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L'un des meilleurs essais sur le fascisme qui ne soit pas écrit par un historien. Court, rigoureux et juste. Et plus, c'est très accessible. C'était, au départ, un texte pour une conférence. ( Si le sujet vous intéresse, LE livre sur le sujet est définitivement le Fascisme en Action de Robert Paxton.)

Eco parle d'abord d'un Ur-fascisme, parce que tous les fascismes, de par leur essence nationale, sont différents. Il ne tente pas de faire une liste avec des cases à cocher pour déterminer si un État est fasciste ou non. le fascisme aujourd'hui ne ressemble pas au fascisme du 20e siècle.

Le fascisme n'est pas non plus une idéologie. Il n'y a pas de philosophie fasciste avec une vision cohérente du monde. On y est d'abord *contre* quelque chose plutôt que *pour* quoi que ce soit. Et on utilise les arguments qui font avancer nos pions aujourd'hui sans se soucier de contredire nos arguments de la veille.

Mais malgré cela, les fascismes ont un air de famille. Des caractéristiques qu'ils partagent et réadaptent à leur sauce. En voici la liste que dresse Eco (copiée/collée sur le web, j'ai la flemme) :

Le culte de la tradition
Refus du monde moderne
L'irrationalisme et culte de l'action pour l'action
Le désaccord, l'esprit critique, est une trahison
Refus radical de la différence, raciste par définition
L'appel aux classes moyennes frustrées
L'obsession du complot
Exalter la force de l'ennemi puis la vaincre
Le pacifisme est une collusion avec l'ennemi
L'élitisme de masse
Le culte du héros
Puissance = culte du machisme = mépris pour les femmes
Les individus n'ont pas de droit, seul le peuple...
Invention d'une nouvelle langue, lexique pauvre, syntaxe élémentaire.

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À l'occasion du cinquantième anniversaire de la libération de l'Europe, le 25 avril 1995, l'écrivain et sémiologue italien Umberto Eco prononce en anglais un discours marquant sur le fascisme, à l'Université Columbia. Il publie dans la foulée ce petit article, adapté du discours dans La New York Review of Books.
Eco revient d'abord avec beaucoup d'auto-dérision sur son expérience personnelle du fascisme mussolinien. Au contraire du nazisme, le fascisme mussolinien n'avait pas d'armature idéologique forte et solide mais simplement une rhétorique. Et de rappeler par exemple que Mussolini commença comme athée militant pour finir par accueillir à bras ouverts les évêques qui bénissaient les insignes fascistes. Dans le régime italien cohabitaient des éléments de nature fort différente en conflit ouvert (revendications monarchiques et révolutionnaires, armée et milice privée, tolérance dans le domaine culturel et emprisonnement de dissidents, etc) Et à cause de cette faiblesse idéologique, le fascisme s'est exporté facilement.
« Le fascisme est devenu un terme s'adaptant à tout parce que même si l'on élimine d'un régime fasciste un ou plusieurs aspects, il sera toujours possible de le reconnaître comme fasciste. Enlevez-lui l'impérialisme et vous aurez Franco et Salazar ; enlevez le colonialisme et vous aurez le fascisme balkanique. Ajoutez au fascisme italien un anticapitalisme radical (qui ne fascina jamais Mussolini) et vous aurez Ezra Pound. Ajoutez le culte de la mythologie celte et le mysticisme du Graal (totalement étranger au fascisme officiel) et vous aurez l'un des gourous fascistes les plus respectés, Julius Evola. »
Mais si le fascisme change de forme, comment le reconnaître ?
Eco établit alors une liste de 14 caractéristiques typiques de ce qu'il appelle L'Ur-fascisme, le fascisme primitif et éternel. L'auteur remarque qu'ils ne sont jamais tous présents dans le discours politique contemporain qui avance masqué encore que…
Cette liste est facilement disponible en ligne. J'ai copié ci-dessous le résumé Wikipedia . Chaque point clairement expliqué et illustré en entraine un autre comme un jeu de dominos.

