Ce roman m'a ému, deux fois.
La première, c'était lors de la présentation du livre par l'auteur lui-même. La médiathèque de ma ville l'avait invité et je n'ai pu résister à lui faire dédicacer son livre.
Boubacar Boris Diop est un sénégalais qui maîtrise parfaitement la langue française. Son érudition et sa modestie m'ont immédiatement séduit. J'ai été sincèrement touché lorsqu'il a avoué s'être trompé dans certain de ses livres, et que plus il retournait à Kigali, moins il était sûr de comprendre le Rwanda.
La seconde fois, ce fut à la lecture.
Le thème est le génocide des Tutsi au Rwanda, ce pays africain plus de vingt fois plus petit que la France en superficie. le roman commence comme un puzzle, de petites tranches de vie, côté Tutsi et côté Hutu, pour installer le contexte du drame à venir. Ensuite, le lecteur suit le retour de Cornelius, un Tutsi qui s'est réfugié à Djibouti pour échapper à la folie meurtrière de son pays natal. Il rentre au Rwanda, empli d'une culpabilité lancinante, alors que les survivants du génocide répertorient les ossements des victimes par centaines de milliers.
Un remarquable roman, superbement écrit, un zeste de poésie, beaucoup de sagesse, sans aucun jugement, ni parti pris. Il ne cache pas l'horreur, il l'intériorise.
1994, ce n'est pas il y a un siècle, c'était hier. Un million de morts en moins de quatre mois. Soit environ un dixième de la population rwandaise. Ce nombre est tellement monstrueux qu'on a du mal à l'appréhender. On peut se dire que c'est l'équivalent de la population de l'agglomération lyonnaise, mais il reste intangible à notre raison. Et là est le véritable drame, cette indifférence mondiale pour l'un des pires massacres de l'histoire de l'humanité.
Pour celui qui ne connaît pas et qui veut avoir un premier aperçu de ce que fut le génocide des Tutsi au Rwanda, ce roman est tout à fait indiqué.
Dans la postface ajoutée à la dernière édition, l'auteur tente d'expliquer le contexte de son roman, ses réflexions, ses doutes, sur le génocide des Tutsi. Il s'en prend au gouvernement français qui porte une lourde part de responsabilité dans l'affaire. Il n'épargne pas non plus l'Afrique qui a été aveugle durant les quatre terribles mois. Il a sans doute raison, mais plutôt que la recherche des coupables, je préfère retenir de ce livre la sagesse déterminée du vieux Siméon, délibérément tournée vers la vie.