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Citations sur Une femme nommée Shizu (15)

C'est à cette époque que j'entendis, pour la première fois, la rumeur absurde vous concernant. On insinuait que vous aviez, bien qu'étant membre du clergé, entretenu des relations passant les limites de la bienséance avec une Japonaise. Pourtant, je détestais l'attitude des croyants japonais, jugeant uniquement sur les apparences, critiquant davantage la forme et pensant être les seuls à avoir raison. Je me moquai de ce ragot. Je savais quel genre d'homme vous étiez.

(Les ombres)
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C'est ainsi que la quatrième persécution commença à Uragami. Quand les femmes, les enfants et les invalides furent relâchés, trente-huit hommes, jeunes et vieux furent jetés dans une cellule si étroite qu'il était presque impossible de respirer. Dans ce groupe se trouvaient Kanzaburô, Zennosuke et le grand Kisuke, dont il est inutile de décrire l'état de panique intense.
Les jours suivants, plusieurs prisonniers furent appelés au tribunal. Ceux qui refusèrent de "se coucher" reçurent la torture du nom de dodoi : les pieds, les bras étaient enserrés dans des cordes et le tout était attaché derrière le dos. Puis on hissait le corps sur une croix pendant que des gendarmes, placés en dessous, le frappaient violemment au moyen de fouets ou de bâtons. Ensuite on l'arrosait d'eau. Les cordes, qui absorbaient l'eau, se gonflaient, pénétrant davantage dans la peau des prisonniers. Ceux qui étaient restés dans la cellule entendirent, venant du tribunal, des cris semblables à des hurlements de bêtes sauvages, ponctués par les insultes des bourreaux.

Extrait de "Les derniers martyrs"
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Je me précipitai et trouvai le vieillard, accoudé à la table, la tête entre les mains.
"J'ai de nouveau mal à la tête. C'est horrible !"
Le sang lui était monté à la tête et il était écarlate. Des veines bleuâtre battaient sous les rares cheveux blancs de son crâne presque chauve. En face de lui était posée une tasse avec des traces qui ressemblaient à du rouge à lèvres. D'un seul coup d'oeil je compris qu'il avait bu du vin pendant l'absence de sa femme.
"Ça ira mieux dans une seconde !" dit-il en plaquant un sourire forcé sur ses lèvres. "Pourriez-vous prendre la bouteille de vin sur le sol et la ranger dans le placard ? Sinon, elle saura."
Je saisis la bouteille. En ouvrant le placard, je remarquai, dans un coin, deux flacons remplis de comprimés bleus et blancs, rangés près de l'huile d'olive et du ketchup. Je les connaissais : le médecin m'avait demandé de les acheter à la pharmacie. Il ne manquait pas une seule pilule. La femme ne donnait pas les médicaments à son époux.
Je suis incapable de décrire ce que je ressentis à ce moment-là. Semblable à un enfant qui découvre avec horreur un insecte étrange, je restai un long moment devant le placard béant, fixant les flacons d'un oeil vide.
"Que se passe-t-il ? Vous pouvez la poser là, c'est bon !"
Le ton impérieux du vieillard me fit revenir à la réalité.
La femme rentra à la maison. Vêtue de noir, un sac à la main, elle aperçut de la porte d'entrée son mari la tête entre les mains et s'écria d'une voix tremblante : "Bernard !"
Quand il fut endormi dans sa chambre, elle vint dans la mienne et se répandit en lamentations avec des yeux humides.
"Il a bu du vin pendant mon absence. Oui, j'ai compris ! J'ai beau lui dire d'arrêter, il ne m'écoute pas. Ça a toujours été ainsi. Dès que je ne suis pas là, il fait n'importe quoi. Si je meurs la première, j'ignore ce qu'il va devenir."
Brusquement, alors que j'écoutais ses jérémiades, les deux flacons de médicaments aperçus auparavant dans le placard dansèrent devant mes yeux. Pourquoi ne donnait-elle donc pas les remèdes à son époux ? Elle n'avait aucune raison de le haïr. J'étais le témoin de ses attentions quotidiennes à son égard et je ne pouvais vraiment pas imaginer qu'elle me mentait tandis qu'elle se plaignait, avec des larmes dans les yeux. Pourtant elle nourrissait son époux avec des aliments gras, interdits par le médecin, et ne lui administrait pas ses médicaments. On aurait dit qu'elle faisait en sorte que son mari se rapproche chaque jour de la mort.

Extrait de "Adieu"
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De son vivant, mon frère s'était tenu entre la mort et moi, mais maintenant qu'il était parti, j'avais l'impression que la Grande Faucheuse se dressait sinistrement devant moi. Mes parents avaient divorcé quand j'étais petit, et ma mère et mon frère constituaient le seul lien qui me reliait à la vie. Tous deux avaient disparu et je fus pris d'un violent sentiment de solitude et d'abandon.

