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3,36

sur 577 notes

Une lecture éphémère.
Je me dépêche d'écrire ce billet sur le dernier roman de Jean Echenoz car j'ai peur qu'une seule nuit de sommeil suffise à me faire oublier des pans entiers de cette histoire. Les récits de cet auteur me font toujours le même effet : un plaisir fugace de lecture, un joli château de sable abandonné à marée basse, une intrigue dont le souvenir ne dépasse pas l'espérance de vie d'un insecte.
Minute Papillon ! Tu parles d'un auteur Goncourisé, encensé par la critique et publié aux Editions de Minuit. Ce n'est pas un almanach abandonné dans une boîte à livres recouverte de graffitis à la qualité artistique douteuse.
J'ai conscience de tout cela mais si les bons mots et le ton détaché de l'auteur enrichissent ma collection de citations amusantes, cette prose ne franchit jamais l'emballage des personnages et me laisse en rade d'émotions.
Je m'en veux un peu car j'apprécie d'ordinaire les romanciers qui ne se complaisent pas dans la psychologie positive et qui évitent les tons trop partisans et moralisateurs. Jean Echenoz colle à ce portrait-robot mais j'ai l'impression qu'il filme plus qu'il n'écrit ses personnages et je suis resté une nouvelle fois spectateur de cette histoire.
Côté scénario, Gérard Fulmard, ancien steward passé par le hublot, s'improvise détective privé avec la conviction d'un paresseux neurasthénique. Il est embauché par un parti politique miné par des magouilles, les luttes de pouvoir et dont une des responsables vient de se faire enlever. Ce mouvement à l'idéologie poreuse semble néanmoins pencher très à droite de l'échiquier politique. Les échecs, Fulmard les collectionne comme d'autres les timbres et il parvient sans trop de difficultés à tâcher le sale boulot qui lui est confié.
Les passages les plus réussis concernent l'évocation burlesque des évènements qui ont animé la rue Erlanger où vit le héros. Il faut reconnaître à l'auteur cette capacité à introduire dans ses intrigues des épisodes improbables. Jean Echenoz n'est pas un homme de statistiques ou de probabilités, c'est un fantaisiste, et il n'hésite pas incruster dans son histoire un requin mangeur d'hommes ou la chute d'un satellite russe. En revanche, le lecteur et Gérard Fulmard restent en orbite face aux évènements et j'ai trouvé que la description des officines politique se limitait à une visite guidée de lieux communs, une sorte de florilège sans philtre du Canard enchaîné.
Pour ce roman, difficile de compter les étoiles quand on observe une comète.
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Féroce et jubilatoire, cette vie de Gérard Fulmard, montre que l'on peut être un consultant apte à tout et donc bon à rien, avoir la chance de se dispenser de loyer grâce à la chute providentielle d'un engin spatial soviétique sur un centre commercial d'Auteuil qui satellise son propriétaire puis se recycler, à l'insu de son plein gré, dans le service d'ordre d'un parti politique.

Mouvement difficile à identifier ce FPI. Certes le mandat à Belfort fait penser au « Ché », (Chevénement) seul homme politique contemporain à être ressuscité, mais, en même temps, la suite évoqué davantage « l'andouille de Vire » (Strirn) qui payait des figurants pour remplir ses meetings, et, à vrai dire, il est à craindre que chaque parti soit envisageable depuis que les convictions ont disparu.

Quoi qu'il en soit toute ressemblance serait purement fortuite, dirait l'auteur, et le scénario, qui tient du pastiche littéraire, a le mérite de nous balader dans le Paris huppé de la rue Erlanger, de nous en livrer ses mystères et de nous peindre subtilement et cruellement la vanité de notre époque. La « scène de crime » à Auteuil nous vaut notamment une mémorable et savoureuse parodie des chaines d'information en continu.

Faisant penser à Modiano, les instantanés et les failles (le Bic en panne), les personnages tel le docteur Bardot, ces pages broient du noir avec humour, ironie, et talent, car l'auteur écrit avec une variété de styles, un luxe de vocabulaire, un rythme haletant qui font oublier la minceur de l'intrigue et le vide des personnages.

