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Citations sur Journal d'un écrivain (15)

Je crois que le principal, le plus profond besoin intime du peuple russe, c'est un besoin de souffrance, perpétuel et jamais assouvi, partout et en tout. [...]
Le courant de la souffrance traverse toute son histoire, et non pas seulement du fait de catastrophes ou calamités extérieures : il jaillit de source du cœur même de la nation. Jusque dans la félicité il faut absolument au peuple russe qu'il y ait une part de souffrance, faute de laquelle son bonheur n'est pas complet.
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Tous tant que nous sommes, nous amis du peuple, nous portons sur lui un regard de théoriciens, et il semble que personne d’entre nous ne l’aime tel qu’il est effectivement, mais seulement tel que nous nous le sommes fabriqué chacun à notre façon. C’est même au point que, s’il advenait que par la suite le peuple russe se révélât autre que nous l’avons fait en imagination, je crois bien que tous, malgré notre amour pour lui, nous le renierions sans le moindre regret.
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Si la foi en l’immortalité est si nécessaire à l’être humain (que sans elle il en vienne à se tuer) c’est donc qu’elle est l’état normal de l’humanité. Puisqu’il en est ainsi, l’immortalité de l’âme humaine existe sans aucun doute.
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La conscience de ne pouvoir porter aucun secours à l'humanité qui souffre peut changer l'amour que vous aviez pour elle en haine contre cette humanité. Les Messieurs aux "opinions de fer" n'ajouteront pas foi à mes paroles, bien entendu. Pour eux l'amour pour l'humanité et son bonheur, tout cela est à si bon compte, si bien organisé, que ce n'est plus la peine d'y penser. Et je désire les faire rire pour tout de bon. Je déclare donc que l'amour de l'humanité est tout à fait impossible sans une croyance à l'immortalité de l'âme humaine. Ceux qui veulent remplacer cette croyance par l'amour pour l'humanité déposent dans l'âme de ceux qui ont perdu la foi un germe de haine contre l'humanité. Que les sages aux "opinions de fer" haussent les épaules en m'entendant exprimer un pareil avis. Mais cette pensée est plus profonde que leur sagesse, et un jour elle deviendra un axiome.
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"La vie est un paradis où nous sommes tous, mais nous ne voulons pas le savoir,sinon demain la terre entière deviendrait un paradis. "
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[Fin du conte intitulé La Timide]

Que m'importent, à présent, vos lois ! Que me font vos moeurs, vos habitudes, l'Etat, la Foi ? Que votre juge me condamne ! Qu'on me traîne à votre tribunal, et je crierai que je ne reconnais aucun tribunal. Le juge hurlera : "Taisez-vous !" Je lui répondrai : "Quel droit as-tu de me faire taire, quand une atroce injustice m'a privé de tout ce que j'avais de cher !" Ah ! Que m'importent vos lois ! On m'acquittera, et cela me sera bien égal. [...]
O nature ! ô hasard ! Les hommes sont seuls sur la terre. Je crie comme le héros russe : "Y a-t-il un homme vivant dans ce champ ?" Je le crie, moi qui ne suis pas un héros, et personne ne me répond... On dit que le soleil vivifie l'Univers. Le soleil se lèvera, et, regardez ! N'y a-t-il pas là un cadavre ? Tout est mort ; il n'y a que des cadavres ! Des hommes seuls, et autour d'eux, le silence, voilà la terre !
"Hommes, aimez-vous les uns les autres !" Qui a dit cela ? La pendule frappe les secondes indifféremment, odieusement !
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Mais je crois bien que ces notations trop générales ne vous convaincront pas. Affaire d’«instruction », répétez-vous, et d’«application»; des « oisifs mal éduqués », redites-vous encore. Remarquez, messieurs, que tous ces grands maîtres à penser européen, nos lumières et nos espoirs, tous ces Mill, Darwin et Strauss, ont parfois une surprenante manière de considérer les obligations morale de l’homme contemporain. Et cependant ce ne sont pas, eux, des paresseux qui n’ont rien étudié, ni de vilains polissons qui remuaient les pieds sous la table. Vous allez rire et vous demander à quoi rime d’invoquer nécessairement ces nom-là ? Mais c’est parce qu’il est difficile d’imaginer, à propos de notre jeunesse intelligente, ardente et studieuse, que ces nom, pris pour exemples, lui aient échappé, qu’elle ne les ait pas rencontrés à ses premiers pas dans la vie. Est-il possible qu’un jeune homme russe reste indifférent au rayonnement de ces chefs de file de la pensée progressiste européenne et d’autres semblables, et surtout à la face russe de leurs doctrines ? Cette expression prête à rire, « la face russe de leurs doctrines » : qu’on me la pardonne, pour la simple raison que ladite face russe de ces doctrines existe réellement. Elle est dans les conclusions qu’on tire de ces doctrines sous forme d’axiome irréfragables, et qui n’ont cours qu’en Russie : en Europe, la possibilité de ces conclusions, dit-on, n’est même pas soupçonnée. On me dira sans doute que ces messieurs n’enseignent pas le crime; que si par exemple Strauss hait le Christ, et s’il a fixé comme but à toute sa vie de couvrir le christianisme de dérision et de crachats, il reste qu’il adore le genre humain tout entier, et que son enseignement est on ne peut plus noble et sublime. Il est très possible que cela soit, et que les buts de tous les coryphées contemporains de la pensée progressiste européenne soient philanthropiques et d’une auguste grandeur. Mais voici ce qui me semble ne faire aucun doute : qu’on donne à tous ces grands maîtres à penser de notre temps pleine possibilité de détruire l’ancienne société et d’en reconstruire une nouvelle, et il en résultera de telle ténèbres, un tel chaos, quelque chose de tellement grossier, aveugle et inhumain, que tout l’édifice s’écroulera sous les malédictions de l’humanité avant même d’être achevé. Une fois le Christ rejeté, l’esprit humain peut aboutir à de stupéfiants résultats : voilà l’axiome. L’Europe, au moins en la personne des plus hauts représentants de sa pensée, rejette le Christ, et nous, tout le monde sait cela, nous avons pour devoir d’imiter l’Europe.
Il est des moments historiques dans la vie des hommes où un forfait manifeste, impudent, monstrueux, peut apparaître comme le fait d’une grande âme, comme l’acte de noble courage d’une humanité qui veut s’arracher à ses chaînes. Faut-il des exemples, n’y en a-t-il pas des milliers, des dizaines et des centaines de milliers ?… C’est là, il est vrai, un thème ardu, démesuré, et qu’il est difficile d’aborder dans les limites d’un feuilleton ; mais je crois qu’au total on peut admettre ce que j’avance : à savoir que même un garçon honnête et candide, même un bon étudiant peut quelquefois se transformer en un niètchaïévien… si, bien entendu, un Niètchaïev se trouve sur sa route : ceci est condition sine qua non…

