Une vie passée à Los Angeles m'avait appris à ne rien prendre pour argent comptant, le pognon excepté.
L’Hôtel Rector avait mille ans d’âge, et témoignait d’un désespoir qui ne se rencontrait qu’à Hollywood : le hall d’entrée était encombré de retraités âgés attendant leur chèque mensuel, de prostituées noires, et de traîne-savates en train de boire leur bière. Ça sentait l’urine et le liniment. La solitude qui régnait là était presque palpable.
Je roulais sur Sunset, vitesse de croisière, capote baissée, en direction de l'ouest, et mon esprit décolla, chargé de bribes et de morceaux du spectacle qui défilait sous mes yeux : le Strip qui s'équipait pour une nouvelle nuit, les enseignes au néon géantes où se succédaient groupes de rock et autres attractions, les idolâtres novices de la musique électrique en petites coteries devant le Whisky à Gogo. Et le rock punk était de sortie en force, dignement représenté par des individus décharnés, fringues à la mode des années 50, arborant chevelures bleues et vertes et lunettes de soleil portefeuille.
Je ne suis pas un libéral, mais j'ai appris une chose en étant flic : qu'il y a des gens qui sont obligés de faire ce qu'ils font, qu'ils ne peuvent pas s'en empêcher. j'ai essayé d'expliquer ça à mes collègues, mais il se sont foutus de moi en disant que j'étais une mauviette.
La saleté de la peinture qui s'écaillait, l'odeur rance et les meubles rouillés firent naître en moi un dégoût de moi-même qui dura longtemps. Mais il passa. Le passé était mort et j'avais à me battre contre le futur.
Lorsque je songe à ce qui s'est passé cet été là, je ne pense pas à moi, mais à toutes les personnes impliquées.
Rien de ce qui existait avant, rien de ce qui se passera après, ne peut atteindre cet été-là où j'avais été partie prenante de la musique folle et tragique de tant de vies humaines.
Cet été-là avait été mon concerto pour orchestre - tous les instruments de l'orchestre ont la même importance, mais la voix de chacun d'eux est distincte de celle des autres.
J’essaie d’aimer , je m’y efforce .C’est parfois facile , c’est parfois difficile.Parfois je suis ivre, parfois je suis sobre. Parfois je songe à Gras Dogue , aux « projets » dont je faisais partie et je me réveille en tremblant. Parfois j’oublie jusqu’à la malfaisance de son génie.