Cette source effervescente de bonne humeur, pouvant être mise dans toutes les mains, nous révèle un anti héros totalement méconnu dans un contexte de décadence que nous ne connaissons que trop.
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L'anti-héros est tendance. Gérard Fulmard, avec son nom qui, à une lettre près, évoque un oiseau de mer gris et terne s'inscrit sans conteste dans ce club peu envié des losers, des perdants, souvent assortis d'une propension à se construire des châteaux en Espagne.

La scène inaugurale ne manque pas d'originalité, de l'inédit à ce jour, mais tout à fait plausible, compte tenu de la colonisation de l'espace qui entoure notre planète par d'innombrables déchets technologiques. Gérard Fulmard y voit un point positif : son propriétaire est décédé, un peu de répit pour régler son loyer…

Ce que l'on sait de sa vie passée, peu de choses, hormis qu'il fut steward, licencié pour faute.
Ne rêvons pas sur son physique, les années ont peu à peu étoffé une silhouette qui fût peut être un jour longiligne. « Je ressemble à n'importe qui en moins bien ». Au moins de ce point de vue, il ne s'illusionne pas .

Il habitue une rue triste, seul. Et décide donc de reprendre le contrôle de son destin : il crée sa propre entreprise, aussi peu spécialisée que possible : le Cabinet Fulmard Assistance, au sein duquel il se promeut détective.

De fil en aiguille, le suivi psychiatrique dont il bénéficie, (sans choix personnel, puisque c'est une injonction suite aux débordements de conduite en plein vol) l'amène à fréquenter de drôles de personnages. Et à découvrir les manoeuvres tactiques d'un petit parti politique, peu influant par le nombre mais remarquable par ses excès.

Gérard Fulmard, anchois au milieu des requins…

C'est presqu'un roman d'espionnage que nous propose là Jean Echenoz, toujours dans ce style particulier, fait de sobriété et de précision; toujours en décalage avec le propos.

Malgré le peu d'empathie que suscite le personnage, il est difficile de ne pas avoir envie de savoir ce qui va lui arriver. le milieu politique décrit ne fait pas rêver non plus, mais malgré tout, le roman se parcourt avec plaisir. D'autant que l'humour, assez grinçant, agrémente cette partition d'une symphonie lugubre.

Inconditionnelle de l'auteur, j'ai apprécié cet opus, mêmes ce n'est pas mon préféré.
Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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Bienvenue en Echenozie !

Cette fois, l'auteur s'empare du genre polar, mais à sa manière, très personnelle , rien que pour le plaisir d'en détourner les codes. Il y a bien un détective privé, une disparition mystérieuse qui pourrait s'avérer un meurtre, et un marigot d'hommes et femmes politiques prêts à toutes les combines pour s'emparer du pouvoir interne au sein de leur parti.

Clairement passe ton tour si tu veux un polar conventionnel "suspense – rebondissements – dénouement surprenant". La trame enquête est une célébration de la cassure, de l'ellipse et de la digression. Cet art du zigzag totalement maitrisé – et souvent jubilatoire – te fait côtoyer pendant quelques pages un boulon géant issu d'un satellite soviétique obsolète qui s'écrase sur Paris, un Mike Brant défenestré et même un cannibale japonais ... autant de détails ou d'informations que le lecteur appréhende sans trop savoir comment les classer dans la hiérarchie des péripéties. C'est son style qui embarque le lecteur dans une intrigue complètement farfelue - ou pas, on peut ne pas adhérer au style Echenoz.

Car oui, Echenoz est un styliste de haute volée, un formidable fabriquant de phrases. Chacune est un bonheur. Chaque phrase possède sa propre histoire, avec ses changements de registre de langue ou d'échelle, avec son art prononcé de la ponctuation pour cadencer les ruptures narratives internes . Les mots fondent dans la bouche comme des gourmandises.

