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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
En rendant hommage à ses aïeux, dont René Coty dernier président de la IV république, Benoit Duteurtre romance un demi siècle d'histoire du Pays de Caux et analyse l'évolution sociologique du triangle Etretat, Paris, Le Havre où vit sa famille.

L'écrivain masque ses cousines, ses oncles et tantes, en modifiant leurs noms et prénoms mais chacun reconnait le Docteur Georges, député du Havre et gendre du président Coty, sous le pseudonyme du « docteur Charles » et les familiers identifient aisément les personnages de ce roman dont on lit l'évolution sociale et religieuse en un demi siècle.

La description d'Etretat, l'évocation de son ancien maire Raymond Lindon (père de l'éditeur Jérome Lindon directeur des Editions de Minuit) rappelle que le chemin de fer, là comme ailleurs, permit la création de cette cité balnéaire appréciée des parisiens qui trouvaient la mer à deux heures de la capitale. Maupassant, Maurice Leblanc, les impressionnistes contribuent à la notoriété de ce paradis qui attire une clientèle aussi aisée que discrète. D'où la fondation d'un casino et d'une digue « Le Perrey » protégeant une vie sociale codifiée par les us et coutumes de la bourgeoisie qui voit se succéder les générations de 1880 à 1980, époque où l'impôt sur la fortune et les taxes foncière contraignent les familles à vendre leurs villas condamnant ainsi à la ruine ces petites stations et leurs artisans et achevant, par exemple, la légendaire pâtisserie Lecoeur.

Benoit Duteurtre observe le saccage de la nature et l'exploitation à grande échelle des galets qui laissent le littoral exposé aux marées et rasent les légendaires cabines de plage. Paru en 2008, cet ouvrage n'évoque pas le parc éolien et ses 71 turbines qui vont polluer polluer ce paysage mondialement connu …

« Les pieds dans l'eau », le romancier s'amuse à peindre avec ironie et nostalgie un monde en voie d'extinction mais il conclut avec espérance « je ne connais rien de plus fascinant que ce mélange de beauté immuable et de transformation du monde ».

Etretat demeurera donc éternellement célèbre, « L'aiguille creuse » et « La véritable identité d'Arsène Lupin ou le Secret des rois de France » n'ont pas fini de nous enchanter et Benoit Duteurtre rejoint Maupassant, Maurice Leblanc et Valère Catogan (alias Raymond Lindon) au panthéon des écrivains normands.
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« Tout ce qui disparaît me désole. » Benoît Duteurtre exprime une nostalgie douce et amère pour nous raconter la fin d'un monde. Pour ce faire, il puise dans la veine autobiographique. Il retrace le parcours social de la branche maternelle de sa famille et analyse la sociologie de la station balnéaire d'Étretat qu'il fréquente depuis son enfance.

« le 23 décembre 1953, à la surprise générale, René Coty était devenu président de la République française. » Cette élection provoque un cataclysme dans l'existence de ses proches. Habitués à un effacement timide, les voilà projetés dans les fastes de la République, contraints à devoir assumer une notoriété qui leur déplaît. Les petites-filles de René Coty restent indifférentes à la hiérarchie sociale et décident d'épouser des petit-bourgeois (ingénieurs, médecins). Elles choisissent ainsi une vie simple et heureuse, loin des mondanités. le souvenir de l'illustre aïeul s'efface progressivement et chacune finit par mener une vie normale et anonyme.

La deuxième partie du roman s'intitule « La fin du christianisme ». Duteurtre illustre le déclin de la bourgeoisie catholique à travers l'exemple de sa famille. Ses parents formaient un couple à la fois progressiste et très croyant. Enfant, l'auteur appartenait à la chorale de Saint-Thomas-d'Aquin du Havre. Les petits chanteurs entonnaient des morceaux de Lully, Rameau ou Haendel pour la grand-messe. Mais l'esprit libertaire imprègne peu à peu la chorale et bientôt des refrains de guitare issus du répertoire folk américain résonnent au cours de l'office. La chorale devient mixte et perd toute raison d'être. Les premiers renoncements ont marqué le début d'une défaite totale de la tradition. L'ouverture s'est transformée en déconfiture.

Une autre partie du roman porte également un titre évocateur : « La lutte des classes à Étretat ». Ce site est célèbre pour son « aiguille » et ses hautes falaises de craie blanche. Étretat est devenue au cours du XIXème siècle une station balnéaire prisée par la bourgeoisie parisienne. Des familles aisées continuent de s'y rendre chaque saison et pratique l'entre-soi en cultivant les « relations de plage ». C'est un monde fermé qui se retrouve autour de rituels précis : arpenter le Perrey le long des falaises, prendre des bains de mer à heures régulières, manoeuvrer le canot traditionnel nommé périssoire, posséder sa cabine, participer à un gala fin août. Adulte, Benoît Duteurtre tentera de s'intégrer à la société d'Étretat. Il ne parviendra qu'à nouer quelques liens avec les personnages âgées ravies d'échanger avec ce jeune-homme charmant. La plage est partagée avec les touristes issus des campings mais aussi avec ceux issus des quartiers populaires du Havre. La cohabitation est parfois difficile…

Duteurtre regrette la disparition d'une bourgeoisie qui cultivait l'esprit et le luxe et qui savait s'inventer une esthétique. Une classe sociale qui a offert de nombreux artistes à la France et qui se faisait construire des villas de plaisance originales. Désormais, le tourisme n'est plus un privilège, il s'est démocratisé et fait désormais place à une industrie des loisirs qui gomme toutes les disparités pour livrer un divertissement standardisé.