Extrait de "Le retour"
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Durant tout l'hiver, je me rendais à l'école en glissant et en tombant sur le verglas. J'étais un enfant frêle et maladif, mauvais en sport et aux résultats scolaires déplorables. Pendant la classe je m'agitais tout à coup, puis aussitôt après je devenais sombre. A cette époque, la discorde s'était installée définitivement entre mes parents et je devais supporter seul mon chagrin.
Mon unique objet de réconfort était un vieil harmonica. Je ne me souviens même plus qui me l'avait donné, la couverture en métal était légèrement tordue. Je rangeais soigneusement l'instrument taché de salive dans le tiroir de mon bureau. Comme j'étais bien évidemment peu doué, je l'apportais rarement à l'école, mais une fois seul ou quand je me sentais abandonné de tous, je jouais Les souliers rouges ou L'oiseau en cage.
Je détestais rentrer à la maison et voir ma mère épuisée, déprimée par les querelles avec mon père, aussi je prenais toujours le plus long chemin. Je m'arrêtais au coin des rues et regardais longuement les nuages de buée blanche expirés par les chevaux mandchous attelés aux voitures qui attendaient les clients. Ou je donnais des coups de pied dans la neige gelée, m'efforçant de retarder, ne serait-ce que d'une minute, mon retour à la maison. J'avais seulement dix ans, mais cette année-là je connus pour la première fois la dureté de la vie.

Extrait de "La vie"
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Une fois à la maison, elle discuta avec maman qui me consola en disant : "A la différence de ton frère, tu es un tardiflore. Ce sont des personnes qui s'améliorent avec l'âge. Ton frère a de bonnes notes maintenant, mais toi, tu deviendras excellent plus tard." Elle hocha énergiquement de la tête. "C'est comme ça, cela ne fait aucun doute."
Le lendemain après-midi, alors que je sortais en compagnie du voisin pour faire du patin à glace, je lui déclarai : "Moi, je suis un tardiflore !"
Mon copain Yokomizo, dont le père était pâtissier, renifla et dit : "Hmm !"
Comme moi, il ne comprenait pas le sens de ce mot difficile et devait s'imaginer qu'il s'agissait de la rougeole ou de la coqueluche.
A l"endroit où nous faisions du patin à glace, que nous avions surnommé l'étang miroir, nous vîmes d'autres enfants de notre connaissance. En enfilant mes patins, je m'écriai : "je suis un mardiflore !" Tardiflore s'était transformé dans ma tête en mardiflore.
"Hmm !" firent les autres. Je me demande s'ils comprenaient de quoi il s'agissait.
A la fin de l'hiver, la glace de l'étang miroir fondit et les nombreuses spirées de Dalian commencèrent timidement à bourgeonner. Au printemps, toutes les fleurs jaillissaient d'un coup, semblables à une fontaine. Puis le mois de mai arrivait et bientôt les rues étaient égayées par les fleurs rouges des acacias dansant dans le vent.
Même quand j'étais enfant, les fleurs printanières me remplissaient d'allégresse. Pendant que nous marchions dans le parc, au milieu des allées bordées de spirées d'une blancheur immaculée, ma mère m'avait appris une chanson, Les fleurs des orangers sont écloses, et j'étais heureux. Elle m'avait enseigné toute une série de chants et j'avais composé ma propre version fantaisiste.

Maman m'a acheté 10 caramels,
J'en ai mangé 3 et donné 1 à Pochi.


Extrait de "Une femme nommé Shizu"
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Ma tante s'écria en me serrant fortement la main : "Tout ira bien. Ne t'en fais pas. Tout va s'arranger, j'en suis persuadée."
Je restais silencieux. Une envie irrépressible de pleurer me prit mais je m'en empêchai de toutes mes forces.
Ce fut la première fois que je compris ce qu'une séparation signifiait. Plus tard dans ma vie, j'ai connu et dû endurer d'autres ruptures, mais cette première fois fut douloureuse.

Extrait de "Une femme nommée Shizu"
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Je tendis l'oreille. Le murmure était celui du vieillard, les pleurs ceux de son épouse. A ce moment, ma réaction fut l'étonnement : une femme pouvait-elle pleurer après tant d'années passées avec un homme ? La tristesse m'envahit : ainsi, malgré un âge avancé, les êtres humains pleuraient, sachant pourtant l'inutilité de verser des larmes sur cette existence.

Extrait de "Adieu"
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Pendant que je jouais avec le chien, ma tante s'appuya contre la fenêtre et contempla le ciel printanier, où flottaient des nuages semblables à du coton.
"Que regardes-tu ? lui demandai-je.
- Le Japon.
- Le Japon ?"
Comme j'habitais à Dalian depuis l'enfance, j'ignorais tout de ce pays. D'après mes livres de classe, j'imaginais une contrée magnifique et irréelle.
"Oui, le Japon. Un ami va bientôt venir de ce pays.
- Un bon ami ?
- Oui, un ami cher à ta tantine."
Me tournant toujours le dos, elle regardait les nuages par la fenêtre. J'ignorais si le Japon se trouvait dans cette direction, mais, vue de dos, elle semblait aussi heureuse que moi.

Extrait de "Une femme nommée Shizu"
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La laideur de la vieillesse c’est de ne pouvoir me détacher des misérables liens qui me retiennent à la vie.
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