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Critiques filtrées sur 5 étoiles  

Murambi , le livre des ossementsBoubacar Boris Diop

« Comment peut-on se dire intellectuel capable, pour parler comme Cheikh Hamidou Kane, de « brûler au coeur des choses » si on ne sait même pas se demander pour quelle raison et par qui tant de corps mutilés de Tutsi ont été du jour au lendemain lâchés sur le Nyabarongo ou jetés aux chiens ? Pourquoi n'avais-je pas été capable de voir un seul de ces centaines de milliers de morts ? En m'incitant à me poser de telles questions, les témoignages des rescapés et mes lectures me tendaient sans pitié le miroir où je voyais défiler mes graves déficiences. »
Boubacar Boris Diop, Dans sa postface de « Murami, le livre des ossements » écrite 11 ans après son roman /reportage sur le génocide du Rwanda, Boubacar Boris Diop réfléchit sur cette inconscience, ou ce déni, ainsi que sur les responsabilités de la françafrique, qui a envoyé des troupes et des armes pour soutenir les Hutus, qui a construit un stade de volley- ball au dessus des charniers de Murambi, puis qui as aidé les assassins à fuir au Congo.
Les Hutus regroupés dans l'Interahamwe ont assassiné dix mille Tutsi par jour, pendant cent jours.
Un million de morts.
De la manière la plus barbare, inimaginable.
Boubacar Boris Diop, 4 ans après la fin du génocide de 1994, est invité au Rwanda, pour un atelier collectif d'écriture.
Son premier personnage voit bien que se prépare une tuerie : la radio des Mille Collines tenue par les Hutus au pouvoir lancent depuis plusieurs mois des « appels au meurtre totalement insensés » : de plus, ils ont un prétexte en or: la mort du Président Habyarimana dans un accident d'avion resté mystérieux.