Et quel humour ! Tout est cocasserie, on rit beaucoup. Notamment dans la présentation des nombreux personnages, qui donne lieu à une galerie de portraits truculents, à commencer par celui de Gérard Fulmard, le narrateur, antihéros désoeuvré et dérisoire, improvisé détective privé : « je ressemble à n'importe qui en moins bien. Taille au-dessous de la moyenne et poids au-dessus, physionomie sans grâce, études bornées à un brevet, vie sociale et revenus proche de rien, famille réduite à plus personne, je dispose de fort peu d'atouts, peu d'avantages ni de moyens. Encore heureux que j'aie pu rependre ces deux pièces et demie après le décès de ma mère, elles étaient locativement les siennes et je n'ai pas changé les meubles. »

J'ai adoré les noms attribués aux personnages ainsi que leurs descriptions
, Luigi Pannone, Nicole Tourneur, Cédric Ballestertous, Guillaume Flax, Francis Delahouère ( assistant de Joël Chanelle «  aspect sphéroïdal voisin de celui-ci mais en version effilochée, imprécise, mal rangée. Sa cravate dépasse derrière le col de sa chemise, ses cheveux sont rétifs et ses vêtements, même neufs, paraissent élimés aux extrémités, il ressemble au portrait de Chanelle exécuté par un enfant psychotique. » ), les frères Apollodore et Ermosthène Nguyen, Dorothée Lopez ( «  ce genre de femmes un peu mûres qu'on doit croiser dans des soirées dont je me fais une idée lointaine et qui, coupe de champagne en main, voix de fumeuse et bas fumés, décolleté abyssal et rouge à lèvres extraterritorial, doivent laisser distraitement glisser une bretelle de leur robe en citant Plekhanov du bout de leur grosse langue rose et, en pareil cas, le mécanisme est immanquable : je dois regarder ailleurs sinon je bande. »

Un roman délicieux et drolatique à savourer pour ses extraordinaires qualités d'écriture. Le souvenir en sera sans doute fugace, mais peu importe, le plaisir est là.

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Viré de son emploi de steward, Gérard Fulmard décide de se promulguer détective privé. Sans aucune expérience, il se retrouve embarqué dans une drôle d'affaire et, à son corps défendant, devient homme de mains d'un parti politique, dans des circonstances qui ne vont cesser de lui échapper.


Quel délice que ce roman qui s'amuse à détourner les codes du polar pour nous servir une histoire riche en rebondissements burlesques, centrée sur un anti-héros bien peu armé pour affronter les pièges d'un monde politique dangereusement marécageux, et rédigée dans un style jubilatoire et sans pareil : chaque phrase est une friandise, tant le choix des mots et des formules est ciselé, le tout sur un ton où transperce la délectation de nous surprendre et de nous faire sourire. Entre l'intrigue pleine de fantaisie dont on se demande avec curiosité quelle en sera l'issue, et l'irrésistible jeu de l'écriture, aussi drôle que virtuose, l'on parvient à l'excipit avec le regret d'en avoir déjà terminé avec ce pur moment de plaisir littéraire. Coup de coeur.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Ne me dites pas que vous n'en avez pas entendu parler ! La plupart des magazines consacrent au moins une page à Jean Echenoz et à son dernier roman, Vie de Gérard Fulmard. On crie au génie… Alors, véritable chef-d'oeuvre ou coup de communication ?

Ecrivain atypique, ne recherchant pas spécialement l'exposition médiatique, Jean Echenoz est très apprécié dans une certaine élite littéraire. Au cours des vingt dernières années, ses oeuvres ont été saluées par des prix éminents, mais relativement confidentiels. le prix Goncourt lui avait été attribué en 1999 pour son roman Je m'en vais. En remontant plus loin dans le temps, on trouve aussi un prix Médicis (1983).

Son écriture est volontairement minimaliste. Les ellipses aménagées dans ses narrations confèrent à ses fictions une ambiance étrange, une absence apparente de sens, un je-ne-sais-quoi de surréel. Une particularité qui pourrait évoquer Patrick Modiano, chez qui l'essentiel d'un récit se situe aussi au-delà de l'histoire racontée. Mais chez Echenoz, et notamment dans Vie de Gérard Fulmard, pas d'introspection, pas de quête personnelle, pas d'interrogation spirituelle, juste le constat désinvolte de l'absurdité du monde, la démonstration ironique de la vacuité des choses humaines.

Une absurdité qui se retrouve dans l'incongruité des situations décrites tout au long du livre. Une vacuité partagée par tous les personnages : que des tocards, des losers, dont les projets ne peuvent qu'échouer, à commencer par Gérard Fulmard, le personnage principal ! Et les autres personnages, des politicards minables, membres d'un parti populiste, ne valent guère mieux. La médiocrité des personnages est un point commun avec Michel Houellebecq, mais alors que celui-ci prend un plaisir provocateur à en disséquer tous les aspects, Jean Echenoz reste au niveau de la suggestion floue. Avec le risque de se répéter et d'en affaiblir l'effet de dérision.

