L'éternité, pour moi, ça a toujours eu le goût de la terre battue et du sang pendant les séances disciplinaires de mon adjudant-chef . Mais quand la recette est signée par
Luc DidierJean, c'est largement meilleur, ça fond, ça pique et ça pétille, et j'en redemande.
Après avoir brillé dans le roman d'aventures fantasy avec
le Gobelin dans l'Alcôve, fasciné avec son conte onirique et fantastique
L'oeil du Chat et transporté son lectorat dans la duologie fantasy adolescente
Trapellune,
Luc DidierJean met son irréfutable talent d'auteur au service d'un recueil de dix-sept nouvelles. Si
Un arrière-goût d'éternité s'inscrit dans une tendance dystopique, voire d'anticipation ou de science-fiction, il échappe néanmoins avec grâce et souplesse à toute tentative de catégorisation obtuse. Et c'est tant mieux.
La concision est un exercice périlleux, a dit un jour un grand sage qui n'était pas mon adjudant-chef (pourtant aussi savant qu'inventif en matière d'exercices périlleux, mais je m'égare). Péril évité ici ; la maîtrise virtuose du langage de
Luc DidierJean lui permet de poser ambiances et décors en quelques mots choisis, et d'exacerber sans répit un suspense qui court d'un bout à l'autre de chaque nouvelle et même au-delà (j'y reviendrai). Et pourtant, chacun des dix-sept textes à son propre univers, sa propre temporalité, sa propre voix aussi.
Mais, dans ce recueil protéiforme, la cohérence générale s'affirme sans ambages : toutes les nouvelles s'organisent sur le même schéma, centrée sur un personnage plongé sans préambule et jusqu'au cou dans une situation catastrophique, dont les tenants et aboutissants ne se dévoilent que par pudiques degrés, jusqu'à une conclusion parfois glaçante, parfois grinçante, mais toujours complètement inattendue, voire plus (j'y reviendrai, promis).
Les thèmes abordés sont multiples, bien documentés, traités différemment selon chaque texte, mais émergent de l'ensemble trois thématiques transversales : une eschatologie latente, l'angoisse poignante de la solitude, et surtout, le trio infâme de l'avidité, de la vanité et de la violence comme invariables coupables de l'apocalypse. Mais ne cherchez pas ici ni désespoir, ni pessimisme (j'y reviendrai, oui, oui), en plus d'un humour justement dosé en fonction des histoires, l'auteur laisse toujours entrouverte la porte des possibles infinis ; quand il ne la laisse pas carrément béante.
Car (et c'est là que j'y reviens, je vous l'avais dit), non content de livrer dix-sept petites pépites auréolées de mystère,
Luc DidierJean insère, à la fin du recueil, dix-sept fins alternatives à ses nouvelles, qui proposent une conclusion différente, une ouverture ou une vision inédite du texte que vous venez de lire.
Pour moi, donc, cet Arrière-goût d'éternité à la saveur intense, douce-amère, ne s'estompera pas de sitôt pour mon plus grand délice.
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