Trois parcours dans cette enquête : Jessica, la survivante, la combattante, celle qui a toujours gardé le cap et jamais renié ses convictions. Pardonner, dit elle ?
Stanley, dont on n'entendra pas beaucoup parler.
Et Cornelius, fils d'un Hutu marié à une Tutsi, qui a fui le pays dès les premiers symptômes de meurtres. Il redécouvre son pays, ses blessures et son passé qui lui saute à la gorge. Il revient dans un chez lui qui n'est plus le sien, sauf son oncle, un homme lumineux, qui lui parle :
Bien sûr, dit il, les étrangers avaient mis les Tutsi sur un piédestal, et leur avait dit « vous n'êtes pas des noirs, vous n ‘êtes pas des sauvages. ». Mais de quoi se plaindre le plus ? de l'audace de ces conquérants belges puis français, ou de l'incroyable stupidité des chefs tutsi de cette époque ? L'allégresse de tuer des Hutus a t elle été insufflée par les colonisateurs ou est elle le fait de la vengeance et de la soif de pouvoir de certains chefs ( qui après avoir incité au meurtre les pauvres paysans, les renverront à leur pauvreté initiale)?
Nous ne pouvons en vouloir à personne de notre manque de fierté, conclut l'oncle Siméon. Nous nous comportons comme des esclaves, ce qui s'est passé en 1994 porte un seul nom : la défaite.
Boubacar Boris Diop s'appuie sur l'histoire, les préliminaires au génocide, sa préparation depuis 1959, les premiers meurtres, pour décrire la haine sans raison entre habitants parfois de maison qu'ils partagent, l'extermination, prenant le « solution finale » nazie comme exemple, et éclatant au grand jour en 1994.
Livre fort, donnant la parole aux uns comme aux autres, les chefs hutus incitant au viol, au découpage à la machette, au carnage, l'excitation de massacrer faisant perdre le goût du repos. Jour et nuit, la boucherie, partout, y compris dans sa propre famille.
Réflexion aussi : à commencer : connaître l'histoire, la voir comme elle a été, au risque de se voir opposer le refus d'en voir la spécificité : les massacres ont toujours eu lieu, disent certains des amis de Cornelius, suivi des discours de politiques français, de Jean D'Ormesson et d'autres, puis complètement rendus obsolètes et faux par les études de Patrick de Saint Exupéry entres autres et du livre de Jacques Morel, où la France a été « au coeur du génocide des Tutsi » .
Et écriture somptueuse, les citations essayant de rendre le phrasé spécial de cet auteur sénégalais.
Boubacar Boris Diop n'affirme rien quant à la raison de la démence des Cent. Jours, comme son héros Cornelius, il est déchiré. Il nous éclaire, en faisant parler.
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Avril 1994 – avril 2024
Je suis très perturbée par le génocide rwandais. Je ne comprends pas. Je ne comprends pas l'hystérie meurtrière qui s'est emparé de ce « Petit pays ». Je ne comprends la froideur, l'insensibilité de la communauté internationale face à ce qui se déroulait sous ses yeux. ( On pourrait transposer aujourd'hui avec ce qui se passe au moment même où j'écris dans la plaine de Gaza). J'ai honte de la posture de la France dans cette Histoire sordide (Il faudra bien que la vérité soit faite sur ses responsabilités n'en déplaise à Hubert Védrine)…
En cette date anniversaire, je tenais donc absolument à lire, à nouveau, sur le Rwanda et j'ai jeté mon dévolu, en hésitant je l'admets, sur ce roman de Boubacar Boris Diop.
Grand bien m'a pris. Il est d'une pudeur, d'une justesse, d'une empathie exceptionnelle.
Auteur sénégalais, Boubacar Boris Diop a été invité au Rwanda en 1998 avec d'autres auteurs en résidence d'artistes. le projet : « Rwanda : Ecrire par devoir de mémoire ».
Quatre ans après le terrifiant génocide des Tutsis par les Hutus, ils vont se rendre sur les lieux des tueries de masse, les charniers, entendre des rescapés raconter leur histoire individuelle, entendre des génocidaires.
Je ne sais pas ce que les autres ont écrit mais je suis certaine d'avoir été touchée au coeur par le récit construit par l'auteur dans lequel il prête sa voix à des rescapés, certains qui ne surmontent pas leur traumatisme, d'autres qui ont du mal à maîtriser leur colère, d'autres encore qui n'assument pas d'avoir survécu, d'autres enfin, plus rares qui veulent dépasser la dévastation de 94 pour reconstruire…
Les voix de bourreaux sont celle d'un exécutant, chef d'un groupe de terribles « Interahamwe » ou celle, glaçante, d'un maître d'oeuvre comme le bon docteur, responsable de l'exécution de Murambi, une école technique dans laquelle 45 000 Tutsis pensaient avoir trouvé un refuge.

« Et moi, colonel Perrin ? Regardez mes mains. Croyez-vous que j'aie déjà tenu une machette ? Je suis un pauvre petit chirurgien. Je sauve des vies ! Je n'ai jamais versé une goutte de sang, moi non plus. »

Le fil est déroulé autour du retour en 1998 de Cornélius au Rwanda après de longues années d'exil à Djibouti. Il est accueilli par ses deux amis d'enfance Jessica et Stanley car de sa famille, il ne reste qu'un vieil oncle. le pays qu'il retrouve est le même, pas de destructions, pas de bâtiments abattus et pourtant.

C'est sur les traces de cette famille qu'il va remonter jusqu'à arriver à Murambi, devenu un centre de commémoration du génocide peut-être parce que les charniers ont recraché des corps momifiés par la terre argileuse.
Il devra faire face à une terrible vérité et c'est avec son oncle, le sage Siméon, qu'il essaiera de comprendre la folie qui pendant 100 jours, a saisi son pays dans la plus grande indifférence internationale.
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Les ossements du titre, ce sont ceux de tous les Tutsi massacrés pendant le génocide perpétré par les Hutu, ossements laissés à la vue de tous dans un bâtiment mausolée, à Murambi, symbole du génocide en ce que, dans son école technique, 45 000 Tutsi furent tués, alors qu'ils avaient été envoyés dans cette école pour être protégés, finalement laissés à la merci de leurs bourreaux par les autorités quelques jours plus tard.

