il narre son histoire familiale entre la Bourgogne et les Pays de la Loire en passant par le Tarn. La magie littéraire de Deville fonctionne tout autant. Les héros de l'histoire sont malmenés par les guerres mais construisent leur parcours familial malgré tout.
Commenter  J’apprécie          30
J'en suis précisément à la page 156 de Taba-Taba de Patrick Deville, et stimulé par le souci d'exactitude qui caractérise le narrateur, j'esquisse, à mes risques et périls, le profil du lecteur « devillien ».
Il doit connaître Proust, convoqué dès l'exergue, auteur qui amène aux sources de l'enfance, du milieu, et des rêves de voyage, alors bien compromis. Chateaubriand et Rimbaud apparaissent brièvement en chemin. Jean Claude Bailly suivra dans des rencontres et considérations passagères sur les paysages. Littérature et géographie inaugurent le cortège où défilent souvenirs, réminiscences, et des réflexions - souvent humoristiques, parfois désabusées, accompagnent le parcours des lieux mais aussi des époques.
Le lecteur aura bien sûr en tête les faits marquants, insolites ou pittoresques, de 1861 à nos jours, dans la mesure où Patrick Deville « obnubilé », dit-il, par les coïncidences de dates ou la concomitance d'entreprises distantes, fait dans un esprit de synthèse des parallèles, sortes de passerelles entre les continents, les épisodes historiques en même temps que les déplacements personnels de l'auteur. L'observateur suit l'Histoire sur le terrain. Un très grand terrain d'exploration.
Car telle est l'entreprise littéraire : Au lecteur de ne pas s'arrêter à un récit particulier de l'auteur, mais d'avoir un regard global sur les parutions passées - ou à venir, les aventures, vécues ou reconstruites, dans l'optique littéraire choisie comme postulat. Voir l'Histoire se faire, mais aussi hésiter, voire trébucher à des moments décisifs, tout en situant l'observateur en 2015-2016, avec les soucis et préoccupations de l'actualité.
Sur la route des protagonistes choisis - des ancêtres proches par la parenté ou par l'accompagnement dans l'enfance, on chemine à la suite de « petites bandes », par sauts et gambades dans le chaos historique.
On ne s'étonnera donc pas qu'à partir d'un estuaire natal, Deville remonte les affluents, et demande son lecteur d'avoir le pied marin dans la grande houle qu'il affronte sobrement.
C'est donc à la page 156 que je fais provisoirement escale avant de reprendre le bourlingage de Taba-Taba.
Commenter  J’apprécie          20
Comme il nous emmenait avec passion dans la vie d'Alexandre Yersin (Peste et Choléra), Patrick Deville nous saisit dans un roman à mi chemin entre sa famille et son pays. L'auteur nous fait le récit intime de ses proches à partir des archives familiales. Par ses parents, il nous raconte les différents visages de la France, les territoires qu'elle a conquis et meurtri. La narration est tellement habile que l'auteur se libère de la chronologie et qu'à aucun moment, nous ne sommes perdu dans la généalogie ni dans les dates et les lieux. Patrick Deville relie tous les points de sa vie : la réalité et la fiction, les membres de sa famille et les auteurs lus et admirés, les territoires arpentés. On découvre ainsi tout ce que porte chacun, ce qui fait partie de l'héritage, celui choisi et subi. En se mettant en scène sur les lieux de son histoire, il marche dans les espoirs de ses ancêtres. Mais au coeur de ce roman, il y a également le présent qui doit se construire avec les douleurs nationales (les attentats reviennent hanter autant l'esprit du narrateur que celui du pays) et celles plus intimes. En terminant ce livre, on a l'impression d'avoir vécu plusieurs vies, d'avoir parcouru le monde et été marqué par l'Histoire. C'est aussi émouvant qu'intelligent.
Lien : https://tourneurdepages.word..
Commenter  J’apprécie          10


Lecteurs (251) Voir plus



Quiz Voir plus

Les écrivains et le suicide

En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

Virginia Woolf
Marguerite Duras
Sylvia Plath
Victoria Ocampo

8 questions
1726 lecteurs ont répondu
Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}