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Anne Capuron (Traducteur)
EAN : 9782756003856
143 pages
Delcourt (12/10/2006)
4.03/5   33 notes
Résumé :
Jacob Starkah est le personnage central de cette oeuvre, chronique poignante de ka survie des différentes classes sociales dans le quartier du Bronx au moment de la grande dépression de 1929 aux USA. Will Eisner est au summum de son art, dans ce qui constitue son premier véritable récit complet.
Jacob le cafard (A Life Force en VO) est le second volet de la célèbre trilogie du Pacte avec Dieu (tome 1) avec Dropsie Avenue (tome 3).
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Ce tome contient une histoire complète et indépendante de toute autre. Dans la bibliographie de son auteur, il est paru entre New York Trilogie, Tome 2 : L'Immeuble (1987) et Au coeur de la tempête (1991). La première édition date de 1988. Il a entièrement été réalisé par Will Eisner (1917-2005) : scénario et dessins, avec des nuances de gris. Cette histoire comporte 140 pages de bande dessinée.

Pourquoi est-ce que toutes les créatures sur Terre se démènent tellement pour vivre ? Certainement pour satisfaire une mystérieuse force de vie. En 1929, une crise économique sans précédent a plongé les habitants du monde occidental dans une lutte pour la survie, alors qu'avant ils avaient la certitude de pouvoir améliorer leurs conditions de vie matérielle. Au milieu des années 1930, trois événements mineurs survinrent. le premier : Jacob Shtarkah a achevé la construction d'une pièce d'études dans une école juive, après 5 ans de travail. le rabbin lui indique que le travail est fini et que cette pièce portera le nom de Yetta & Morris Goldfarb. Jacob Shtarkah s'en va et dans la rue il se rend compte qu'il n'a plus rien à faire, plus de raison pour vivre, qu'il ne vaut pas mieux qu'un cafard. Ruminant ces pensées, il tombe par terre victime d'une attaque. le deuxième : Rifka Shtarkah prépare l'appartement pour le shabbat et (le troisième) elle fait tomber un cafard par la fenêtre, qui aboutit juste à côté de Jacob, 2 étages en dessous. Jacob le considère alors que le cafard est sur le dos et qu'il agite ses pattes dans tous les sens, animé par cette force de vie.

Toujours incapable de se relever, Jacob Shtarkah regarde le cafard s'agiter et se rend compte qu'il est habité par la même force de vie. Après s'être interrogé pour savoir si Dieu a créé l'homme ou l'homme a créé Dieu, il entend la voix de sa femme qui l'appelle. Il se lève et monte les marches jusqu'à l'appartement ; le cafard parvient à se remettre sur ses pattes par ses propres moyens. Depuis une clinique de Manhattan, Daniel Shtarkah appelle sa mère Rifka. Il présente ses excuses de ne pas pouvoir venir pour le shabbat, évoque sa fiancée Theresa. Sa mère insiste pour qu'il vienne, sans Theresa, et elle fait mine d'avoir un malaise, tout en continuant à cuisiner, afin de culpabiliser son fils qui finit par céder, trop inquiet. le lendemain le rabbin Bensohn demande à Jacob Shtarkah de lui aménager une pièce pour sa femme impotente. Jacob est aux anges car il a à nouveau du travail. Les 2 pages suivantes présentent de courts extraits de journaux évoquant la crise de 1929, le chômage, les émeutes de la faim, une invasion de mites à Manhattan. Dans le même immeuble de Dropsie Avenue, Rifka (la mère de Rebecca) demande à leur voisin Elton Shaftsbury, un goy, de venir allumer les lumières et mettre le four en marche le jour de shabbat.

Cette histoire fait partie de la trilogie du Contrat avec Dieu : le contrat avec Dieu (1978), Jacob le cafard (1988), Dropsie Avenue (1995). Lors de la première scène le lecteur comprend cette place, avec Jacob s'interrogeant sur la nature de la relation entre Dieu et les humains. Il comprend également le titre français qui rapproche le personnage d'un cafard puisqu'ils sont mus par la même force de vie. le récit se déroule majoritairement en 1934, avec quelques séquences évoquant le passé. Il met en scène des habitants d'un immeuble de la rue fictive Dropsie Avenue, majoritairement juifs, Will Eisner mettant ainsi à profit ses propres souvenirs d'enfance. Il est donc question des préparatifs pour shabbat et le lecteur remarque l'utilisation de quelques mots de yiddish. Pour exposer le contexte économique de l'époque, l'auteur recourt à des facsimilés d'articles de journaux, de courts extraits d'un ou deux paragraphes, ainsi qu'une page de chronologie sur les aléas de la météo à New York en 1934 (des périodes très froides, entrecoupées de journées anormalement chaudes). D'un côté, le lecteur de bande dessinée a tendance à se crisper quand il se retrouve à lire des pages de texte ; de l'autre côté les aléas de la vie des personnages sont indissociables du contexte économique de l'époque. Will Einser trouve le juste milieu entre une reconstitution visible dans les tenues vestimentaires, les décors et les objets du quotidien, et des événements avec une touche romanesque.