(…) Messieurs les défenseurs de notre jeunesse, considérez enfin le milieu, la société dans laquelle elle a grandi, et demandez-vous : peut-il y avoir de notre temps quelque chose de moins protégé contre certaines influences ?
Avant tout posez-vous cette question : si les pères même de ces jeune ne sont ni meilleurs, ni plus fermes, ni plus sains dans leurs convictions ; si de leurs première enfance ces jeunes gens n’ont trouvé dans leurs familles que cynisme, hautaine et ( la plupart du temps) indifférente négation; si le mot « patrie » n’a jamais été prononcé devant eux qu’avec une moue railleuse; si tous ceux qui les ont éduqués n’ont eu pour la cause de la Russie que dédain ou indifférence; si les plus généreux de leurs pères et de leurs éducateurs ne leur ont jamais inculqué que les idées d’« humanité universelle »; si dès leur enfance on morigénait leurs nourrices quand elle récitaient la prière à la Vierge sur leurs berceaux; alors dites : peut-on exiger de ces enfant-là, et est-il humain, lorsqu’on prétend les défendre s’ils en ont besoin, de se tirer d’affaire par la simple négation du fait ?

(…) Mais pour le moment il y a encore autour de nous un tel brouillard d’idées fausses, tant de mirages et de notions préconçues nous environnent encore, nous et notre jeunesse, et toute notre vie de société, la vie des pères et des mères de cette jeunesse prend de plus en plus un aspect si étrange, qu’on en vient malgré soi à chercher tous les moyens possibles de sortir d’incertitude. Un de ces moyens est d’être, pour sa propre part, moins sourd à la voix du cœur, de ne pas rougir, au moins de temps en temps, d’être traité de citoyen, et… au moins de temps en temps, de dire la vérité, même si elle est, à ce qu’il vous semble, insuffisamment libérale.