1. Culte de la tradition , souvent interprétée de manière syncrétique .
2. Rejet du modernisme , conséquence également du premier point, et de l'esprit des Lumières .
3. Irrationalisme et culte de l'action comme fin en soi. Méfiance envers la culture.
4. Rejet de la critique et de l'esprit critique.
5. Peur de la diversité. Une des conséquences est le racisme .
6. Frustration des classes moyennes (petite-bourgeoisie) due à des crises économiques ou à des pressions politiques.
7. Obsession des complots , y compris internationaux.
8. Perception d'une force excessive d'ennemis extérieurs, que l'on croit pourtant pouvoir vaincre. Cette contradiction conduit généralement à de fausses évaluations des adversaires et, en fin de compte, à être les perdants des batailles.
9. Idée de guerre permanente et contraste avec le pacifisme . La paix définitive ne viendra qu'après la victoire finale.
10. Élitisme de masse et mépris des faibles : donc mépris de chaque classe pour sa classe subordonnée.
11. Héroïsme de masse et le désir de se sacrifier pour la cause commune, mais plus fréquemment de sacrifier les autres.
12. Machisme , plus facile à gérer que l'héroïsme.
13. "Populisme qualitatif". Face au déni des droits individuels, le « peuple » est considéré comme un tout dont la volonté doit être interprétée par le leader.
14.Usage de la novlangue , caractérisée par une syntaxe élémentaire et véhiculant un raisonnement critique nécessairement limité.

Ce petit essai est clair et stimulant. Je vous encourage à le lire.
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Comme tout jeune Italien de sa génération, Umberto Eco a vécu le fascisme. Pas le choix ! Il a porté la chemise adéquate et a discouru pour célébrer le grand maître de l'Italie, Benito Mussolini.

A la libération, il découvre qu'il peut exister un autre système de gouvernement que celui du parti unique dirigé par un « Duce », qu'il peut y avoir plusieurs « couleurs » en politique.

L'auteur précise ce qui différencie le fascisme italien de pouvoirs totalitaires tels que ceux d'Hitler ou de Staline.

Il relève toutes les contradictions : un pouvoir qui se veut républicain et qui marche main dans la main avec la monarchie, Mussolini se dit athée et signe un concordat avec l'église qui vient bénir les fascistes, il se dit révolutionnaire et est financé par les gros propriétaires qui aspirent à une contre-révolution… Cependant Umberto Eco précise bien que le fascisme italien n'a rien à voir avec la tolérance : « c'était un exemple de désarticulation ordonnée, d'une confusion structurée », écrit-il.

Pour Umberto Eco, le fascisme primitif repose :