Ces ossements, Cornelius, de retour au pays peu de temps après la fin de la tragédie, après qu'il a été exilé de nombreuses années auparavant alors que la situation devenait de plus en plus tendue entre les deux populations - ayant déjà donné lieu à des massacres Tutsi -, veut les voir, lui qui a été protégé de l'horreur pour laquelle il est difficile de trouver les mots justes.

Au contraire de ses amis, Jessica, devenue espionne du Front Patriotique Rwandais et Stanley, tentant tant bien que mal, pour ce même Front Patriotique, d'évoquer la situation dramatique du pays à l'international, et de sa famille, notamment son oncle, Siméon, qui sera à l'origine de l'exil de son neveu. Au contraire également de ces bourreaux, par choix – ainsi du milicien Faustin – ou par contrainte – le père de Marina – ou encore des autorités françaises qui auront laissé les choses se faire, et même pire, auront aidé à ce qu'elles se fassent – le colonel Perrin en étant le principal représentant. Et le retour de Cornelius, dans cette enquête sur le génocide qui se fera jour au fil des pages sera tout autant pour lui source de révélations, terribles, tant personnelles que collectives, sur l'histoire de Murambi.

Le grand tour de force de ce roman se tient dans la multiplicité de ses voix, points de vue, éclairages, disséminés au cours du récit, permettant au lecteur de saisir aussi bien la complexité du drame que la difficulté à le décrire, laissant la parole à tous ses acteurs, victimes comme bourreaux, chose peu courante. Multiplicité permise par les recherches, entretiens… réalisés par Boris Boubacar Diop qui ne devait, au départ, qu'écrire un court texte qui aurait conclu un atelier d'écriture proposé à des auteurs africains pour apporter leur propre éclairage sur le sujet.

Un roman en somme extrêmement fort, qui ne peut laisser indifférent.
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"Si jamais le Rwanda avait été ce lieu paisible et lumineux où le dieu Imana venait se reposer après chaque coucher de soleil, il avait cessé de l'être depuis longtemps en 1998 : la mort continuait à rôder partout, l'odeur des corps en décomposition prenait toujours à la gorge, et les survivants n'avaient pas encore émergé de leur longue sidération".

Dans une prose claire et précise, Boubacar Boris Diop revient sur le génocide des Tutsis par les Hutus au Rwanda au printemps 1994. Pendant cent jours, les interminables massacres, encouragés par la propagande haineuse et incendiaire de radio Mille Collines, près d'un million de Tutsis trouveront la mort."Après une histoire pareille, tout le monde est, de toute façon, un peu mort".

Murambi, c'est ce lieu sinistre (aujourd'hui transformé en mémorial) où, le 21 avril, après avoir trouvé refuge dans une école technique en construction, 45 000 Tutsis sont massacrés par les milices Interahamwe.

Un livre "avant-après" comme je les appelle, bouleversant, et qui questionne le lecteur dans son humanité même. Dans un style très différent des enquêtes philosophico-journalistes de l'excellent Jean Hatzfeld (Une saison de machettes, La stratégie des antilopes). Avec une étonnante économie de mots, Boubacar Boris Diop construit le récit nécessairement éclaté des voix multiples du génocide, et parvient à en soulever brillamment tous les enjeux moraux.

Comment comprendre l'irréductible spécificité du génocide rwandais ? Quel rôle douteux ont joué les troupes françaises de l'opération Turquoise ? Comment pardonner aux bourreaux et vivre à leurs côtés ? Comment vivre après le génocide rwandais ? "Il voulait dire à la jeune femme en noir - comme plus tard aux enfants de Zakya, que les morts de Murambi font des rêves, eux aussi, et que leur plus ardent désir est la résurrection des vivants". Pourquoi l"indifférence occidentale ? ("Ne t'en fais pas Sera. Ils savent que le monde entier les observe, ils ne pourront rien faire").