Dostoïevski - Une des contre-vérités du temps présent - Journal d’un écrivain - 1873 3/3
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Plus d’une fois on m’a poussé à écrire mes souvenirs littéraires. Je ne sais pas si je le ferai. Ma mémoire devient paresseuse, puis c’est triste de se souvenir ! En général j’aime peu me souvenir. Quelquefois, cependant, tels épisodes de ma carrière littéraire se présentent d’eux-mêmes à ma mémoire avec une incroyable netteté. Voici, par exemple, quelque chose qui me revient. Un matin de printemps j’étais allé voir Iégor Petrovitch Kovalesky. Mon roman Crime et Châtiment, qui était alors en voie de publication dans le Messager russe, l’intéressait beaucoup. Il se mit à m’en féliciter chaudement et me parla de l’opinion qu’en avait un ami dont je ne puis ici donner le nom, mais qui m’était très cher. Sur ces entrefaites se présentèrent, l’un après l’autre, deux éditeurs de revues. L’un de ces périodiques a acquis depuis un nombre de lecteurs généralement inconnu des revues russes, mais alors elle était tout au début de sa fortune. L’autre, au contraire, achevait déjà une carrière naguère glorieuse ; mais son éditeur ignorait que son œuvre dût si tôt prendre fin. Ce dernier m’emmena dans une autre pièce où nous demeurâmes en tête-à-tête. Il s’était montré en plusieurs occasions assez amical à mon égard, bien que notre première rencontre eût été orageuse. Une fois, entre autres, il m’avait montré des vers de lui, les meilleurs qu’il eût écrits, et Dieu sait si son apparence suggérait l’idée que l’on se trouvât en présence d’un poète et surtout d’un amer et douloureux poète ! Quoi qu’il en soit, il entama ainsi la conversation :

— Eh bien ! Nous vous avons un peu arrangé, dans ma revue, à propos de Crime et Châtiment !

— Je sais, je sais… répondis-je.

— Et savez-vous pourquoi ?

— Question de principe, sans doute.

— Pas du tout, c’est à cause de Tchernischevsky. Je demeurai stupéfait.

— M. N…, reprit-il, qui vous a pris à partie dans son article, est venu me trouver pour me dire : son roman est bon, mais, voilà deux ans, il n’a pas craint d’injurier un malheureux déporté et de le caricaturer. Je vais éreinter son roman.

— Bon ! voilà les niaiseries qui recommencent au sujet du Crocodile, m’écriai-je, comprenant tout de suite de quoi il s’agissait. Mais avez-vous lu ma nouvelle intitulée le Crocodile ?

— Non, je ne l’ai pas lue.

— Mais tout cela provient d’une série de potins idiots. Mais il faut tout l’esprit et tout le discernement d’un Boulgarine pour trouver dans cette malheureuse nouvelle la moindre allusion à Tchernischevsky. Si vous saviez comme tout cela est bête ! Jamais je ne me pardonnerai, pourtant, de n’avoir pas, il y a deux ans, protesté contre cette stupide calomnie dès qu’elle a été lancée…

Et jusqu’ici je n’ai pas encore protesté. Un jour je n’avais pas le temps, un autre jour je trouvais le clapot par trop méprisable. Cependant, cette bassesse que l’on m’attribue est devenue un grief contre moi pour bien des gens. L’histoire a fait son chemin dans les journaux et revues, a pénétré dans le public et m’a valu plusieurs désagréments.

Il est temps de m’expliquer là-dessus. (Mon silence finirait par confirmer cette légende.)

J’ai rencontré pour la première fois Nicolas Gavrilovitch Tchernischevsky en 1859, pendant la première année qui suivit mon retour de Sibérie ; je ne me rappelle plus ni où ni comment. Dans la suite nous nous sommes retrouvés ensemble, mais pas très fréquemment ; nous ne causions guère, mais chaque fois nous nous sommes tendu la main. Herzen me disait que sa personne et ses manières lui avaient produit une fâcheuse impression. Mais moi j’avais de la sympathie pour lui.
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[A propos de Tolstoï et Anna Karénine]

Dans l’opinion de l’auteur russe, aucune réglementation neuve de la fourmilière, aucun triomphe du « quatrième état », aucune extinction du paupérisme ne sauront sauver l’humanité des anomalies en matière de culpabilité et de responsabilité. Cela est fermement établi, après un puissant et philosophique examen de l’âme humaine, avec une force et un réalisme d’expression artistique, inouïs jusqu’à présent, chez nous. Il est clair, évident, que le mal se cache plus profondément en l’homme que ne le supposent les médecins socialistes. Dans aucune société humaine organisée, on ne supprimera le mal qui est dans l’âme des hommes, laquelle demeurera la même, en dépit de tous les médecins et de tous les juges. Le juge humain doit savoir lui-même qu’il n’est pas un juge définitif, n’étant qu’un pécheur comme les autres, qu’il est absurde qu’il puisse juger, s’il n’a recours à l’unique moyen de comprendre qui est la charité, l’amour. Une seule issue est indiquée à l’homme ; elle est généralement mise en lumière dans une splendide scène du roman, dans les pages consacrées à la maladie, crue mortelle, de l’héroïne. Les ennemis deviennent supérieurs à eux-mêmes, se transforment en frères qui se sont pardonné, en des êtres qui, dans l’oubli de leurs ressentiments, ont rejeté loin d’eux le mensonge et le crime.
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Le secret pour voyager d'un façon agréable consiste à savoir poliment écouter les mensonges des autres et à les croire le plus possible. On vous laissera, à cette condition, produire à votre tour votre petit effet et, ainsi, le profit sera réciproque.
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