Le 11 août 1999, l'auteur observe l'éclipse totale de soleil de la plage. Ce phénomène symbolise à ses yeux la fin d'un monde à quelques mois de l'avènement d'un nouveau millénaire. La villa familiale est vendue à une famille qui a fait fortune dans la grande distribution, une cousine qui cultivait la mémoire de René Coty décède, certains rituels propres à la société d'Étretat ne sont plus suivis. Pour l'auteur, ce constat peut être étendu à la France. Il regrette la disparition d'un monde remplacé par une modernité décevante. Benoît Duteurtre se désole et relève par la satire quelques traits typiques de notre époque. Il consacre de nombreuses pages au galet d'Etretat qui seul parvient à contenir les marées et à ralentir l'expansion touristique et se moque d'une société avide de "précautions" qui en vient à interdire l'usage d'un canot dans les zones de baignade. Résigné, l'auteur nous livre une nouvelle fois son credo, il faut : "goûter à toutes les joies possibles".
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Dans ce roman clairement autobiographique, Benoît Duteurtre évoque ses souvenirs d'enfance et d' adolescence sur la côte normande, entre le Havre et la plage d'Etretat. Arrière petit-fils de René Coty – dernier Président de la IV ème République, de 1954 à 1959 – , ses réminescences sont indéfectiblement liées à l'histoire familiale ; défilent ainsi ses cousines, ses tantes et ses oncles, sa grand-mère, sa mère... et on sent la figure de l'arrière-grand-père planer de page en page...
À travers des images, des sensations, des lieux, des odeurs, des visages, des saveurs, des bruits, l'auteur retrace des instants d'une époque aujourd'hui révolue avec des sentiments différents : tantôt avec son regard d'enfant empreint de candeur tantôt avec ses yeux d'adulte, lucide et volontiers ironique.
Conjointement, Benoît Duteurtre profite de l'évocation de la deuxième partie du XX ème siècle pour faire une sorte d'étude sur l'évolution de la société durant ces années-là (consumérisme, addiction – casino, drogues – Mai 68...) à travers le microcosme d'Etretat et de sa plage : le comportement des parisiens, des touristes, des autochtones, des jeunes des cités du Havre...
L'écriture est pleine de charme lorsqu'il entre en contemplation. Ses descriptions de la mer et de ses baigneurs sont très belles. Une atmophère un brin désuète avec le luxe des villas de la station balnéaire et les cabines du bord de mer, le poids de l'Histoire et l'influence d'un homme sur l'existence d'une famille entière de génération en génération, les falaises abruptes et les traces laissées par les impressionnistes, de jolis portraits de femmes, l'apprentissage d'un homme devenu écrivain... Une agréable promenade.
Lien : http://lesmotsdelafin.wordpr..
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Ce roman autobiographique est une chronique familiale pleine de charme et de nostalgie Un vrai coup de coeur.
C'est à La Ramée, la maison familiale d'Etretat que se retrouvent ou se suivent les membres de la tribu, descendante du président René Coty.
L'auteur évoque avec tendresse et ironie ses ascendants, ses nombreuses et attachantes cousines, les plaisirs minuscules, les rituels de la plage, les bains dans les flots toniques. A signaler un chapitre cocasse sur les galets d'Etretat, où, avec un formidable esprit de clocher se déploie toute la verve et le talent de l'écrivain.
Il exprime avec habileté ce difficile compromis entre le souci de respectabilité d'une honorable famille catholique engagée et les aspirations à plus de fantaisie, de liberté et d'extravagance.
J'ai aimé le regard distancié porté à la fois sur son clan et sur une société en mutation, oublieuse de valeurs désuètes mais tellement confortables.
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Agréable roman sur la station d'Etretat et ses estivants : on retrace l'évolution de cette station balnéaire normande de 1948 à nos jours en parallèle avec la famille (filles, petits-enfants…) du président René Coty dont l'auteur est l'arrière petit-fils.
Entre nostalgie et ironie, le ton est très personnel mais on aborde des thèmes universels : à travers l'évolution des moeurs des estivants, les changements d'été en été, l'auteur brosse le portrait de la société française.
J'ai aussi aimé « reconnaître » les lieux décrits, du Havre à Etretat et le ton particulier : personnel, impliqué mais aussi distancié, analytique et sans complaisance.
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J'ai beaucoup aimé.
Nous découvrons les descendants de René Coty, les moeurs de la bourgeoisie, les maisons de vacances au bord de mer, à Etretat.
Puis l'été, les cabanes sont installées sur la plage par les habitués et ce fossé, qu'il décrit sans méchanceté entre la famille côté "riche et aisé" et la famille simple, habitant le département.
J'ai trouvé de la poésie, de bonnes analyses de la société de cette époque ainsi que de l''évolution de cette famille au fil des années.
Beau roman, écriture fluide.
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J'ai beaucoup aimé ce roman-chronique qui m'a rappelé l'époque de mon enfance et de mon adolescence (je suis de la même génération que l'auteur), même si je ne suis pas de cette région.
J'ai été intéressé par l'évocation (...)

la suite sur mon blog
Lien : http://lespassionsdelaura.ov..
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