Blade Runner (Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?)

Rachael tendit aussitôt la main pour le remettre en marche. "Je veux écouter, et rien ne va m'en empêcher. Ce que Buster va révéler ce soir dans son émission est de la première importance." Le haut-parleur résonna du babillage de la voix imbécile et la jeune femme s'installa confortablement dans son siège. Dans l'obscurité de l'habitacle, l'extrémité de sa cigarette rougeoyait comme l'abdomen de quelque luciole en mal d'amour ; un signe immobile, indéfectible, de la victoire de Rachael Rosen. De sa victoire sur lui.

-Ote tes sales pattes de flic de là, cracha Iran.
-Je ne suis pas un flic". Il se sentait irrité à présent, alors qu'il n'avait pas programmé pareil sentiment.
"Non, tu es pire, lui dit son épouse, les yeux toujours fermés. Un meurtrier payé par les flics.

Nous sommes des machines, embouties à la chaîne comme des capsules de bouteille. Le fait que j’existe réellement en tant que personne n’est… qu’une illusion. Je suis juste un modèle de série.

La faculté empathique requérait probablement un instinct grégaire intact : un organisme solitaire, comme celui de l'araignée, n'en aurait eu aucun besoin ; En fait, l'empathie aurait même eu tendance à diminuer les chances de survie d'une araignée. Ça l'aurait rendue consciente du désir de vivre de sa proie. Tous les prédateurs mourraient de faim ainsi pourvus d'une telle faculté.

Il avait échoué au dernier test d'aptitude intellectuelle minimale, ce qui faisait de lui, en langage clair, un débile.

- Je n'avais jamais vu d'araignée.' Pris mit ses mains autour du flacon, observant la créature qui s'y trouvait. "Toutes ces pattes. Pourquoi a-t-elle besoin d'autant de pattes, J.R. ?
- C'est dans leur nature, répondit Isidore." Son coeur battait la chamade ; il avait du mal a respirer. "Huit pattes."
Pris se leva. "Vous savez à quoi je pense, J.R. ? Je pense qu'elle n'a pas besoin de toutes ces pattes.
- Huit ? s'enquit Irmgard Baty. Quatre devraient amplement lui suffire ! Voyons ce qu'elle fera si on lui en coupe la moitié." Et d'ouvrir impulsivement son sac pour en sortir une paire de ciseaux à ongles pointus, qu'elle passa à Pris.

La tropie, ce sont les objets inutiles, les imprimés publicitaires, les boîtes d'allumettes vides, les papiers de chewing-gum ou les journaux de la veille. Quand il n'y a personne dans le coin, la tropie en profite pour se reproduire. Par exemple, quand vous allez vous coucher en laissant de la tropie dans votre appartement, vous en trouvez le double à votre réveil le lendemain matin. Elle n'arrête pas de croître, encore et encore.

Le silence. Il suintait littéralement des murs et des boiseries, envahissant Isidore avec une irrésistible puissance, comme générée par une meule gigantesque.Le silence s'élevait du sol à travers la vieille moquette grise en lambeaux. Il s'échappait des appareils plus ou moins en état de marche qui équipaient la cuisine, des machines qui n'avaient jamais fonctionné depuis qu'Isidore vivait ici. Sortait de la lampe sur pied inutile du séjour, formait depuis le plafond constellé de chiures de mouche tout un réseau presque liquide de non-bruits, d’absences, qui s'étalait ensuite sur les murs. En fait, il parvenait à surgir du moindre objet qui se trouvait dans le champ de vision d'Isidore, escomptant bien supplanter toute chose tangible. Aussi n'assaillait-il pas seulement les oreilles du spécial, mais aussi les yeux. Debout devant son récepteur de télé inerte, le pauvre hère avait l'impression que le silence était devenu visible, et à sa manière vivant. Vivant !

Mais ils vont vous regarder de haut. Sans doute pas tous, mais au moins certains d'entre eux. Vous savez ce que pensent les gens de ceux qui ne prennent pas soin d'un animal ; ils considèrent ça comme immoral, anti-pathique. Je veux dire, techniquement ce n'est plus un crime, comme ça l'était après la guerre, mais le sentiment est resté.

Et j’ai fini par trouver un réglage pour le désespoir. » Son sombre visage ferme était empreint de satisfaction comme si elle avait accompli quelque chose d’important. « Je me le programme deux fois par mois depuis : ça me semble une durée raisonnable pour se sentir désespéré à propos de tout, à propos du fait d’être restés sur Terre après que tous les gens un tant soit peu intelligents ont immigré, tu ne crois pas?