1. Sur la tradition : il ne peut y avoir d'avancée du savoir. La vérité a déjà été énoncée une fois pour toutes et l'on ne peut que continuer à interpréter son obscur message.
2. le traditionalisme implique le refus du modernisme. Les fascistes comme les nazis adoraient la technologie, tandis qu'en général les penseurs traditionnalistes la refusent, la tenant pour la négation des valeurs spirituelles traditionnelles. Ce fascisme primitif peut être défini comme « irrationalisme ».
3. L'irrationalisme dépend aussi du culte de « l'action pour l'action ». le fascisme primitif se méfie des intellectuels.
4. Pour le fascisme primitif, le désaccord est trahison.
5. le fascisme primitif est raciste. le désaccord signifie la diversité. le fascisme a peur de la différence.
6. le fascisme primitif naît de la frustration individuelle ou sociale. Il s'appuie sur les classes moyennes frustrées, défavorisées par une crise économique ou une humiliation politique et effrayées par les pressions des groupes sociaux inférieurs.
7. Ceux qui n'ont aucune identité sociale, le fascisme primitif leur dit qu'ils jouissent d'un privilège : être nés dans le même pays. C'est cela la source du nationalisme. Ce fascisme est obsédé par les complots, si possible internationaux, mais il en faut aussi à l'intérieur. Les juifs sont la cible idéale étant à la fois dehors et dedans.
8. Les disciples du fascisme doivent se sentir humiliés par la richesse visible et la force de l'ennemi. Les ennemis (tant de l'intérieur que de l'extérieur) s'appuient sur des réseaux secrets d'assistance mutuelle. Malgré cela, il faut persuader les disciples qu'ils vont vaincre les ennemis.
9. le pacifisme est mauvais car la vie est une guerre permanente. Être pacifiste, c'est être de mèche avec l'ennemi. Mais il finira par y avoir une bataille finale que le fasciste emportera. Viendra alors une période de paix, un Âge d'or…
10. L'élitisme est réactionnaire et fondamentalement aristocratique. le fascisme primitif prône l'élitisme populaire. Les masses étant faibles, elles ont besoin d'un dominateur qui a conquis le pouvoir par la force. le groupe est organisé hiérarchiquement. Chaque leader subordonné méprise à son tour ses subalternes.
11. Chacun est éduqué pour devenir un héros. le héros fasciste aspire à la mort, annoncée comme la pus belle récompense d'une vie héroïque. Ce héros-là est impatient de mourir. (Mais il préfère tout de même faire mourir les autres.)
12. le fascisme primitif transfère sa volonté de puissance sur des questions sexuelles. Machisme : mépris des femmes, condamnation des moeurs sexuelles non conformistes, chasteté, homosexualité…
13. Pour le fascisme primitif, les individus en tant que tels n'ont pas de droits. le peuple doit avoir « une volonté commune », et comme c'est impossible que le peuple y parvienne de lui-même, le Leader va « interpréter » cette volonté. Ce fascisme doit s'opposer aux gouvernements parlementaires « putrides ».
14. le fascisme primitif parle la « novlangue », inventée par Orwell dans « 1984 ». Elle se caractérise par un lexique pauvre et une syntaxe élémentaire, afin de limiter les raisonnements complexes et critiques.
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Umberto Ecco nous offre un essai en brossant le portrait par 14 caractéristiques du fascisme.
Le fascisme il l'a bien connu, enfant né sous Mussolini, à dix ans il remporte le premier prix aux Ludi Juveniles "un concours à libre participation forcée pour jeunes fascistes italiens", et seulement une année après en 1943 à la chute du fascisme et l'arrestation de Mussolini, il lisait pour la première fois de sa vie les mots, liberté, dictature.
C'est en homme averti qu'il peut argumenter cet article et nous ouvrir si cela n'est déjà fait l'esprit au mieux les yeux afin de lire sa conclusion "L'Ur fascisme est susceptible de revenir sous les apparences les plus innocentes.Notre devoir est de le démasquer, de montrer du doigt chacune de ses nouvelles formes - chaque jour, dans chaque partie du monde."
Quelle bonne idée les Editions Grasset ont de rééditer cet essai afin de réveiller les consciences civiques.
(Lire, penser, résister)
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"Reconnaître le fascisme" est un court texte, extrêmement dense, dans lequel il est question de la nature exacte du fascisme.
L'auteur, Umberto Eco, y analyse à la perfection la nature profonde du fascisme-sans s'attarder sur les caractéristiques peu importantes, mais plus voyantes de l'idéologie fasciste.
Si j'ai craint, au début, qu'il mêle trop sa biographie personnelle à ses considérations, il n'est finalement pratiquement pas question de la biographie de l'auteur du "Nom de la rose".
Un livre d'utilité publique, car le fascisme n'a pas encore disparu, hélas !...
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Acheté en avril 2017 entre les deux tours de l'élection présidentielle... Sans doute est-ce un hasard, tout comme la réédition à ce moment de ce petit texte d'Umberto Eco, Reconnaître le fascisme. Et lu dans la foulée en quelques heures (ou plutôt minutes) en comptant les relectures.

Je connais Eco, d'ailleurs j'ai même eu la chance d'assister à un de ses cours à Bologne en 2003. Ce que le temps passe vite ! Sa mort m'avait beaucoup peinée en 2016, c'était un homme bon, intelligent et "facétieux" (si, si)... Si vous ne me croyez pas, lisez donc Comment voyager avec un saumon, c'est un véritable délice.

