Tout d'abord merci à Machaloubrun pour cette jolie découverte puis merci à
Alaa El Aswany pour les youyous. Oui, oui, pour les youyous, ceux qui égayent les dernières pages, voyez-vous j'en avais sérieusement besoin...
Voilà donc l'histoire de
l'immeuble Yacoubian, au coeur du Caire et au tournant du millénaire ; en ses murs vivent tous les protagonistes du roman, des appartements bourgeois aux cabanes pauvres de la terrasse. Là se croisent le fils du concierge, sa petite amie un peu trop jolie, un journaliste homosexuel, un vieil aristo en mal d'affection, un homme d'affaire peu honnête, sa seconde femme...
En nous contant une tranche de vie des différents habitants l'auteur dresse un portrait de la société égyptienne : inégalité et discriminations sociales, corruption, brutalité policière, homosexualité interdite et brimée, lubricité, misère sexuelle, cruelle condition des femmes, montée de l'islamisme. Il ne nous épargne rien. Sans complaisance, mais surtout sans juger, il expose les turpitudes des plus riches, les souffrances des plus faibles.
Chacun s'attachera à un personnage en particulier. Personnellement c'est le jeune Taha qui m'a le plus touchée. Taha, le fils du concierge, il n'est rien, il n'est le fils de personne... mais Taha a réussi son bac brillamment et rêve d'un avenir meilleur. Il postule à l'école des officiers de police. Sauf que le fils de personne ne rejoint pas les rangs d'une telle institution, même s'il en est capable, s'il ne démérite pas. Injustice, inégalité des chances, ascenseur social inexistant, un moins que rien n'a pas ce genre d'ambition. Alors certains sauront écouter son désarroi, le guider sur un chemin où sa naissance n'est pas un frein à ses ambitions... Au premier prêche pour le djihad, il est déjà conquis à la cause. Il est si perdu ce môme, j'aimerais tant qu '
Alaa El Aswany lui écrive un avenir... Je tourne les pages sans vraiment y croire et ironie de la vie, des hasards des lectures, son destin trouve une résonance bien cruelle dans l'actualité. La veille du 7 janvier 2015, je lisais l'appel au Djihad du cheikh. le 7 janvier... et je laisse le livre de côté, presque une semaine je crois. Puis je tourne à nouveau ses pages et je comprends que Taha est perdu qu'il aura son martyre . Je continue pourtant d'espérer qu'au détour d'une ligne quelqu'un lui tendra la main, le sauvera, lui et ceux qui seront de l'autre côté de son arme... C'est dans cet état d'esprit que je finis le livre. Bien sûr ceux qui l'ont lu comprendront pourquoi les youyous du dernier chapitre étaient les bienvenus.
Quel roman, quel écrivain ! Vous avez compris, je suis conquise, oui, je recommande sa lecture à 300 % !! Il est riche et puissant ce livre !! Les autres destins, eux aussi brillamment contés, et dont j'aurais pu vous parler, ne manquent pas d'intérêt c'est vrai, en particulier celui des femmes... Mais voyez-vous c'est pour Taha que j'ai tremblé...
PS : écrit en février 2015, je voulais me laisser le temps de la réflexion ou plutôt celui de la raison...Mais en fait je publie tel quel...