Dans une passionnante postface enfin, Boubacar Boris Diop évoque les circonstances de l'écriture de Murambi, et s'interroge sur ce que signifier écrire un roman sur le génocide rwandais. C'est une expérience qui découle d'une résidence d'auteurs au Rwanda en 1998, "Rwanda : écrire par devoir de mémoire", rassemblant pendant trois mois plusieurs écrivains africains dans un hôtel de Kigali. Loin de "jouer les pleureuses de la vingt-cinquième heure", chacun en retire une expérience singulière, débouchant sur la production de plusieurs romans (La Phalène des collines de Koulsy Lamko, Le Cavalier et son ombre de B.B. Diop, Murekatete de Monique Ilboudo), parmi lesquels Murambi. Dans cette postface, l'auteur donne sens à son oeuvre, autour d'une réflexion fondamentale sur l'écriture et l'engagement.

"Encore une preuve, s'il en était besoin, de la quasi-impossibilité de sortir indemne de l'expérience rwandaise".
Lien : http://le-mange-livres.blogs..
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Ce roman est le résultat d'un travail d'écriture demandé à plusieurs auteurs africains quatre ans après le dernier génocide du XX siècle.
C'est saisissant.
J'ai été happé dès le début par la force des mots racontant les hommes et femmes du Rwanda ayant dû affronter ou perpétrer cette folie collective d'un génocide. Celui-ci planifié en amont de ce mois d'avril 94, débuté aux prémices de la décolonisation dès 1959.
Derrière les personnages romancés, se devinent des liens avec des histoires individuelles, entendues par l'auteur lors de son séjour au Rwanda en 1998.
Le personnage mis en avant, Cornelius revenant d'exil de Djibouti entreprit avant le génocide, refait connaissance avec ses amis d'enfance, ses voisins ou proches. du moins ceux qui sont encore présents.
Il y a Jessica, espionne du FPR à Kigali pendant les massacres. Stanley lui, était chargé par le même FPR de plaider la cause des suppliciés auprès de la communauté internationale.
Mais les yeux et oreilles du mondes se sont fermés et les rescapés en gardent une visible mais insondable souffrance.
Souffrance et résilience de ces hommes se mélangent. C'est la sagesse de Siméon contre la colère de Gérard
La France quant à elle, au travers du colonel Etienne Perrin est invariablement pointée du doigt, car coupable de son inaction. Coupable de sa condescendance lorsque ses soldats jouent au volley à Murambi, sur l'emplacement des charniers de cette école où des dizaines de milliers de corps sont ensevelis. La genèse de la perte d'influence du Mwami, le roi Tutsi démontre l'influence de l'histoire coloniale dans ce pogrom systématisé.
La voix des bourreaux est pénétrante d'horreur et incarne l'inhumanité à son paroxysme. Notamment par le biais du docteur Joseph Karekesi feintant la possibilité d'un refuge au sein de l'école technique de Murambi afin de mieux exterminer tous les suppliciés avec l'aide de l'armée gouvernementale.
Face à cet indicible, l'écriture tente en toute humilité de trouver du sens pour continuer. Afin que la vie triomphe dans ses braises, que l'individu se reconstruise, que les rescapés ne soient pas uniquement des fantômes du passés.
Dur mais essentiel.
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« Ce roman est un miracle. Il confirme ma certitude qu'après un génocide, seul l'art peut essayer de redonner du sens.
Avec Murambi, le livre des ossements, Boubacar Boris Diop nous offre un roman puissant, terrible et beau. »
Toni Morrison.


Quiconque lit régulièrement mes articles connaît mon amour pour Toni Morrison. Pour la femme d'abord, l'insondable, la courageuse,
et pour son Oeuvre, immense, subtile, terrible.
Il ne me fallait pas plus de mots pour poser Murambi, le livre des ossements – offert par une de mes plus précieuses amies - tout en haut de ma « pile de livres à lire » et de le faire mien aussi vite que possible.


Car toute parole de Toni Morrison est d'or.


