Ce livre est une merveille qui enveloppe son lecteur dans un cocon de tendresse, de poésie et d'émotion, le tout baigné de culture polynésienne.
Monos, planète-océan parsemée de volcans et d'atolls, subit l'influence de sa lune Mavros, associée au Chaos. Les années s'y déroulent par cycles de cinquante : durant les quarante-neuf premières, l'Équilibre est maintenu par le pouvoir des mages-familiers. La cinquantième, lorsque Mavros est au plus près de Monos, livre les îles au Chaos ; puis un nouveau cycle démarre... Lorsque la petite Aione nait sous le faré d'une famille heureuse, l'année du Chaos est encore loin. Pourtant, cette étrange enfant à la peau bleue et à la croissance impossiblement rapide semble annoncer un bouleversement et les signes de désÉquilibre ne tardent pas à se multiplier... À commencer par le volcan de l'île qui se réveille, comme investi par l'esprit du Chaos.
La grande force de ce roman (en plus de la plume de son autrice), c'est cette famille au départ sans histoire qui maintient cohésion et tendresse face à l'inexplicable et aux dangers. Il y a Tahore, la mère, force tranquille qui se mue en lionne lorsque sa famille est menacée ; Noun, le père, mage-familier du village au caractère bonhomme ; et puis les deux frères qui développent des pouvoirs inattendus au contact de leur soeur : Aether, l'aîné empathique qui devient sensible aux éléments, et Gê, le cadet ni garçon ni fille dont les visions lèvent le voile entre passé présent et avenir ; enfin Aione elle-même, incroyable enfant à la peau marbrée d'étoiles et au pouvoir apaisant, confrontée au terrible destin que ses particularités lui dessinent : sera-t-elle une force d'Équilibre ou un instrument du Chaos ?
J'ai adoré cette famille aimante et cet univers aux racines venues du Pacifique. Une Maison de Feu parle de force familiale, de confiance et d'harmonie, dans un récit qui met en valeur la puissance féminine sans éclipser la valeur masculine, et en ouvrant les bras à la diversité. Et ça fait DU BIEN ! Détail qui n'en est pas un : c'est la première fois que je lis une scène d'accouchement qui fait coexister l'amour, la tendresse, la sensation d'accomplissement, la douleur, l'effort et l'émerveillement... au lieu d'en faire une épreuve dominée par la souffrance, le stress et le risque que ça ne se passe mal. Rien que pour ça, bravo.
Bref,
Silène Edgar invente un monde tout infusé d'amour pour la Polynésie, et y conte l'histoire d'une famille qui fait front pour protéger ses membres et sa communauté avec tendresse, malgré les doutes et la vie qui les frappe durement. L'Équilibre, mélange de sérénité et de résilience, d'impermanence et de douceur, irrigue les mots comme l'histoire, même lorsque c'est le Chaos qui l'emporte.
Et c'est beau comme des alizés qui défieraient un ouragan.