S'il a le titre français en tête, le lecteur présuppose qu'il va suivre la vie de Jacob Shtarkah pendant une période indéterminée. Il fait effectivement connaissance avec son épouse Rifka, son fils Daniel et sa fille Rebecca, le voisin Elton Shaftsbury, un autre couple de l'immeuble Angelo & Marie, un mafieux Moustache Pete, et quelques autres. L'artiste a toujours ce don extraordinaire pour donner vie à chaque personnage, quel que soit le nombre de pages où il apparaît (le temps d'une séquence ou pendant tout le récit), par sa tenue vestimentaire, son physique, les traits de son visage et sa coupe de cheveux, son langage corporel expressif et conçu sur mesure pour chacun d'entre eux. Par rapport au Contrat avec Dieu, Wil Eisner a choisi des mises en scène reposant moins sur une forme théâtrale avec 2 personnages en train de parler sur un fond vide, et de donner plus d'importance aux décors, très détaillés ou simplement évoqués. le lecteur se projette avec facilité dans cette époque à New York, dans les rues des différents quartiers (quartier d'habitation populaire, quartiers des affaires) et les différents intérieurs : la pièce consacrée à l'étude à la synagogue, le modeste appartement des Shtarkah, une vue aérienne de Manhattan, une patinoire, un bureau de courtiers, une entreprise de scierie. Les traits de contour de Will Eisner sont toujours aussi magiques : une précision accompagnée par un délié donnant la sensation de spontanéité et de vie incroyable. La narration visuelle est une évidence de chaque case, avec des êtres humains uniques, chaleureux, sympathiques même dans leur moment de détresse.

Progressivement, le lecteur comprend qu'il s'agit d'un récit choral, les personnages étant introduit au fur et à mesure, avec un lien direct ou indirect avec Jacob Shtarkah. Rapidement, le lecteur oublie le concept de force de vie pour se plonger dans ce roman et côtoyer des individus étonnants. Il sourit bien sûr en découvrant Rifka Shtarkah se livrer à une comédie dans son appartement pour faire croire à son fils à l'autre bout du fil, qu'elle a fait un malaise. Will Eisner met en oeuvre un humour juif auto-dépréciateur, sans tomber dans la caricature de la mère possessive. le lecteur est amusé par ces simagrées, tout en ressentant l'attachement de cette mère à son fils, sa volonté de conserver des liens familiaux, tout en comprenant parfaitement le souhait du fils de pouvoir exercer son métier sans subir les obligations familiales. C'est là aussi tout l'art de Will Eisner que de donner vie à des personnages plausibles, détachés de toute dichotomie bien/mal, pour lesquels le lecteur éprouve tout de suite de l'empathie, sans chercher à les juger, parce qu'il comprend leurs motivations et qu'il ressent leurs émotions. L'auteur ne se limite pas à un microcosme juif, ou à une zone bien délimitée de la société, comme il ne se limite pas à une catégorie de personnes. Ainsi, le temps de 7 pages, le lecteur suit Aaron, un jeune homme souffrant de troubles mentaux qui l'incitent à rester chez et à fuir toute compagnie. Par un concours de circonstances, il va être amené à croiser le chemin d'un autre personnage secondaire, ce qui aura une conséquence cruciale pour Elton Shaftsbury. Malgré la brièveté de ce rôle, Eisner investit du temps pour qu'il puisse s'incarner : il adopte la forme d'un conte dans le texte descriptif, et le lecteur se prend d'amitié pouvant ainsi comprendre la manière dont Aaron se considère et le problème dont il souffre. le scénariste se montre encore plus habile car il établit un lien avec le rapport à Dieu, et Aaron constitue également un autre exemple de la force de vie à l'oeuvre.

Séduit par la narration fluide et par les personnages sympathiques, le lecteur accepte bien volontiers de se laisser emmener par l'auteur et par ses dessins, là où bon lui semble. Lorsqu'une scène passe à autre chose, semblant laisser de côté pour un temps le fil directeur, il ne s'en formalise pas, curieux de savoir comment il se rattachera à la suite, et curieux de découvrir une nouvelle situation. Il s'intéresse au montage financier mis en place par Elton Shafstbury pour faire en sorte que des employés en deviennent propriétaires, à l'organisation d'une manifestation communiste, ou encore à la disparition du cadavre d'un individu assassiné par la pègre, à la scierie. le récit se termine en revenant sur la situation de Jacob qui ramasse un autre cafard dans son appartement et le jette par la fenêtre. le lecteur a pris grand plaisir à lire ce roman, tout en se sentant un peu frustré par le fait que Will Eisner s'attache surtout à montrer des individus en train de vivre, à mettre en scène l'interdépendance des individus par les conséquences des actes de l'un sur la vie de l'autre, sans finalement revenir à la direction métaphysique ouverte par les interrogations de Jacob Shtarkah en début d'histoire.

