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Critique de lglaviano


Je souhaite noter ici un tout petit poème devenu fameux et souvent cité, extrait de ce recueil : Emily Dickinson, "Poésies complètes", édition bilingue, Flammarion, 2009, avec son texte original, ainsi que plusieurs traductions ayant toutes des inflexions diverses, à partir d'intentions probablement différentes. Ceci permettra de se faire une idée des choix qu'opèrent les traducteurs au sein de la polysémie poétique des textes.

Voici donc le texte original :
« To make a prairie it takes a clover and one bee,
One clover, and a bee,
And reverie.
The reverie alone will do,
If bees are few. »
On trouve aussi ce petit joyau poétique dans le recueil : "Lieu-dit l'éternité" (Seuil-Points), et dans "Autoportrait au roitelet. Correspondance", deux éditions des oeuvres d'Emily Dickinsondans dans la traduction de Patrick Reumaux :
« Pour faire une prairie il faut un trèfle et une seule abeille
Un seul trèfle, et une abeille
Et la rêverie.
La rêverie seule fera l'affaire
Si l'on manque d'abeilles. »

Ce poème est un emblème joli de nos préoccupations écologiques contemporaines, et d'une singulière prescience. Il sonne étrangement à nos oreilles inquiétées par la souffrance de nos petites soeurs les abeilles, et par les blessures de la biodiversité vitale : il n'est malheureusement pas sûr que la seule rêverie y suffise...
Il célèbre aussi les retrouvailles festives avec le réel, et l'immersion de la "conscience océanique" (chère à Romain Rolland) dans la magie de l'instant et la douceur immanente des petites choses, qui marquent l'écriture unique d'Emily Dickinson, à la fois passionnée et discrète.

À noter que ce poème est cité aussi par Jean-Claude Ameisen dans sa remarquable émission sur France Inter "Sur les épaules de Darwin" (notamment la rediffusion du 09/05/2020 : "Dame bourdon et le trèfle des prés"). Il est traduit en toute simplicité par Ameisen ainsi :
« Pour faire une prairie il faut un trèfle et une abeille.
Un trèfle, une abeille,
Et de la rêverie.
La rêverie seule suffira
Si les abeilles sont rares."

On le trouve encore, dans la traduction de Michel Leiris, dans "Esquisse d'une anthologie de la poésie américaine du XIXe siècle" (Gallimard) :
"Il faut pour faire une prairie
Un trèfle et une seule abeille
Un seul trèfle, une abeille
Et quelque rêverie.
La rêverie suffit
Si vous êtes à court d'abeilles."

Enfin, en écho à ce charmant petit poème, une autre délice de la tendre Emily, qui nous parle encore de nos chères abeilles, de leurs promesses, et du rêve qu'elles inaugurent :
« Cette petite Ruche abritait
De telles Promesses de Miel
Que le Réel devenait Rêve
Et le Rêve Réel. » (Quatrains et autres poèmes brefs. - Poésie/Gallimard).
« L'espoir est une étrange chose à costume de plumes qui se pense dans notre âme, se perche sur le coeur, hante inlassablement des chansons sans paroles, et ne s'arrête jamais. Mais c'est dans la tempête que son chant est le plus doux. »
Plût au ciel qu'Emily ait raison!!!

Signalé par Eve-Yeshe, on trouve aussi ce poème cité par Georges Bonnet dans son roman : "Un si bel été", dans cette traduction :
« Pour faire une prairie, il faut un trèfle et une abeille.
Un trèfle et une abeille, et la rêverie.
La rêverie seule y suffirait,
si les abeilles venaient à manquer. »

Et pourvu que les abeilles ne viennent pas à manquer! Comme le disait Einstein, l'homme ne survivrait que quelques années à la disparition des abeilles, car certaines plantes à fleurs nécessitent une seule espèce d'insecte pour leur pollinisation et en sont étroitement et symbiotiquement dépendantes. Par leur action fécondante, les différentes espèces d'abeilles sont donc à l'un des deux bouts de la chaîne de la vie : le premier…
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