Et celle-ci l'est plus que toute autre.


Il y a plusieurs années, j'ai séjourné près de deux mois à Kigali, au Rwanda. A mon retour, j'ai lu tout ce qui me tombait sous la main (romans, essais, écrits divers, témoignages) au sujet de l'effroyable génocide des Tutsis de 1994.
Mais aucun de ces exercices ne m'a semblé avoir le quart du tiers de la force de Murambi, le livre des ossements, et la moitié de sa puissance d'évocation.


Ce livre est né d'une volonté de deux artistes, Maïmouna Coulibaly et Nocky Djedanoum, choqués par le silence des intellectuels africains face à la tragédie du Rwanda, d'impliquer une dizaine d'écrivains dans une réflexion sur le génocide.
De cette initiative a germé la résidence d'auteurs « Rwanda : écrire par devoir de mémoire ». Son but : prendre toute la mesure de la tragédie, réhumaniser les victimes et opposer un projet de vie au projet d'anéantissement des génocidaires.


Voilà pour ce qui est du topo général, des grandes lignes et de ce qu'il fait bon dire en introduction.
Une façon d'annoncer la couleur,
Sans trop se mouiller.

Sauf qu'une fois que l'on a refermé Murambi, le livre des ossements, l'un des écrits nés de cette résidence, il n'est plus possible de se contenter de sagesses allongées sur le papier et de phrases toutes faites, juste bonnes à couvrir la quatrième de couverture de sa dernière édition.


Car une fois le livre refermé,
ses 220 effroyables pages dont on pensait connaître le contenu,
il ne reste plus que le chaos, la sidération et la colère.
La colère surtout.
Celle de constater qu'il y a 27 ans seulement, l'inimaginable ait pu se produire au vu et au su de tous. Tout en se trouvant soutenu par la France, pays « des droits de l'Homme ». Après tout, Mitterrand lui-même le disait : « Dans ces pays là, un génocide, ce n'est pas trop important ».


Sauf que moi, je suis née le 16 juin 1994. Pile au milieu des « fameux » cent jours. Les pires que le Rwanda ait trouvés sur sa route. Et imaginer qu'à la seconde où je prenais ma première bouffée d'air, des milliers de femmes, d'hommes et d'enfants expiraient dans d'atroces souffrances, m'est aujourd'hui intolérable.


Là n'est pas le problème, me direz-vous.
Et vous avez tout à fait raison.
Mais il vous suffira de lire la postface (rédigée par l'auteur) de cet admirable roman pour avoir envie d'hurler votre dégoût, votre hargne et votre honte d'être né dans un pays dans lequel le cynisme et les intérêts bassement politiques n'avaient pas de limites – j'ai tendance à penser que les choses n'ont pas tant changé que cela.


Mais voilà qu'à nouveau je m'égare.
Venons-en au texte.
Murambi, le livre des ossements, est un roman bouleversant et fascinant, aussi somptueux qu'abjecte, d'une puissance abyssale, d'une absolue vérité. C'est un texte qui vient gratter les tréfonds de notre âme et y coller les lambeaux de centaines de chaires meurtries. Plaies béantes dans une Histoire pas si ancienne.


C'est la retranscription de l'horreur poussée à son paroxysme, de l'inhumanité dans ce qu'elle a de plus fou, de la folie dans ce qu'elle a de plus inhumain.
Ce sont les témoignages d'hommes et de femmes, victimes ou bourreaux, qui trouvent, pour la première fois de leur vie, la force de raconter l'innommable.
C'est un roman d'une clairvoyance rare, une analyse fine des mécanismes ayant été à l'oeuvre depuis les années 50 et un tableau que le monde occidental a, au mieux, refusé de voir, au pire, financé et soutenu.
Dans ses plus sombres heures.