Le titre original et le titre français évoquent une question métaphysique sur la nature de la pulsion de vie. Wil Eisner réalise un récit choral, habité par des individus pleinement incarnés, tous sympathiques et complexes (à l'exception des 2 membres de la pègre). le lecteur est mené par le bout du nez, grâce à la narration visuelle élégante et évidente. Il voit comment la vie de Jacob Shtarkah est façonnée par les événements historiques et les actions des personnes qu'il côtoie, sans qu'il n'ait aucune prise dessus. En fonction de ses attentes, il peut ressentir une petite déception pour un roman historique riche et malicieux, mais qui ne tient pas sa promesse philosophique.
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Jacob est un vieux juif qui vit dans ce vieil immeuble de la rue Dropsie dans le Bronx - ce même vieil immeuble qui est le centre des histoires de Will Eisner, et que l'on retrouve dans "Un pacte avec Dieu"-.
Cet immeuble, entouré d'autres comme lui, où il est impossible d'avoir une vie privée, tant les cloisons sont minces et les murs rapprochés. Ce quartier où tout le monde connait tout le monde, comme dans un village. Et tout le monde connait Jacob l'ébéniste, qui pendant des années a construit de ses mains l'école juive, la shule, et qui se voit remercier avec ingratitude quand celle-ci est terminée. Jacob se retrouve donc sans emploi au plus fort de la crise - on est à New-York en 1930...
Alors Jacob, comparant sans cesse son existence avec celle d'un cafard, Jacob va tenter de prendre sa vie en main, car même à 60 ans, il n'est pas trop tard pour tout recommencer, si ?
C'est ce qu'on va découvrir avec cette chronique de la vie des gens dans les années 30, la vie des petites gens du Bronx, avec ses immigrés italiens, juifs, allemands, à l'aube de la guerre qui ravage l'Europe, Will Eisner nous délivre malgré tout un message de fraternité et de possible entente entres les peuples... C'est la mémoire d'une époque, un morceau d'Histoire, d'anthologie, celle des petites gens, "des cafards", avec leur incroyable instinct de survie et de perpétuation de l'espèce...
A lire sans modération toute la série de Will Eisner sur New-York.
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Jacob le cafard est le second volet de la trilogie du "Pacte avec Dieu". Il constitue à lui seul un récit complet. Un vrai conte urbain assez poignant!

Nous suivons la chronique de différents personnages dans le quartier du Bronx à New-York au moment de la grande dépression de 1929 notamment celui de Jacob Shtarakash, un homme simple, qui lutte chaque jour pour mettre sa famille à l'abri du besoin. Mais il va être rattrapé par la Grande Dépression puis la Seconde Guerre mondiale. Il va faire la difficile expérience d'une vie d'émigré aux Etats-Unis. En effet, il assiste à l'émergence de l'antisémitisme et doit dès lors faire face à des évènnements qui le dépassent.

Tout y est d'un point de vue historique. On suit la vie de ces personnages et en même temps l'Histoire de l'Amérique en proie avec le communisme et la misère. On perçoit également des échos d'une Allemagne nazie qui a commencé la chasse à l'homme...

Cette BD reste avant tout un combat existentiel, le Bronx n'occupant le statut que de simples décors.

Will Eisner semble être au sommet de son art avec cette oeuvre véritablement mâture. Ce portrait bouleversant du quotidien des habitants du quartier du Bronx mérite toute votre attention.

Note Dessin: 4/5 - Note Scénario: 4/5 - Note Globale: 4/5
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Je n'étais pas très convaincu par ce que j'avais pu lire d'Eisner jusqu'ici, mais cet album me fait revoir mon jugement de manière très favorable. Les différents chapitres qui s'articulent autour des habitants d'un immeuble du Bronx permettent d'aborder de nombreux thèmes tout en restant cohérent. J'y ai trouvé dans le désordre et de manière non exhaustive : la vie quotidienne du NY des années 30, les conséquences de la crise boursière, la communauté juive, les relations amoureuses, l'immigration italienne et la mafia, etc. Et le tout est servi par un dessin que j'ai trouvé efficace et inspiré.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Chaque minute de cafard vous prive de soixante secondes de bonheur.
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