Bref, ici le texte date de d'avril 1995 et il n'a pas pris une ride, il serait même devenu terriblement concret : "un autre spectre hanterait-il donc l'Europe (sans parler des autres parties du monde) ?" écrit-il, en effet, en parlant d'un retour du ou des fascismes. Cela me semble terriblement actuel.

Outre, une rédéfinition de ce que furent vraiment la privation de liberté et la censure sous le fascisme de Mussolini, Umberto Eco nous livre 14 caractéristiques d'un régime fasciste en précisant bien que toutes ne peuvent figurer au sein d'un parti politique, mais que quelques unes suffisent (voire même une seule) pour relier le parti en question à une idéologie ou un système fasciste...

Mais que ferions-nous si nous découvrions tout à fait par hasard que l'un de nos partis politique actuel, toléré, médiatisé, voire même porté aux urnes par une part non négligeable d'électeurs, lesquels le revendiquent d'ailleurs tandis que l'autre partie s'en lavent les mains allant jusqu'à comparer ce parti avec d'autres démocratiques, concentre environ une dizaine de ces caractéristiques ?

Bien sûr tout ceci n'est que pure élucubration de ma part... Après tout, nous ne referons pas les mêmes erreurs non ?

Toute ressemblance avec une situation existante ou ayant existé n'est que fiction, bien entendu...
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Petit essai dans ses dimensions, grand par son propos.

L'humaniste qu'était Umberto Eco nous rappelle dans ce texte, qui est, en réalité, un discours qu'il a prononcé en 1995 à New York, qu'il a grandi avec le fascisme, gagnant le premier prix à un concours littéraire pour les jeunes fascistes italiens, lisez tous les Italiens, nous dit-il.

Il découvrira les mots "dictature" et "liberté" à la chute de Mussolini, dans les journaux que sa mère l'envoie acheter.

Il nous enjoint à rester attentif à toute résurgence des fascismes de tous poils et nous propose quatorze signes caractéristiques pour les repérer.

Une lecture salutaire.
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Ce livre reprend le texte d'un discours prononcé par Umberto Eco en 1995 aux Etats-Unis. Il offre une réflexion sur les caractéristiques du fascisme originel. Plusieurs décennies se sont écoulées depuis mais le sujet est toujours, hélas, d'actualité. le texte est relativement court et a l'avantage de ne pas s'embarrasser de détails compliqués ; le tout reste donc tout à fait abordable.

Challenge ABC 2021/2022
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Umberto Eco puise dans ses souvenirs d'enfance pour définir le fascisme né en Italie, et qui revient encore de nos jours sous des formes très variées. C'est sans doute l'enseignement le plus important : il s'agit d'une idéologie multiforme, extraordinairement adaptable aux circonstances. Ainsi Mussolini changeait sans cesse d'avis et de stratégie. Umberto Eco essaye néanmoins de dresser une liste de points communs entre toutes ces résurgences lors d'un discours prononcé dans les années 90. Indispensable..
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Retranscription d'une conférence de Tonton Umberto, ça se lit très vite - une trentaine de pages - c'est clair (mais vous n'échapperez pas à quelques formules latines. Hey ! C'est M. Eco ! ), forcément un peu désespéré puisque tonton n'était pas con et a donc eu le temps de voir arriver de loin le retour des nouvelles chemises brunes, et c'est précis.
On comprendra dans une première partie pourquoi le mot "fascisme" est devenu utilisable pour désigner toute dictature de droite alors que ça n'était pas possible pour le mot "nazisme" ou pour "phalangisme" - rappelons que tonton était avant tout linguiste ; puis il nous livre une courte liste expliquée des points incontournables qui doivent au minimum nous inquiéter quand on les voit se pointer.
Je pense que je vais en acheter un carton et faire oeuvre de salubrité publique en me rendant dans une ville assez grande pour avoir un métro où je pourrai abandonner ces tout petits livres.
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