Grâce à son talent de conteur, Boubacar Boris Diop parvient à faire pénétrer dans nos consciences les noms et les visages des acteurs de la sanglante tragédie rwandaise. J'ai été soufflée par la grandeur de ses mots. Leur simplicité aussi.
Des mots qui ne se donnent pas à voir
- ils n'en ont pas besoin.
Mais qui portent en leur sein le tranchant du glaive et la tendresse du pinceau.
Lien : http://www.mespetiteschroniq..
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Une enquête, un témoignage, un devoir de mémoire, un roman. le livre des ossements c'est tout cela à la fois. C'est surtout des visages, des vies, des noms. Massacrés, génocidés, exilés, traumatisés. 1994, cent jours, un océan de sang, de terreurs , 800 000 tutsis furent massacrés. Les mots de Boubacar Boris Diop nous placent aux côtés de ces visages, de ces noms. Retraçant avec clarté l'histoire qui mena à cette boucherie, éclairant les faits tels qui furent vécus à travers des témoignages recueillis auprès des victimes, faisant apparaître la pluralité d'un peuple, soulignant la responsabilité de la colonisation et des relations post- coloniales qui en suivirent, l'auteur nous transmet une mémoire forte, puissante, où l'humanité ne disparaît jamais.
L'auteur n'a pas trahi leurs souffrances.

Astrid Shriqui Garain
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Dans le cadre d'une résidence d'artistes « Rwanda, écrire par devoir de mémoire » (1998), quelques années après le génocide, Boubacar Boris Diop dresse plusieurs portraits du génocide avec une distance pudique (il est né au Sénégal). Chaque personnage est un portrait, mais aussi un point de vue étudié magistralement. Ce qui permet de révéler la réalité de l'isolement humain lors de ce drame du XXe siècle.
Un roman sobre et marquant.

« La Coupe du monde de football allait bientôt débuter aux Etats-Unis. Rien d'autre n'intéressait la planète. Et, de toute façon, quoi qu'il arrive au Rwanda, ce serait toujours pour les gens la même vieille histoire de nègres en train de se taper dessus. »
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Parce qu'à 19 ans, on reste traumatisé par le fait qu'un génocide puisse encore se passer sans que personne ne bouge le petit doigt, qu'il a même été si ce n'est encouragé, tout du moins laissé faire voire préparé par une grande force internationale de l'époque, bref, notre propre pays.
Parce qu'aujourd'hui encore, je ne comprends toujours pas pourquoi rien n'a été fait, pourquoi on a laissé une population tuer quasiment 1 million de personnes en 3 mois, parce que ça m'effraie qu'après le plus jamais ça du génocide juif par les nazis, une telle chose se reproduise même pas 50 ans plus tard, parce que j'ai peur de ce que ça implique comme état d'esprit sur l'importance d'une vie africaine par rapport à la notre et que cela ne me rassure pas sur la nature humaine face aux intérêts financiers et de pouvoir, j'essaie depuis cette date de trouver des explications.
Je lis tout ce que je peux sur ce génocide, des auteurs africains, européens, des essaies, des témoignages, des hommes politiques, des militaires qui ont fait parti de l'opération Turquoise, des survivants et des génocidaires mais ma conclusion est toujours celle-ci: l'être humain est incroyablement cruel et cynique.
Comme cette conclusion ne me convient pas (éternelle optimiste je suppose), je continue de lire et je tombe sur ce livre plus que nécessaire, magnifique, horrible par certains passages mais si réalistes.
L'auteur nous dépeint toute la mesure de ce génocide grâce à des portraits de personnages qui ont tous eu un rôle proche ou lointain de cette tragédie, l'ont vécu différemment selon leur bord, et forcément le racontent aussi différemment.
C'est un coup de poing dans le plexus, prenez votre respiration et allez-y.
Un livre nécessaire!
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Comme il est doux de se persuader qu'il n'y a pas meilleur moyen d'apprendre l'histoire qu'au travers du roman, juste parce que tous les gardes-fous qui entourent la science finissent par assécher complètement ses sujets en les objectivant précisément.
Ce roman en est un parfait exemple donc, dans lequel, pour la première fois, j'ai pu lire précisément, entre autres aspects, la position française dans le génocide du Rwanda.
Quel soulagement!
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