Les mains refermées autour de son cou, je l'ai secoué et secoué, l'agonissant d'injures que la furiosité du vent emportait avant même qu'elles ne l'atteignissent. Il grimaçait, roulait des yeux, se pendait à mes poignets tandis que je l'agitais dans tous les sens. C'était bon. Je ne me lassais pas de l'étrangler dans ce décor sinistre. Je lui redonnais un peu d'air de temps en temps pour faire durer le plaisir, et l'on recommençait.
(Six cents pages)
Comment me serais-je mis au pain sec et à l'eau d'une abominable certitude quand le miel coulait des arbres, quand de les avoir à table transformait un simple repas en pur moment de joie ?
Quand il pleuvait tout une année, est-ce que l'eau de mer deviendrait douce...?
(...) ayant tout perdu,(...) mais enfin débarrassé de tout espoir.
"Tango"
Je me trouvais à Athènes lorsque j'ai appris la mort de Richard Brautigan. Mes premières vraies vacances depuis dix ans. La première chose que je réussissais à me payer en écrivant des livres. Je ne sais pas pourquoi cette nouvelle épouvantable m'est tombée dessus juste à ce moment-là.
Où êtes-vous,tous autant que vous êtes...?! Où donc avez-vous disparu que vous ne puissiez m'entendre...?(...)Où êtes-vous donc, mes amis...?Où sont les journées lumineuses, les lendemains grisants, les promesses du Ciel et de la Terre...?
"Hier était un grand jour"
Vieillir veut dire aussi perdre de plus en plus ce qui nous était promis quand nous étions jeunes, surtout l'inconnu.
(John Cassavetes cité par Djian).
À midi l'on traîna un peu et l'on envoya les enfants chercher un supplément de vin, deux pleines sacoches de bicyclette. J'aurai certainement succombé si je n'en avais bu qu'un seul verre par cette chaleur, mais quant à eux, ils ne s'en privaient pas et ils étaient joyeux. Je me retirai au pied d'un arbre, me disposant à somnoler un instant - le peu que je les oublierais serait du pain bénit - lorsque je remarquai le misérable manège d'Évelyne. Il s'agissait d'un rouquin qui travaillait pour ferme voisine, un de ces forts en gueule dont je ne savais même pas le nom.
Plus jeune, j'avais eu quelques bons amis que la paternité avait ensevelis sous mes yeux et j'en avais eu assez de leur conversation quand ils gardaient un œil inquiet sur leur progéniture, j'en avais eu assez de les voir se sauver à l'heure du couvre-feu au beau milieu d'un plan qui aurait pu changer le monde, de murmurer dans leur salon en plein après-midi parce que le petit ange était endormi et ne pas même se voir offrir un verre, et Grand Dieu! ne s'en était-il pas trouvé pour vous coller l'enfant hurlant sur les genoux, le temps que l'on trouvât quelque chose au fond de ces horribles sacs où pêle-mêle s'entassaient le ravitaillement et l'entretien des troupes, et faire ça là, à l'endroit même où j'écrivais [...]
"Judith... voudrais-tu m'épouser ? [...] Bien entendu, je ne te toucherai pas...tu seras libre d'agir à ta guise... Tout ce que j'ai t'appartiendra... je ne sais pas, je n'ai plus beaucoup de temps à vivre..."
Elle recula d'un pas. Son visage exprimait une terreur amusée. (Crocodile)