... C'est looooooooong. J'ai vraiment peiné à finir ce roman d'Ellroy ultra boursouflé et indigeste, et pourtant, j'en ai lu des pavés où il aurait fallu tailler (L'Homme qui rit de Hugo, Villa Vortex de Dantec...) mais ils avaient le mérite de me laisser une impression vivace, épique, forte, même des années après. Je ne pense pas que ce sera le cas avec Underworld USA, dont la génèse, contée dans l'autobiographie d'Ellroy La Malédiction Hilliker, nous révèle, comme ça se sent, qu'il en a accouché dans la douleur, entre autres choses.
American Death Trip, le précédent tome, était un chef d'oeuvre. Pavé lui aussi, mais absorbant au possible, on voulait que ça continue! Les personnages étaient distincts, les ambiances complètement inédites chez Ellroy (Dallas le 22/11/63, Vegas, le Vietnam...!), avec un style ultra découpé, répétitif, à coups de marteau, que certains n'avaient pas apprécié, mais qui avait le mérite de synthétiser à fond, d'éclaircir, de rappeler les tenants et aboutissants de ses toiles d'araignée de magouilles et de bassesses.
Toutes ces qualités ne sont plus dans Underworld USA. Face aux critiques, Ellroy revient, de son propre aveu, à un style plus prosaïque, mais les blagues concon, lubriques, racistes, homophobes... sont toujours là, peut-être même un peu trop, y a plein de scènes de ce genre qui ne servent à rien et font redite. Chapeau au traducteur Jean-Paul Gratias encore une fois, en tout cas!. Les personnages principaux, au départ bien différents, tombent tous sous le charme de la même femme (Joan Rosen Klein) alors qu'ils avaient leurs dulcinées et obsessions respectives... et là, on les confond tous, c'est affreux. Surtout qu'au fur et à mesure des centaines de pages, et pour avoir suffisamment écouté Ellroy en interview, leurs noms ne font plus illusion, ils sont ses doubles, ils sont lui, parlent comme lui, se comportent comme lui. Infernal. Il y avait déjà ça, dans une certaine mesure, dans ses autres romans, mais les protagonistes demeuraient suffisamment singuliers les uns des autres. Là, ils en deviennent interchangeables.
Pour la première fois, la mort des uns entraîne leur remplacement dans le récit par un autre point de vue. Et bien celui de Scotty Bennett, qui arrive ainsi sur le tard, possède tous ces défauts, en plus d'être totalement inutile et vraiment peu passionnant.
La période choisie par Ellroy (1968-1972, le premier mandat de Nixon, les Black Panthers, les casinos en Haïti/République Dominicaine... et la mort d'Hoover comme conclusion logique) lui a donné du fil à retordre, et on le ressent. Mon appréciation est sans doute purement subjective, mais tout cela peine à intéresser autant que les années Kennedy et Johnson, et leurs intrigues. le début était pourtant réussi, avec son lot de scènes grandioses (la rédemption de Wayne Jr., les sabotages des meetings d'Hubert Humphrey, le spectacle ahurissant des émeutes de 68...) mais tout va à deux à l'heure. Les moments en Haïti et République Dominicaine sont laborieux et loin d'être captivants. L'intervention du vaudou chez Ellroy dès qu'on met les pieds en Haïti est grotesque et ridicule. Les deux pays sont ici bourrés de clichés, et on n'y subit que trop de scènes peu inspirées. Los Angeles est omniprésente, contrairement aux deux tomes précédents, car Ellroy dit bien dans son autobiographie vouloir absolument y retourner à cette étape de sa vie (ce qu'il a fait). Les personnages féminins, Karen Sifakis et Joan Rosen Klein, sont inspirés par ses maîtresses de l'époque. Encore une fois, la génèse du roman dans La Malédiction Hilliker nous éclaire absolument sur tout.
Dwight Holly est le seul, des personnages principaux, qui m'a passionné tout du long. Son histoire avec Karen Sifakis était vraiment touchante, et il rejoint le panthéon des plus grands persos d'Ellroy, ce qui n'était vraiment pas une mince affaire vu ses agissements à la fin d'American Death Trip! Ça, c'est le tour de force d'Ellroy dans ce roman. J'ai bien aimé les pages de journal de Marshall Bowen aussi, flic noir homosexuel infiltré dans les groupuscules militants pour les droits des noirs, en proie à un tiraillement idéologique et identitaire, dirait-on aujourd'hui, même s'il possède aussi son lot de stéréotypes. le déclin d'Hoover était également sympa et jouissif, tant on l'a détesté.
