Au bord du crépuscule, à l’heure
où le jour chante à demi voix,
où ni le jour, où ni la nuit
ne peuvent se départager,
à l’heure où l’on ne sait plus rien
du dieu que l’on fut par hasard,
à l’heure même où l’on hésite
à croire que l’on s’est trahi,
– à l’ombre de mon ombre, un ange,
le plus beau qui se puisse voir,
un ange de toute blancheur,
– ange de neige, ange d’hiver –
est venu soudain murmurer
mon nom, dans l’ombre que j’étais.
C’était l’heure du crépuscule,
où l’on prend peur, où l’on hésite
à croire que l’on fut, un jour,
celui qui voulut nous survivre.
Il fallait cette solitude
du jour qui chante à demi-voix,
cette minute, ce silence
où, d’un côté, le jour s’égare,
où, de l’autre, la nuit attend.
Mais lorsque l’ange eut dit mon nom
il ne fit plus ni nuit ni jour;
tout avait changé de couleur,
tout revenait d’un autre monde
– d’un monde où l’on est sans regard,
où la main n’est plus une main,
où l’ombre ne cherche plus l’ombre
pour devenir ce qu’elle était.
L’ange avait replié ses ailes
pour ressembler à tout le monde;
il les tenait entre ses bras:
elles eussent pu s’envoler.
Il mettait ses pas dans les miens,
et ses pas étaient de silence,
d’un silence de jour de neige
quand c’était un soir de printemps.
Le bel ange blanc, dans mon ombre,
ne laissait briller sous ses pas
qu’un long sillage d’ombres blanches.
…
Suite des Poèmes intimes de Louis Emié.