En terminant la lecture de la
vie de Gérard Fulmard, je suis un peu déçu. Moins déçu pourtant que je n'étais après les premières pages, j'ai même failli abandonner à la page 50. La fin du livre, c'est de l'
Echenoz en grande forme, mais le début est étonnamment maladroit dans son écriture, tant du côté du style que du côté du déploiement de l'histoire. La fin est un feu d'artifice de détournements des codes du genre polar, il y a un cliff-hanger répété (deux chapitres qui se terminent sur une même situation en suspension, où l'on attend le discours d'un homme politique, un discours historique, nous prévient le narrateur ; après le premier cliffhanger, on s'attend au développement de ce discours, mais non, il y a un deuxième chapitre qui se termine également sur l'attente du discours) qui finalement part en vrille : on ne saura jamais exactement en quoi le discours de Frank Terrail serait historique, parce que le discours n'est pas raconté, il n'y a que quelques échos qui forment la matière du chapitre suivant, sans plus. Il y a des scènes absolument truculents, comme
Echenoz les sait écrire, où des choses assez convenues (journée à la plage) sont raconté avec un enjouement goguenard toujours juste pour inévitablement finir sur quelque chose de hors norme (attaque d'un requin monstrueux). C'est tout ce qui manque au début du roman, qui est plat, qui languit, qui est semé de phrases maladroites.
Echenoz essaie un parler populaire, mais sans trop arriver : trop de répétition des mêmes expressions, trop de mélange de mots et de façons de parler populaire avec des éléments d'un registre de langage élevé (eussent-ils eu). Non seulement ce mélange ne prend pas, mais de plus l'auteur ne le pratique qu'au début du livre, le laissant tomber par la suite.
Echenoz est un écrivain que je suis assez fidèlement, un des rares en fait, pour des raisons qui me sont plus au moins opaques : si j'aime beaucoup son style, ses petits jeux formels, je regrette un peu la vacuité de ses livres. On n'y trouve pas beaucoup d'idées, de vues nouvelles sur telle ou telle chose, et c'est sans aucun doute intentionnel :
Echenoz reste à la surface des choses et il fait cela très bien. Cependant, il faut la perfection dans ce genre, c'est ce qui fait défaut dans La vie d Gérard Fulmard.