Peut-on parler d'intrigue dans Vie de Gérard Fulmard ? Au vu des nombreuses digressions qui se succèdent et qui m'ont à chaque fois embarqué, je me suis posé la question, même si l'auteur a l'habitude de déclarer que l'intrigue est un mal nécessaire du roman. Oui, il y a le fil d'une intrigue, un fil bien mince, une vague intrigue de roman policier dans la tradition des anciennes séries noires. Un polar, donc, à moins qu'il ne s'agisse d'un pastiche de polar. Mais peu importe.

L'écriture est exceptionnelle. Comme Houellebecq, Echenoz a une telle maîtrise de la langue, de la syntaxe et du vocabulaire qu'il est capable de s'abstraire des règles littéraires courantes et d'oser toutes les fantaisies, comme mêler dialogues et narration, ou changer de narrateur au beau milieu d'une phrase, ou encore insérer des mots rares dans une assertion d'une banalité affligeante.

Pourquoi Jean Echenoz écrit-il ? Pour le plaisir d'écrire, tout simplement. Et si on le lisait pour le plaisir de lire, tout simplement ? Car les deux cents et quelques pages du livre se lisent avec jubilation. C'est déjà ça. Pourquoi se priver du plaisir instantané d'une lecture sans arrière-pensées ? de là à parler de chef-d'oeuvre…

Que me restera-t-il de Vie de Gérard Fulmard un mois après tourné la dernière page ? Juste que j'aurais pris beaucoup de plaisir à lire un roman dont je ne me souviendrai plus très bien de quoi il y était question.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Bon, un dernier bof en vitesse et on passe à autre chose.

Quatrième lecture-bof successive, mais cette fois c'est décidé, j'arrête de me poser des questions.

Bof pour le personnage de ce pauvre Gérard, tocard burlesque paumé chez les chacals d'un sinistre parti politique.

Bof pour le trait singulier d'Echenoz, comique et imagé parfois, baroque et nébuleux trop souvent (à mon goût).

Et bof pour l'intrigue absurde qui abandonne le lecteur à un fâcheux épilogue, bizarre et frustrant.

Allez hop, au suivant (ça tombe bien, on a du temps).


Lien : http://minimalyks.tumblr.com/
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"Lu en audio", avec la voix de Dominique Pinon qui est excellente dans cet exercice de style.
Ce petit livre est en effet sans prétention, plutôt axé sur l'esthétique de la narration. Son mérite principal : faire sourire.
On peut y voir nombre d'allusions à quelques sujets d'actualité au sens sociétal mais à petites touches, presque impressionnistes.
Bref, c'est un divertissement littéraire.
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Pas convaincue par cet ancien steward viré (on ne saura jamais vraiment pourquoi, juste une allusion) qui se convertit en détective privé. Pas de voiture, trouillard, etc. Par son psy, il va se retrouver tueur d'un homme politique. Des situations abracadabrantes. Juste la narration est amusante lorsqu'il prend le lecteur à témoin et les drames survenus rue Erlanger. La majorité des critiques sont élogieuses. Pourquoi suis-je passée à côté ?
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D'un côté les hauts dirigeants de la FPI (Fédération populaire indépendante) se devant de réagir au décès de la Secrétaire Générale, avec le jeune loup Ballester espérant séduire la jolie fille de feu la secrétaire, le Délégué Général Chanelle plein d'espoir, l'homme de confiance, Pannone, et les deux gardes du corps un peu nase, le transparent Flax et l'inébranlable Frank Terrail, Président 'has been' et un peu trop encombrant.

De l'autre côté, Gérard Fulmar, petit gros, looser portant des chaussettes en viscose, sans travail, transformant son deux-pièce et demi en bureau de détective amateur.

J'imagine Echenoz remplissant ses pages, un petit sourire aux lèvres et ce qu'il nous offre est délicieux, une palette de gens 'qui s'y croient' et une prose qui semble couler tranquillement, avec de jolies surprises et de belles touches d'humour.
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