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Critique de karmax211


Retour aux classiques, et avec quelle jubilation lorsqu'il s'agit d'un des grands initiateurs du roman moderne : maître Fiodor Dostoïevski en personne.
Lorsque l'on entend prononcer son nom, on pense aussitôt à - Les frères Karamazov -.
Et force est de convenir que l'univers de Raskolnikov, Marmeladov, Svidrigaïlov, Loujine, Porphyre, Aliona et Lizaveta Ivanovna, Katerina Marmeladova, Sofia Marmeladova et tous les autres protagonistes, univers qui s'inscrit dans un roman considéré à juste titre comme une des oeuvres majeures de la littérature universelle, tutoie à n'en pas douter son cousin mentionné précédemment... sans compter quelques autres géants de l'oeuvre dostoïevskienne, auxquels on peut associer une parentèle "étrangère", dont font partie - Les mystères de Paris - d'Eugène Sue, - Les misérables - de Victor Hugo -... par exemple.
D'ailleurs, on retrouve dans les traits des personnages de - Crime et châtiment -, quelques-uns de ceux d'Ivan, Dimitri, Alexeï, Pavel ( fil de Lizaveta... tiens tiens tiens...) et Smerdiakov pour ne citer que les principaux protagonistes des "Frères".
En outre, " le Grand Inquisiteur", fait pendant , résonne comme en écho à une grande partie du questionnement de " Crime..."
On tergiverse encore aujourd'hui sur la genèse de ce chef-d'oeuvre dans lequel certains voient poindre l'influence du bagne, dont l'auteur fit pendant quelques années sibériennes la triste expérience... et elle est présente... de là à affirmer que c'est en observant ses compagnons de détention qu'a germé en Dostoïevski l'idée de - Crime et châtiment -, il y a quelques verstes que j'hésiterai à franchir tant d'autres explications sont envisageables même si dans un courrier de 1859 adressé à son frère Mikhaïl, il confiait à celui-ci :
« En décembre, je commencerai un roman... Tu te souviens peut-être que je t'avais parlé d'un roman-confession que je voulais écrire après tous les autres, en disant qu'il me fallait encore vivre cela moi-même. Maintenant, j'ai décidé de l'écrire sans retard... Je mettrai mon coeur et mon sang dans ce roman. Je l'ai projeté au bagne, couché sur les bats-flancs, en une minute douloureuse de chagrin et de découragement... Cette Confession assoira définitivement mon nom. »
Les constantes de l'oeuvre du maître russe sont, elles, présentes : la lutte entre le bien et le mal, la place de la conscience morale, celle de Dieu, le libre arbitre, le poids et le sens de la culpabilité, l'incontournable présence de la rédemption, le contexte historique, ses racines, ses influences contemporaines... nihilisme, socialisme..., mais également, et ce roman leur offre une part belle : la psychologie et le mythe du surhomme qui fait que l'on ne peut lire ce livre sans sentir planer la présence de Nietzsche, lequel fut un admirateur de Dostoïevski.
Raskolnikov est un ancien étudiant en droit, pauvre, intelligent, très orgueilleux, rêveur, sans foi ni loi, mais enclin à voir des signes et à sentir qu'il est peut-être guidé par la main du destin ( ? ), qui voit le monde scindé entre deux espèces d'hommes : "les ordinaires" et "les extraordinaires", ceux auxquels tout est permis, y compris le crime, pour peu qu'il soit légitimé par de grands desseins.
Lui, appartient à la race des seigneurs.
Il est un surhomme au sens nietzschéen du terme.
Une "vermine" usurière et sa pauvre soeur, qui va se trouver au mauvais endroit au mauvais moment, vont être les victimes du "surhomme", et payer de leurs misérables vies le "grand dessein" d'un Raskolnikov... qui bien que devenu assassin va pitoyablement échouer dans son rêve "napoléonien".
Redevenu un homme "ordinaire", Il va, dans une lutte acharnée entre le bien et le mal, entre le Jekyll et l'Hyde au-dessus des lois des hommes et celles de Dieu, rencontrer Sonia une prostituée, à laquelle il va confier son crime, et d'une certaine façon le fardeau trop lourd de sa conscience.
Celle-ci va le convaincre de se livrer.
Raskolnikov va être condamné à huit années de bagne.
Sonia le suit.
Grâce à elle, il va découvrir l'amour, et obtenir la rédemption.
Je ne pouvais pas faire plus court pour résumer un roman qui mêle une kyrielle de personnages, dont ceux que j'ai cités un peu plus avant.
Il eut été difficile d'évoquer en détail les confrontations, les face à face entre Raskolnikov et le juge Porphyre, ou celles qui vont "l'opposer" à Loujine, à Marmeladov, à Svidrigaïlov, à sa mère et à sa soeur.
Ce sont des moments pleins, intenses, des "aventures" dans l'aventure, des romans dans le roman.
Chacun est détenteur et responsable de sa lecture et de la grille qui fait que cette dernière aboutit à telle ou telle explication, telle ou telle interprétation.
Contrairement à ce que j'ai croisé dans un commentaire, je n'ai vu aucune histoire policière dans - Crime et châtiment -.
C'est avant tout une confession, la confession d'un criminel.
Le jeu du chat et de la souris auquel se livrent le juge Porphyre et l'assassin Raskolnikov relève moins d'un numéro cabotin de Peter Falk alias l'inspecteur Colombo que d'une subtile séance freudienne... avant l'heure.
Andrea.H.Japp a d'ailleurs écrit à ce propos que : " Crime et châtiment est la première histoire d'un homme qui se demande s'il est ou non sociopathe. Il veut voir voir s'il peut tuer et ne pas avoir de remords. L'exemple type du meurtre gratuit."
Lafcadio dans - Les caves du Vatican - de Gide, est un petit petit-fils de Raskolnikov, tout comme le seront Brandon Shaw et Philip Morgan dans - La corde - la pièce de Patrick Hamilton... sans oublier Leopold et Loeb, deux criminels abreuvés aux mêmes sources " nietzschéennes ", qui enlèveront et assassineront dans les années 20 le jeune Bobby Franks âgé de quatorze ans... un crime odieux qui soulèvera d'effroi l'Amérique et inspirera à Meyer Levin son fameux bouquin intitulé - Crime... - eh oui, ça ne s'invente pas !
Car le duo Porphyre-Raskolnikov est le noeud gordien de l'entreprise psychologique mise en oeuvre par Dostoïevski dans son roman.
Et là où je pourrais être d'accord avec le commentaire auquel j'ai fait allusion précédemment, c'est que Porphyre, dans une certaine mesure, anticipe par exemple les contours de ce que sera chez Doyle un certain Mister Holmes.
Mais c'est là mon seul point d'accord.
On voudrait pouvoir développer ad infinitum une oeuvre de cette envergure.
Je me contenterai de dire pour conclure que là où il y a génie, on ne peut être que gratitude et admiration pour le partage et la richesse qu'il implique et dont il reste quelque chose, ne serait-ce qu'infime... mais c'est suffisant ... après les heures passées dans son ombre.
Rajouter, bien évidemment, que s'il est un livre incontournable, indispensable, - Crime et châtiment - peut-être ce livre.
Tout est dans cette oeuvre magistrale... je ne vais donc pas me répéter... comme D. Ergaz qui en a fait la traduction française et qui n'a pas craint d'employer à peine un peu moins d'une centaine de fois le verbe "marmotter".
N'eût été le génie du livre... j'en aurais presque pleuré...
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