Pour le reste... le personnage de Don Crutchfield est assez peu sympathique, se résume à un double d'Ellroy, de Scotty Bennett, puis de Wayne, puis d'Holly... Il y a une somme incroyable de personnages secondaires superflus qu'on mélange... L'intrigue des émeraudes aurait pu être également simplifiée, et là encore, elle ne m'a pas vraiment intéressé.
En somme, de par une telle longueur excessive, tous les tics d'Ellroy sont mis à nu tant ils sont répétés : la récurrence de scènes pseudo-badass mais inutiles avec des blagues couillonnes, ses personnages qui n'en sont pas vraiment, leur expression grandiloquente qui peut atteindre le ridicule pour traiter de la rédemption et de la gauche, mais surtout similaire (vous trouverez chez TOUS le même genre de phrases!)... Je suis vacciné pour un moment, et pourtant, il fait toujours partie de mes auteurs fétiches, mais j'ai atteint l'overdose...
Heureusement que j'ai plein d'autres choses à lire! Hugo, Baudelaire, David Peace... Je m'en retourne vers eux à bras ouverts!
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Tout démarre par une attaque de fourgon. Attaque sanglante qu'Ellroy nous décrit dans un style cash, sans fioriture. Chez Ellroy, on appelle un chat, un matou. Un chien, un clebs...
Comme souvent chez Ellroy, le long fil rouge de l'enquête sur ce braquage de fourgon va s'agrémenter d'enquêtes et d'intrigues parallèles qui vont interférer avec l'intrigue principale. On a des tracts nazis, un peu de Klan, des ripous, des cocos, des histoires de baise mais aussi des sentiments, du vaudou et des toxicos...
Ellroy taille un costard à une Amérique qui fait rêver. Il nous dépeint la chute de Nixon, celle de Hoover, les misérables manoeuvres de Hughes... La CIA, le FBI, Balaguer en République Dominicaine, le vaudou en Haïti...
Et des émeraudes issues du braquage et qui financent tour à tour les communistes et Hoover, puis de nouveau les anars...
Ellroy se montre violent, impitoyable, il tronçonne, rectifie, corrige, explose façon puzzle (ah non, ça, ce sont les Tontons Flingueurs...). On retrouve son goût pour le porno amateur, façon snuff movie.
Mais plus que tout, et je m'interroge sur ma santé mentale..., j'ai vu de l'espoir dans ce troisième tome d'Underworld... L'espoir, ce sont les femmes... personnages définitivement centraux, sorte d'ancres, de repères, de repaires... où les hommes vont s'échouer, se ressourcer quand ils n'en peuvent plus, quand ils ne savent même plus qui ils sont. Joan, Karen, la mère de Crutch (réelle ou fantasmée), et l'adepte du vaudou... elles sont formidables, entières, intègres, fidèles à leurs idéaux. Et ça, Ellroy le sait. Ellroy, il aime cela. Il a une compréhension, une indulgence pour les femmes, car elles sont fortes, plus fortes que les hommes.
C'est aussi cela l'univers d'Ellroy. Le style est flamboyant, percutant. Comme à l'accoutumée, Ellroy multiplie les procédés d'écriture en introduisant des rapports, les journaux intimes, les transcription de conversations téléphoniques... et on retrouve cette aptitude incroyable à faire coller l'histoire à l'Histoire.
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Du Elroy dans le texte! Une écriture hachée, violente, haineuse...on y retrouve les ingrédients des précédents tomes. J'ai toujours du mal à rentrer dedans, mais une fois immergé vous n'en sortez plus!
Comment pleins de petites histoires, ou vies, font l'histoire avec un grand H.
On y apprend plein de choses, foncez!
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Un superbe livre le dernier tome sur l'amérique underground de l'auteur je me suis régalé et comme pour les deux autres tomes de la série l'auteur a reussi à conserver un rythme malgré la longueur du livre: un bel exploit ! Je ne peux que vous conseiller la decouverte ou relecture de ce livre un vrai bel ouvrage !
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